La beauté des laides - Renault Koleos 1 : une fort curieuse salade grecque
Les transitions sont parfois difficiles. Pour passer de l'ère des monospaces à celle des SUV, Renault a tâtonné dans un mélange des genres stylistiquement malheureux. La preuve par le Koleos qui, au-delà de son physique difficile, a eu fort à faire avec un nom compliqué à porter.
La chance du débutant ne se vérifie pas tout le temps et parfois, les novices peuvent se planter lamentablement. Prenons les premières tentatives françaises en matière de SUV. Lorsque le Nissan Qashqai est apparu, en 2007, et qu'il a tout raflé sur son passage, l'affolement a gagné les bureaux d'études et de style de Renault comme de Peugeot. Un affolement assez visible dans les lignes, disons étonnantes, du premier 3008 du Lion, mais aussi dans celles, disons peu pertinentes, du Renault Koleos.
C'est la faute à Nissan, m'sieur
C'est que dans ces temps reculés, les constructeurs français surfent sur une vague qui tend à s'épuiser. Les monospaces se ringardisent, le plus célèbre d'entre eux, le Renault Espace, est caricaturé. Son conducteur ? Un cadre dynamique à chemisette blanche, un pull bleu négligemment jeté sur les épaules, qui emmène sa famille nombreuse en vacances à La Baule. On use pour lui d'un terme rapidement devenu péjoratif : le BCBG, le bon chic bon genre.
Celui qui donne un coup de pied dans la fourmilière de l'auto des bonnes familles est japonais. Le Nissan Qashqai secoue tout le monde et tout ce qui va en découler sera de sa faute. Ce n'est pas un monospace, mais un SUV, nuance. Dans les bureaux du Losange, on a saisi le message, du moins on le pense. On est persuadé que ces nouvelles autos sont un savant mélange stylistique entre un monocorps et un 4x4 : un crossover.
Sauf qu'aux formes des monospaces en vogue ces années-là, l'ajout de grosses roues et d'une allure baroudeuse ne sied pas. La preuve par le Koleos, sorti des planches à dessin des équipes de Patrick Le Quément en 2006 en Corée, et en 2008 en France. Un avant de Laguna 2, un profil de Clio 2 Estate boursouflée et le tour est joué. Pour choisir le nom de l'engin, Renault s'est adressé à une agence qui, contre espèces sonnantes et trébuchantes, s'en est allée chercher un patronyme fleurant bon le soleil et le Sirtaki.
Un nom qui fleure bon la Grèce et le soleil
Va pour Koleos. Personne ne s'est donné la peine d'aller vérifier la signification de ce nom, mais ça sonne grec, c'est sympathique et on dirait le nom d'un nounours de dessin animé. Voilà qui est parfait et l'auto est lancée en France. À sa vue, les réactions ne sont pas enthousiastes. Les ventes ont du mal à décoller, mais Renault ne pousse pas à la consommation. En début de carrière, la campagne de pub est minimaliste et pendant un an, le Koleos roule sur les routes de l'indifférence.
Mais en 2009, stupeur. Selon le mensuel de BD Fluide Glacial, Koleos, en grec ancien, signifie "testicule". L'info ne reste pas cantonnée dans les pages du journal et fait la tournée des médias et des comptoirs de bistrot. Les spécialistes s'écharpent sur l'étymologie du mot et certains affirment qu'en fait de testicule, le terme désignerait plutôt un vagin. Au final, la traduction littérale du mot, dans la langue disparue comme en grec moderne, signifie "fourreau". Un mot qui donne lieu à moult interprétations.
Malgré tout, Renault s'entête, sans trop y croire, en sachant que son Koleos n'est qu'un pis-aller, un SUV faute de mieux. La marque le conserve à bout de bras, à coups de restylages et de campagnes de pub avec le basketteur Tony Parker, jusqu'en 2015, jusqu'à l'avènement du Kadjar. Il aura vécu 7 ans difficile, en ne réalisant pas plus de 5 000 ventes par an, en moyenne, dans l'Hexagone.
Le phénix Koleos
Un nom difficile à porter, une ligne impossible à défendre, et pourtant. Un an à peine après la disparition du Koleos, le voilà qui revient. Mais tout a changé sauf son patronyme. Le Koleos nouveau est en fait un Kadjar break, parfaitement au goût du jour. Alors, il pourrait s'appeler Kadjar+ ou Kadjar Estate. Sauf que, selon la direction de Renault, les rares acheteurs du Koleos premier du nom en étaient très satisfaits. Et il est tentant de leur fourguer la nouvelle mouture.
C'est que le SUV pas très beau et au nom pas très reluisant a des qualités. L'espace à bord est parfait pour cinq, son double système d'ouverture de coffre se révèle génial et son dessin intérieur est original et de pas trop mauvaise qualité. Évidemment, certains de ses moteurs, comme le diesel DCI de 150ch, ont quelques défauts, mais les autres s'en tirent plutôt bien. En plus, l'engin est hyperconfortable, même si cela a un désavantage certain : ses suspensions souples s'écrasent au premier virage. Un inconvénient qui ne l'empêche pas d'être recommandable. À condition de rester prudent à son volant, et d'oublier toute notion de grec ancien.
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