Islay se trouve dans les Hébrides à l’Ouest de l’Ecosse, c’est l’île la plus au Sud de l’archipel mais cela n’est pas pour autant que vous y trouverez du soleil et des nanas en bikini sur les plages pourtant nombreuses. La flore locale qui a banni les végétaux de plus de 1,30 m de haut laisse facilement imaginer que les conditions de vie ne sont pas toujours faciles. Vivre sur une île est déjà compliqué (le problème de l’isolement travaille forcément les esprits à la longue) et on se dit que lorsque l’hiver arrive et que la pluie s’installe pour des mois (pas vraiment le froid), les 3500 habitants doivent trouver parfois le temps long. Mais pour notre venue, Nissan avait fait les choses en grand puisque le soleil et la chaleur étaient miraculeusement au rendez-vous. Peut-être bien que la nature a choisi d’aider au développement de l’électricité automobile…
Une feuille sur une île sans arbres
Notre Leaf (feuille en anglais) facturée en France 30 990 euros (notez que le panneau solaire sur le haut du coffre est une option à 600 euros), était une version anglaise à volant à droite puisqu’en Ecosse, on roule à gauche. Quoique, pour être très précis : vu la largeur du réseau routier local, il est plus juste de dire que l'on roule le plus souvent… au milieu. Si Islay s’étend sur 620 km², l’essentiel de la superficie est constitué de prairies dans lesquelles des milliers (millions ?) de moutons et quelques taureaux paissent tranquillement sans se soucier beaucoup des automobilistes qui les rencontrent souvent au détour d'une courbe aveugle en famille au milieu de la route. À Islay, on trouve aussi des distilleries de Whisky (8 au total !) réputées à travers le monde alors que la population est plutôt accueillante (l'effet du whisky ?) puisque chaque autochtone salue d'un geste de la main les gens qu'il croise. Imaginez ça à Paris ou à Marseille…
Sachez également que la sécurité de l’île qui ne compte que 3 bourgs est assurée par 5 agents des forces de l’ordre et que la peur du radar (ou du contrôle alcoolémie) n'est pas aussi stressante que par chez nous. Mais comme dit plus haut, c’est plus le réseau routier qui détermine votre vitesse que vos talents de pilote et ce d’autant plus que l’île comporte moitié moins de kilomètres de route qu’un rallye régional Français !
L'île d'Islay qui abrite (et protège) beaucoup d'espèces d'oiseaux est davantage une destination pour les marcheurs en quête de tranquillité et de whisky aucoindufeulesoirquandleventdéfriselesmoutonsdehors qu’un lieu pour amateur de trajectoires et de grosses autos. Pour ceux-là, l'île de Man n'est pas loin. En résumé, la Nissan électrique devait théoriquement y être à son aise, d'autant plus qu'une des plus grandes distilleries de l'île (Bruichladdich), destination de notre petit périple, cherche à produire son breuvage de façon écologique et que le patron du lieu roule déjà en Leaf.
Après cette brève introduction à notre virée et sachant que l'auto a été essayée puis détaillée par François, vous savez que la Nissan Leaf ne s’adresse pas aux amateurs de sensations fortes sur 4 roues. Sauf à mettre les doigts dans la prise de courant, tout ce que vous comptez de cheveux ou de poils ne se dressera pas sur votre corps lorsque vous approcherez et conduirez cette auto pionnière en son genre puisqu'elle est une des premières compactes électriques produite et commercialisée en grand nombre (après le Japon, la production en Grande-Bretagne va bientôt débuter).
Partie d'une feuille blanche
Le style d’abord. Celui de la Nissan Leaf a un mérite : être distinctif du reste de la production de compactes du segment C, le plus fourni en Europe. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle est séduisante même si à la longue, on s'habitue à son postérieur flasque aux bajoues hypertrophiées et à son visage sans calandre. Ses optiques avant protubérantes à l’excès pour dévier le flux d’air loin des rétros et ainsi éviter les bruits aérodynamiques lui donnent une personnalité intéressante mais probablement pas un bon score en choc piéton. Si par malheur vous en renversez un qui n’aurait pas entendu le bruissement émis par l’auto jusqu'à 30 km/h et qu'il survit au premier choc, il sera à coup sûr achevé par les optiques ! Reste que dans les discussions dominicales, la Nissan Leaf donne la possibilité à son propriétaire d'être au centre des attentions. Car en plus des phares aérodynamiques, le dessous de l’auto est réellement plat et le diffuseur arrière n’est donc pas qu’une sculpture d’apparat totalement inutile comme sur la Ford Focus RS par exemple. Le but de ce fond plat n’est pas de scotcher la Leaf au sol mais là aussi de diminuer les bruits potentiels dans une auto dont le moteur électrique n’émet qu’un gentil gazouillis. Bref, c’est une voiture d’ingénieur que l'on peut décrire pendant de longues minutes à un auditoire intéressé et donc une auto qui, à l'instar d'une Ferrari ou d'une ancienne, vous permettra de briller et d'être remarqué. Bon, profitez-en car cela devrait durer moins longtemps qu'avec une Ferrari ou une ancienne, les voitures électriques risquant de se répandre très vite dans un futur proche !
De son côté, l’habitacle n’est certes pas Premium mais malgré ses plastiques durs et la relative légèreté de l’ensemble, cela reste d’un niveau acceptable, équivalent à une auto de segment C moyen de gamme. Finalement, l’attention des occupants ne s'attarde pas sur la finition car elle est vite détournée par le combiné d’instrumentation et ses mélodies multiples ainsi que par l’écran affichant toutes les nouvelles fonctions dédiées au mode de fonctionnement électrique. Décrypter les idéogrammes inédits et le menu de l'interface est réellement captivant, tout du moins pour une première rencontre.
La feuille de route
Une fois les processus de mise en route et de fonctionnement assimilés (faut-il mettre le pied sur le frein pour mettre en route, pour passer en Drive, comment marche ce drôle de joystick gérant la marche avant et la marche arrière, où est le frein à main électrique… ?), la conduite de la Leaf se montre étonnamment… normale. Les 109 ch et 280 Nm de couple permettent de s’insérer dans la circulation sans problème, il est même possible de maintenir une bonne cadence sur route et jamais une quelconque sensation de manque ne vous étreint. Enfin, ceci n’est valable qu’en mode normal car en mode Eco, vous sentez extraordinairement bien la « baisse de tension » qui accable votre voiture lorsque vous tentez une accélération ! Sur le plan dynamique, je m’attendais pour tout dire à une auto flottante et imprécise, elle est en fait simplement…confortable. La direction très légère est plutôt précise, l’amortissement rigoureux et bien calibré se révèle cohérent avec la vocation familiale de la Leaf, elle ne se vautre pas dans les courbes serrées et accepte de tourner correctement jusqu’à un seuil tout à fait acceptable. Le sous-virage ne sanctionnera que les attaques trop franches en courbe et l’entrée en survitesse. Si mes souvenirs ne me trompent pas, une Renault Fluence est moins bien. On note par ailleurs une pédale de frein très dure avec laquelle il est difficile de moduler correctement la pression à exercer, probablement une conséquence du système de récupération d’énergie. En somme, les balades en famille sont tout à fait classiques, la climatisation fonctionne correctement, la sono et le GPS également, bref, vous voyagez dans le présent à bord d’une auto futuriste qui n’a rien de surprenant à l’usage, à part peut-être le volume (et la forme) de son coffre étriqué (330 l). Mais, car il y a un mais,…
La feuille morte
… quand au début j’évoquais le manque de sensations ressenties à bord d’une Nissan Leaf, j’oubliais en fait qu’elle pouvait par moments générer une poussée d’adrénaline assez sensationnelle. En effet, lorsque vous entendez la jeune dame préposée aux annonces vous dire à travers les haut-parleurs que votre charge batterie a atteint un niveau dangereusement bas, tout à coup, vous vous sentez comme devant votre smartphone à 14h30 affichant une seule bûchette de charge alors qu'il vous reste encore 4 h de boulot sans pouvoir recharger votre téléphone !! Le stress s’empare de votre corps fébrile, vous vous imaginez alors dans le désert coupé du reste de la civilisation, vous cherchez frénétiquement une prise, manipulez le GPS (très bien pensé) qui vous donne tous les points de recharge possible aux alentours et commencez à changer votre façon de conduire en tentant par tous les moyens de faire fonctionner la récupération d’énergie au freinage. Bref, vous freinez tout le temps, levez le pied de l’accélérateur dès qu’une pente se présente et vous ne décrochez plus votre regard des jauges qui refusent dramatiquement de reprendre du pep. Dès la première alerte, vous avez évidemment tout de suite basculé en mode Eco et malgré l’indolence et la paresse de l’auto, vous trouvez encore qu’elle accélère trop fort ! Ce « syndrome de la dernière bûchette » qui stresse formidablement guette tous les hommes (et donc femmes aussi) modernes adeptes des technologies nomades et donc totalement dépendant des… batteries et autres piles. D'ailleurs, annoncer à midi aux gens de Nissan qui nous accompagnaient qu’il ne nous restait que 8 miles d’autonomie a provoqué un petit moment de panique dans le staff suivi d’un immense soulagement lorsque l’on s’est rendu compte que j’avais confondu l’affichage de la distance restant à parcourir sur le GPS avec celui de la jauge d’autonomie qui affichait alors encore 27 miles !
Bon, l’ordinateur de bord a tout de même fini par afficher ces fameux 8 miles d’autonomie vers 16h30 après environ une petite centaine de kilomètres mais nous étions alors parvenus à notre destination (ils savent calculer chez Nissan). Reste que ce genre d’auto pourtant familiale ne permet ni de partir en vacances, ni les sorties dominicales un peu éloignées et sans moyen de recharge à proximité (balade en campagne, sortie randonnée…etc) et qu’il se cantonne exclusivement à un usage bien déterminé qui peut être le trajet domicile travail avec détour par l’école pour poser et récupérer les enfants. Si les petites autos électriques du segment B aux performances moins élogieuses que la Leaf conviennent assez bien aux citadins, la Nissan, plus grosse et plus confortable, s’adresse finalement aux provinciaux dont le trajet domicile travail tourne autour de 20 à 30 km. Avec son autonomie réelle (en conditions d'utilisation normale) d’environ 120/130 km, la Nissan Leaf autorise un détour pour faire les courses en rentrant du boulot tout en récupérant les enfants à l’école, c’est un avantage que d’autres n’ont pas.
La recharge sur 220v prend 7 à 8h alors que sur une borne de recharge rapide, remplir la jauge à 80 % ne prendra que 30mn. Notez qu'après le tsunami japonais qui a dramatiquement réduit les capacités électriques du pays, Nissan a étudié et développé un système bientôt commercialisé (peut-être pas en Europe) qui permet d'utiliser la Leaf pour alimenter un logement en électricité.
La feuille de match : ce qu'il manque à la Leaf
La Nissan Leaf coûte 30 990 € euros batteries comprises (et bonus de 5 000 € déduit), elle est garantie 3 ans et 100,000 km mais tous les éléments relatifs au moteur électrique ( batteries, moteur , transformateur, convertisseur, chargeur, joystick directionnel, VCM) sont eux garantis 5 ans et 100.000km. Une Renault Fluence ZE tri-corps moins attractive est aussi moins « dynamique » (c'est relatif évidemment), et si son tarif à l’achat n’est que de 21 000 euros bonus déduit, il faut y rajouter la location de la batterie qui va de 82 € à 148 € par mois selon la durée de votre contrat et le kilométrage annuel effectué.
Et c’est là que se pose la véritable question : que manque-t-il à cette Leaf pour que l’on fasse le pas sans pour autant être un écologiste convaincu et aventurier ?
Car à ce prix (celui d’une Renault Mégane RS ou d’une Toyota GT86 mais là je m’égare…), la famille n’a pas dans son garage une auto qui lui permet de partir en vacances. Donc sauf à proposer comme Renault un service de location de véhicules thermiques pour les longs trajets à des tarifs préférentiels, on imagine que la clientèle cible d'une auto de ce segment préférera mettre 31000 euros dans une Audi A4 Avant V6 TDi de 2010 peu kilométrée dont on sait qu’elle rendra beaucoup plus de services qu’une Leaf.
Et c’est là que la conclusion à cette virée s’impose tout naturellement à l'esprit : à cette Leaf au demeurant excellente, il ne manque qu’une chose pour devenir un premier choix. Même si cela peut paraître paradoxal et un brin provocateur au sujet d'une électrique, il ne manque finalement à la Leaf… qu'un moteur thermique prolongateur d'autonomie capable de faire disparaître ce stress du manque de bûchettes si détestable au quotidien !
L'avenir est-il vraiment au tout électrique ?
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération