2. Sur la route, l'Aston Martin Vanquish laisse le choix entre le luxe et la violence

Prendre le volant de cette Vanquish quelques jours seulement après la Lamborghini Revuelto sur les mêmes routes permet de bien saisir toutes les différences philosophiques entre ces deux machines. Même si l’Italienne sait réellement jouer les GT grâce à son habitacle plus spacieux et pratique qu’avant, sa visibilité périphérique correcte et son amortissement agréable, l’Anglaise fait office de vraie voiture de luxe en comparaison avec son intérieur aux finitions superbes et son assise un peu plus classique. Contrairement à la Revuelto cependant, elle fait beaucoup de bruit à la pression sur le bouton de démarrage : ici pas de moteurs électriques pour remplacer le V12 en ville, ni de système hybride pour l’assister.
Une GT impériale dans la vie de tous les jours
Le gros V12 biturbo de 5,2 litres grogne vigoureusement à froid puis se cale sur des tonalités plus discrètes une fois à température avec tous les paramètres en mode « GT » (le plus « tranquille »). Malgré une direction naturellement un peu lourde et une pédale de frein à l’attaque ferme, les évolutions en Vanquish donnent l’impression de conduire une grosse voiture de luxe très racée grâce à cet univers intérieur si précieux et sa facilité à vivre : l’amortissement conserve un bon degré de souplesse en mode GT et la boîte automatique fonctionne comme celle d’une limousine. La vue sur le long capot, l’ambiance intérieure et le discret mais permanent vrombissement du douze cylindres, ça suffit déjà à s’échapper de la routine automobile.

Sur l’autoroute à 130 km/h avec le régulateur de vitesse activé, on consomme encore moins qu’en Revuelto hybride : 10,5 litres/100 km. Ce V12, entièrement retravaillé par rapport à celui inauguré par la DB11 en 2016 puis repris sur l’ancienne DBS Superleggera (quasiment toutes ses pièces mobiles internes sont nouvelles tout comme son bloc et son haut moteur ainsi que ses turbos), se contente pourtant d’un simple stop & start comme seul système de limitation de sa consommation.
Les turbos de l’enfer
Cette ambiance luxueuse et raffinée change dès que vous écrasez en grand la pédale de droite pour la première fois. Après un infime temps de réponse, la poussée devient subitement étouffante et la Vanquish se transforme en supercar. Il se trouve que le V12 en question fournit 835 chevaux (à 6 500 tours/minute), mais surtout 1 000 Nm entre 2 500 et 5 000 tours/minute. A titre de comparaison, le V12 de 825 chevaux de la Lamborghini Revuelto administre 725 Nm à 6 750 tours / minute « seulement » et celui de 830 chevaux de la Ferrari 12cilindri envoie 678 Nm à partir de 2 500 tours/minute. Forcément, ça pousse comme une Véga Missyl !
Aston Martin ne se contente heureusement pas de laisser courir cette monstrueuse cavalerie sous le capot vers le seul train arrière sans le moindre contrôle comme au bon vieux temps des surpuissantes Vantage V600 préparées avec l’aide de Callaway. Outre une cartographie lissant la puissance sur les rapports inférieurs de la boîte dans les modes de conduite les plus sages, il reste de l’assistance électronique en position Sport+ et un bouton permettant comme dans la Vantage de désactiver l’ESP en gardant de l’antipatinage via une molette réglable sur 8 positions (jusqu’à la position 0 pour tout enlever). Et surtout, la suspension semble progresser par rapport à l’ancienne DBS Superleggera (déjà forte de 725 chevaux et 900 Nm) puisque la motricité abonde malgré l’architecture de pure propulsion.

Probablement bien aidée par son architecture « transaxle », sa bonne répartition des masses (49,4% à l’arrière, 50,6% sur l’avant) et ses Pirelli conçus sur mesure, la Vanquish produit des catapultages d’une intensité effrayante mais sans jamais devenir scabreuse.
L’expérience de conduite ne ressemble à rien d’autre, à vrai dire : les montées en régime copieuses du V12 vous envoient vite au rupteur lors des phases d’accélération où l’on se cramponne littéralement au volant, puis il est temps d’écraser la pédale de frein heureusement reliée à d’énormes disques en carbone-céramique. Pendant ces phases d’accélération à pleine charge qui semblent ne durer qu’un instant, le V12 produit un hurlement plus feutré que celui des douze cylindres atmosphériques, moins viscéral mais plus bouillonnant. En terme d'allonge et de sensations, ce V12 biturbo rappelle celui de la Pagani Utopia avec un volume sonore légèrement atténué.
La boîte automatique ZF à huit rapports, modifiée par rapport à celle des autres Aston Martin de la gamme afin d’encaisser un tel couple, ne parvient pas à se montrer aussi réactive et permissive en conduite sportive qu’un système à double embrayage alors qu’elle excellait en conduite tranquille. Heureusement, elle ne gâche pas le plaisir pour autant et impose juste d’anticiper un peu : il faut dire qu’avec un rupteur installé à 7 000 tours/minute et des montées en régime si rapides, on la sollicite souvent !

Faute d’une transmission intégrale pour aider à la motricité dans les phases de conduite les plus délicates (ni les moteurs électriques pour combler les trous du V12 à très bas régime), les performances restent légèrement moins démesurées que dans une Revuelto mais à chaque fois qu’on peut écraser la pédale de droite à 100%, la Vanquish se téléporte jusqu’au freinage suivant comme aucune autre machine. Et comme on parvient vite à cerner le comportement de cette auto assez facile à lire et exploiter malgré sa fougue mécanique, les montées de col s’avèrent passionnantes. Dans le sinueux, elle devient gentiment sous-vireuse à la limite avec une progressivité réellement rassurante. La masse conséquente (1 880 kg à sec) se fait sentir mais elle n'empêche pas de s'appuyer sur un train avant solide et la poupe aide à tourner (y compris à l'inscription grâce au différentiel actif) malgré l'absence de roues arrière directrices. Les reprises de gaz, même une fois l’antipatinage totalement déconnecté pour rigoler, restent facilement dosables malgré quelques effets -logiques- de patinage à pleine charge en ligne droite dès qu’il y a quelques bosses. Ceux capables de gérer la glisse « pied dedans » avec brio pourront la transformer en superbe machine à fumée dès le premier virage, évidemment.
Puis, dès qu’on remet le mode GT, la Vanquish redevient une voiture de luxe capable de voyager façon Bentley Continental GT. Avec un réservoir de 82 litres pour aller loin, très loin. Notons aussi qu'il existe un mode Wet pour la conduite sur route mouillée. Heureusement...
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