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Où va Dacia ?

Dans Nouveautés / Autos low cost

Jean Savary

La marque « Entry » de Renault s’embourgeoise avec des prix en hausse continue et de nouvelles finitions à boutons dorés. Et cela alors que le cœur de sa clientèle subit de plein fouet l’inflation des prix de l’alimentation et de l’énergie. La bonne tactique ?

Où va Dacia ?

En dix ans, le prix de la version de base de la Dacia Sandero est passé de 8 200 à 11 500 €.
Celui du Dacia Duster, de 11 900 à 18 000 €.
À son apparition sur le marché français au milieu des années 2000 avec la Logan puis la Sandero, les tarifs de la marque roumaine étaient d’un bon 30 % inférieurs à ceux des marques généralistes. Aujourd’hui, l’écart de prix moyen est inférieur à 20 %.
Et pourtant, ça marche et mieux que jamais ! Six acheteurs sur dix du Jogger optent pour la version haute, au point que ce mois-ci Dacia grimpe encore d’un cran avec la finition « Extrême » qui, à coups d’équipements, de peintures spéciales et d’inserts « cuivrés » propose la Sandero Stepway à 17 400 €, le Jogger et le Duster à respectivement 20 900 et 23 100 €.
À ce tarif, on s’offrait du Renault, du Peugeot ou du Citroën équivalent peu avant la pandémie de Covid.
En « full option » - mais sans foule d’options - on peut même se commander une Dacia à 30 000 €. C’était le prix d’une chouette BMW, Mercedes ou Audi d’il n’y a pas si longtemps, mettons dix ans…
Mais comme les tarifs des marques susnommées se sont également envolés, le client Dacia ne s’est pas enfui.

Quelle alternative a-t-il ? Car comme la Logan à 7 500 € des débuts, la gamme roumaine demeure, malgré son enchérissement, la seule alternative à l’occasion. C’est qu’avec la pénurie de l’offre en neuf et l’inflation des tarifs qui en résulte, les cotes de la seconde main ont elles aussi explosé depuis deux ans. D’abord sur les modèles récents qui se vendent parfois à leur prix d’achat d’il y a trois ou quatre ans, puis, en cascade sur tous les millésimes jusqu’à faire sortir du bois ou de la grange les voitures de plus de 15 ans qui représentent désormais plus du quart du marché du VO, en hausse de 30 % depuis début 2019.
Une Sandero pas trop mal équipée à 13 000 €, c’est certes très cher, mais à ce tarif, la Clio d’occase équivalente affiche 5 à 8 ans et 50 000 à 100 000 km. Sachant que la première est réputée bien plus fiable que la seconde, comment hésiter ? Résultat, sur les 2 millions de voitures vendues l’an passé par Renault, 600 000 étaient des Dacia et leur part dans le groupe ne fait qu’augmenter.

Où va Dacia ?

Un service public de transport individuel

On est ravi pour Renault dont l’embellie financière doit énormément à sa marque roumaine. La croissance du chiffre d’affaires (46,4 milliards en 2022, +11,4 %) c’est surtout grâce à elle qui dépasse les + 20 %. Quant à la marge (2,6 milliards), que serait ce joli taux de 5,6 % sans les plus de 10 % réalisés par la branche low cost mais high profit ?
Ravi pour Luca De Meo qui affiche ainsi un bilan de sauveur, mais désolé pour la fidèle clientèle Dacia qui, tel le contribuable des années 70, 80 et 90 épongeant les déficits de la Régie, paie la survie du Losange.
Car Dacia n’est pas qu’une marque de voiture bon marché, elle est aussi devenue, d’une certaine manière, un « service public de transport individuel », la SNCF de ceux qui n’ont pas de gare, la RATP de ceux qui n’ont ni bus ni métro. D’ailleurs, c’est un ancien grand commis de l’État, Louis Schweitzer, dirigeant d’une ex-entreprise d’État, qui l’a fait naître.
Pour des millions d’automobilistes qui ont l’auto comme seul moyen de transport et qui en ont un usage intensif, la Logan puis surtout la Sandero ont représenté l’accès jusqu’alors impensable à la voiture neuve, la première achetée sous garantie et qui ne risquerait pas de leur coûter la moitié de leur livret A dans les trois ans.
Dans ce que le géographe Christophe Guilly appelle la France périphérique, qui est justement très loin des périphériques, celle des bourgs et des villages, des champs et des sous-préfectures, à l’écart des grandes métropoles, garez-vous sur le parking d’un super U ou d’un Lidl et regardez : les Dacia sont partout, entre 20 et 40 % du parc roulant si l’on ne regarde que les voitures de moins de 10 ans. Idem dans toutes les banlieues excentrées des grandes métropoles régionales.

Où va Dacia ?

Le pare-chocs en plastique noir

C’est cette clientèle qui souffre le plus des 15 % d’inflation relevés sur l’alimentation en 2022 et qui devra encore encaisser – ou plutôt décaisser – les 10 ou 12 % prévus cette année - soit un coup de bambou de 25 % en deux ans ! C’est aussi l’acheteur de Dacia - plus que celui de Renault ou de Peugeot - qui baisse le plus son thermostat cet hiver, et pas pour éviter la grande panne de courant.
Et comment réagit Dacia à la chute du pouvoir d’achat du cœur de sa clientèle, à cette paupérisation à bas bruit de ses fidèles ? Elle fait valser les étiquettes et plaque des inserts cuivrés sur les carrosseries alors qu’il faudrait urgemment revenir aux prix canon et au pare-chocs en plastique noir.
Que vont faire tous ceux qui ont payé leur auto 8, 10 ou 12 000 euros quand il sera l’heure de la remplacer moyennant 12, 16 ou 18 000 euros, sachant que leurs salaires auront bien moins augmenté que leurs tickets de caisse et leur facture de chauffage ?
Ils achèteront des voitures chinoises moins chères, et pas seulement des électriques, comme celles sans doute bientôt produites en Allemagne dans les anciennes usines Ford dont BYD est en train de négocier la reprise.
Qui ira le leur reprocher ?

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