2. Sur la route - Confort et impressions de conduite en ville, sur route et autoroute
Lundi 24 juin, 6 heures du matin. Le jour est déjà levé dans mon petit village des Yvelines quand j’approche de « mon » Abarth 124, dans le coffre de laquelle j’installe ma valise, un pack d’eau gazeuse, le sac à dos contenant mon ordinateur et quelques babioles, dont une paire de baskets avec laquelle j’ai bien l’intention de trouver un moment pour aller courir. Las ! J’arrive alors quasiment aux limites des 140 litres de volume disponible, et ne peux compter sur les minuscules espaces de chargement disséminés dans l’habitacle, sur la console centrale et entre les sièges, pour m’aider à en caser davantage. Clairement pas une familiale, cette Abarth! Même si les aspects pratiques restent secondaires sur un roadster, j’aurais apprécié de disposer de vide-poches dans les portières et/ou de rangements dans la planche de bord. On se contentera donc de paraphraser un fameux sketch de Coluche, « écrivez-nous de quoi vous avez besoin, on vous expliquera comment vous en passer. »
Par contre, en dépit de son petit gabarit (4,05 mètres de long, comme la nouvelle Renault Clio), cette Mazda - Abarth, pardon ! – offre un espace suffisant à un conducteur de bonne taille (1,80 m pour votre serviteur), lequel trouve rapidement une parfaite position de conduite et bénéficie de commandes tombant parfaitement sous la main. La bonne visibilité périphérique (qui serait toutefois meilleure sans les épais montants du hard-top, équipement dont je maudirai la présence toute la semaine), achève de mettre à l’aise, et on n’a qu’une envie : tourner la clé de contact, à l’ancienne !
Sauf que c’est un bouton-poussoir qui a pour fonction de réveiller le 4 cylindres. Contact…et brop-brop-brop-brop-brop. D’emblée, le grondement s’échappant de la « marmita », en l’occurrence les quatre sorties du pot d’échappement "Record Monza", vous mettent dans l’ambiance : du sport vous voulez, et du sport vous aurez ! Si la puissance du bloc 1.4 est assez faible dans l’absolu (170 ch, rappelons-le), cette Abarth 124 GT présente l’avantage de boxer dans la catégorie poids plume : avec 1060 kilos sur la balance, elle nous renvoie à l’époque d’une automobile insouciante, légère et libre comme l’air.
Les neuf voitures formant notre convoi arrivent toutes à l’heure (matinale) convenue au point de rendez-vous parisien. C’est la première prouesse du voyage quand on sait les difficultés de circulation rencontrées par les habitants d’Ile-de-France en général et de la capitale en particulier.
A quelques exceptions près, les touristes ne prêtent qu’une attention distraite à notre équipée. Le temps d'une rapide présentation vidéo et de quelques photos, nous quittons le Champ-de-Mars constellé de détritus abandonnés par les adeptes du pique-nique venus la veille au soir et prenons la route direction Turin, 800 kilomètres plus loin.
La sortie de Paris s’opère sans difficultés, et permet de constater que cette 124 se plie parfaitement à l’exercice de la circulation urbaine. Courte, nerveuse, elle se faufile avec facilité dans le flux de sages berlines. Malgré une faible hauteur de caisse qui donne à la moindre Twingo des proportions de géante et une visibilité périphérique serait meilleure sans le hard-top, on se sent à l’aise au volant. Le moteur est souple, les commandes sont douces et le confort de suspension reste excellent. Autre avantage, les bruits d’échappement qui vous précèdent permettent d’avertir passants et cyclistes de votre arrivée. Un vrai « plus » en termes de sécurité, donc !
Le convoi gagne rapidement l’autoroute pour cette étape qui sera l’une des plus longues du trajet et que j’appréhende quelque peu, du fait de la combinaison des bruits aérodynamiques qui apparaissent à partir de 100 km/h et d’un réservoir dont la contenance faible imposerait de trop fréquents arrêts. Et le charme commence à opérer. Bien calé dans les sièges en cuir bicolore rouge et noir, les mains tombant parfaitement sur un volant à la jante épaisse « juste ce qu’il faut », on avale les kilomètres le sourire aux lèvres. La direction est précise, et la frêle carrosserie n'offre qu'une prise réduite au vent latéral. L’Abarth tient son cap sans forcer et a le bon goût d’offrir d’excellentes reprises, ce qui permet de tenir les fâcheux à distance.
Alors certes, elle n’est pas parfaite : le moteur tourne vite, même sur le sixième rapport, et fait donc un peu de bruit. De plus, l’interface du système multimédia apparaît bien complexe et on ne dispose pas d’un système type « Android Auto » ou « Apple Car Play » permettant de dupliquer le contenu du smartphone à l’écran. On doit donc caler un support de téléphone à l’un des aérateurs pour utiliser les fonctions GPS ou l’audiothèque. Pour une voiture affichée à 40 900 € hors options, ces fautes d’ergonomie agacent.
Les kilomètres défilent, et je réalise après deux heures que je m’ennuie nettement moins que si je me trouvais au volant d’une voiture mieux formatée pour l’exercice autoroutier. En effet, là où une berline familiale vous impose le caractère souvent insipide d’un habitacle parfaitement climatisé et insonorisé, cette Abarth vous communique sa bonne humeur, même aux 130 km/h réglementaires. On prend ainsi un plaisir très coupable à ralentir et « tomber » un rapport ou deux pour faire souffler le turbo et recoller au peloton tandis que le caractère très incisif de la direction impose une concentration constante. Bref, cette Abarth 124 est une voiture qui VIT, qualité devenue de plus en plus rare. Et c’est aussi une voiture sobre, avec une consommation autoroutière inférieure aux 8 litres au cent, en roulant certes raisonnablement mais sans éco-conduite d’aucune sorte.
Après de longues heures de ligne droite, c’est avec une excitation certaine que je vois poindre le sommet du Mont-Blanc depuis l’A40. Nous allons en effet passer par Courmayeur pour entrer en Italie, ce qui signifie qu’une partie sinueuse, rythmée de montées et de descentes et ponctuée de tunnels, nous attend. Aaaah, les tunnels ! Rien de tel pour profiter des envolées mécaniques…qui, même avec le mode « sport » enclenché, seront hélas totalement recouvertes par les incroyables grondements émis par l’Alfa Romeo 4C conduite par Pierre Desjardins, dont l’écho doit encore retentir plusieurs semaines après notre passage ! De fait, c’est un peu comme si vous compariez les aboiements d’un teckel à ceux d’un berger allemand.
Pour autant, je ne vais pas bouder mon plaisir : mon Abarth fait preuve d’excellentes dispositions dans les courbes rapides, et conserve un caractère parfaitement prévenant quand on hausse le rythme. Saluons ici la réussite d’un modèle avec lequel on peut rouler de façon dynamique sans se faire peur à chaque virage.
La journée aura été longue, et c’est avec un certain soulagement que je gare ma voiture sur le parking de l’hôtel à Turin. Je note avec le même soulagement qu’au terme de cette journée de route, cette Abarth m’épargne les douleurs articulaires que je ressens habituellement après quelques heures au volant. Contre toute attente, le confort est donc une qualité première de l’auto. Je n’aurais pourtant pas parié ma chemise Caradisiac sur ce point !
Nous ne sortirons pas de Turin pour ce deuxième jour de road trip. Berceau historique de la Fabbrica Italiana Automobili Torino (ou Fiat, si vous préférez), la ville présentait la particularité de disposer d’une véritable usine d’assemblage en son cœur-même, opérationnelle de 1923 à 1982 ! Le site, baptisé Lingotto présente une autre particularité qui est de disposer d’un véritable circuit automobile en son sommet. Ce circuit de forme ovale et d’un développement de 400 mètres avec à chacune de ses extrémités d’impressionnants virages relevés, permettait de tester les modèles parvenus en bout de chaîne avant leur mise à disposition de la clientèle. Pour en savoir plus, je vous renvoie au reportage vidéo que j’ai tourné avec le concours de l’éminent Serge Bellu. Précisons que si nous avons bien monté les voitures au sommet du Lingotto, empruntant pour ce faire une splendide rampe d’accès hélicoïdale, nous n’y avons pas dépassé les 30 km/h pour y réaliser quelques images, et ce sans poser les roues sur les virages relevés qui sont interdits d’accès. Malgré celà, le simple fait d'accéder à ce lieu chargé d'histoire, haut-lieu de la culture industrielle italienne, voire européenne, restera comme un des bons souvenirs de ce voyage.
L’après-midi, nous nous rendrons au nouveau "Hub" de Fiat qui ouvrira très prochainement ses portes au public, une sorte d’immense entrepôt dans lequel on découvre plus de 250 voitures des marques turinoises du groupe FCA (Fiat et Lancia, donc), de tous styles et de toutes époques, de la limousine à la voiture de rallye en passant par divers prototypes. Un endroit assez merveilleux auquel nous avons bien sûr consacré un reportage à découvrir en ligne sur Caradisiac.
Réveil en fanfare ce mercredi matin, où nous avons rendez-vous au Centro Stile Alfa Romeo. Là nous attend le Tonale, un concept-car préfigurant un SUV compact à venir dans la gamme du constructeur milanais, dévoilé en première mondiale en mars dernier au salon de Genève. En traversant la ville, je ne résisterai pas à la tentation de me livrer à une courte « passe d’arme » avec l’ami Pierre, qui délaissait pour l’occasion la 4C au profit de la Fiat Panda. Au volant de nos frêles autos, à nous le plaisir d’une conduite enlevée dans les rues turinoises, à la Bébel…qui justement utilisait souvent des Fiat dans ses films !
Ensuite, direction Milan, ou plus précisément Arese, pour découvrir le musée historique Alfa Romeo. Un écrin qui met superbement en scène les voitures de route et de compétition, et auquel nous consacrons aussi un reportage vidéo.
Je reprends le volant de ma petite Abarth et me dirige vers un hôtel situé dans une ville qu'on appelle Bergame (vous l'avez?). Le réseau secondaire, sinueux à souhait, permet de profiter au mieux de l’excellente tenue de route dont fait preuve la voiture, mais aussi de son exemplaire accord moteur/boîte et de son freinage mordant « juste ce qu’il faut » (ce qui rime avec Brembo). Le fait d’être assis à l’aplomb des roues arrière contribue bien sûr à la mise en confiance, et fait que l’on hausse le rythme sans arrière-pensées. Ainsi, il faut accélérer très fort pour provoquer des dérobades du train arrière, lesquelles sont maîtrisées par un différentiel autobloquant mécanique secondé par un antidérapage ESP suffisamment permissif pour qu’on n’ait pas envie de le désactiver au premier virage.
Légère (6,2 kg par cheval), parfaitement équilibrée, avec son moteur avant et sa propulsion, cette 124 représente la quintessence même du plaisir de conduite. A plus forte raison quand on enclenche le mode Sport du Drive Mode Selector implanté à la base du levier de vitesse, ce qui se traduit par une réponse plus vive de l’accélérateur et un échappement - un peu - plus sonore…mais que l’on souhaiterait moins avare en pétarades au lever de pied. Les ingénieurs de chez Fiat seraient bien inspirés de s’inspirer de la Mégane RS de dernière génération, sans doute le modèle le plus expressif de la production sur ce point.
Parmi ceux-ci, il y aura aussi Modène, qui nous permettra de découvrir le musée Ferrari, érigé dans les anciens ateliers d’Alfredo Ferrari (père de…) et où Enzo a tout appris. Des voitures de toutes époques, des moteurs de F1 et quelques vestiges du passé permettent une approche plus intimiste du mythe et méritent assurément le détour. Nous consacrons bien sûr un reportage vidéo à ce musée dans le cadre du road trip.
Il y aura aussi la Toscane, et notamment San Gimignano, splendide ville fortifiée et ceinturée de routes au bitume parfois fatigué mais sur lequel j’aurai l’occasion d’apprécier l’excellent travail des amortisseurs Bilstein, qui participent de la rigueur de comportement tout en préservant le confort. Des routes sur lesquelles il fera bon titiller l’aiguille de ce compte-tours au fond rougeoyant et trônant au centre du combiné d’instrumentation.
Il y aura aussi Gênes, que nous aurons la bonne idée de traverser le 28 juin, jour du dynamitage des derniers piliers du pont Morandi qui s’était effondré à l’été 2018. Nous vous laissons imaginer l’ampleur des bouchons ce jour-là, et ce sera pour moi l'occasion d’éprouver l’efficacité de la climatisation dans ce petit habitacle qui, coiffé par un toit en carbone, constituait une cible parfaite pour les rayons d’un soleil qui frappait particulièrement fort.
Il y aura enfin Pigna, où nous arrivons le samedi 29 juin. Ce splendide village de Ligurie, à une petite trentaine de kilomètres de la frontière française, présente l’immense avantage d’être situé en montagne, terrain de jeu où s’épanouit pleinement un petit roadster comme l’Abarth. Après plusieurs jours au volant de l’auto, je suis parvenu à établir une sorte de « connexion » avec elle, et j’anticipe ses réactions pour mieux les provoquer. Direction précise, freinage efficace, moteur rageur, j’aimerais que les routes ne s’arrêtent jamais. Ah, ce moteur ! Souple à bas régime et rageur dans les tours, plein comme un œuf et généreux dans l’effort ! Quelle auto les amis ! Kilomètre après kilomètre, virage après virage, je ressens un plaisir presque oublié qui est celui consistant à faire corps avec la machine. Les sensations sont proches de celles d’une moto (toutes proportions gardées en termes d’accélération, bien sûr) et m’évoquent celles délivrées par des Honda S2000 ou Porsche Cayman, véhicules figurant au sommet de mon panthéon personnel.
Spéciale de rallye
Mais le meilleur, en termes de sensations brutes, restait à venir avec le petit « extra » qui m’attendait sur la route du retour. Quittant provisoirement le groupe, je prends la direction de Gonfaron, dans le Var où, sur une route fermée à la circulation, je retrouve un certain Nicolas Ciamin. Ce jeune - 21 ans ! - pilote de rallye figure parmi les grands espoirs du sport automobile tricolore et court notamment en Abarth 124 Rally GT+ en championnat de France. Une voiture au volant de laquelle il cumule les coups d’éclats, avec notamment plusieurs victoires de catégorie à son actif, et se paie le luxe de devancer bien des modèles à transmission intégrale. Bref, ce qu’on appelle un « client » !
Je commencerai par lui laisser le volant de « ma » 124 pour une interview ponctuée de quelques acrobaties, avant que lui ne m’invite à occuper la baquet du copilote à bord de son bolide personnel, fort de 330 ch pour 1050 kilos. L’occasion de prendre la mesure du gouffre interstellaire entre notre aimable balade, même parfois rapide, et le rythme adopté par un pilote en compétition. Un autre monde, comme vous pouvez le découvir dans la vidéo accompagnant cet article.
Le retour à Paris, effectué par l’autoroute (avec une salutaire étape en Bourgogne), sera l’occasion d’apprécier le souffle du 1.4 MultiAir, de profiter de sa propension à grimper en régime quand il faut opérer un dépassement éclair et, surtout, de me préparer à notre séparation prochaine... Ce sera d’ailleurs la seule note véritablement négative à tirer de cette semaine sur les routes italiennes.
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