2. Interview de Franck Helbert
Franck, tu as roulé à quel niveau en moto ?
J'ai fait du motocross en ligue, de l'enduro aussi. Je n'ai jamais fait de rallye-raid, mais je le ferais un jour, j'en ai besoin.
Quand tu as décidé de créer HFP pour ton propre compte, c'était un risque par rapport à ton statut chez Yamaha plus « confortable », je veux dire aspect financier et responsabilité.
Oui et ça a bien failli me jouer des tours, dans ma tête j'étais resté salarié Yamaha, j'étais trop passionné. La vérité m'a rattrapé en me disant « Je suis chef d'entreprise, il faut penser au business ».
Je vois que c'est toi qui prépare entièrement la moto de David Frétigné, la première interrogation est que pour tout le monde : David Frétigné = Yamaha Motor France, on a jamais entendu ou vu « HFP » !
C'est exact, pour l'instant Yamaha n'est pas impliqué officiellement sur le Dakar. Pendant longtemps je n'ai rien eu de la part de Yamaha, depuis cette année j'ai un petit quelque chose. Durant les premières années, Frétigné avait une aide par Yamaha par rapport aux motos, aux pièces détachées, moi j'ai passé énormément de temps pour lui préparer ses motos et j'avais rien de la part de Yamaha, ni un coup de main, ni quoi que soit.
Il fallait bien pourtant que la société HFP vive financièrement ?
Oui mais sur des pilotes comme David, tout ce que ça m'a apporté, c'était l'image.
C'était plus du sponsoring de ma part. J'ai en tout cas toujours dit cela de cette façon. Du coté de chez Yamaha, aucun budget ne venait pour développer quelque chose.
Pour exemple, le Kit Rallye, c'est moi qui l'ai développé entièrement, je n'ai pas eu un centime de Yamaha pour m'aider.
D'ailleurs, la première année que j'ai fait le Kit, je leur ai dit que le kit était prêt et il m'on répondu que cela ne les intéressait pas.
Moi j'ai toujours cru au 450cc, c'était l'avenir.
Tous les constructeurs ont un moteur de cette cylindrée. Je ne pouvais donc pas rivaliser avec KTM qui avait créé une moto juste pour le Rallye avec leur 690 cc.
J'y ai toujours cru, d'ailleurs on a eu des résultats, mais tout pendant que le règlement ne changeait pas, Yamaha n'était pas intéressé.
Donc quand j'ai fait le Kit rallye, Yamaha n'y prêtait pas attention et moi je voulais absolument que la moto soit présente au salon de Paris pour la mettre en évidence.
Le problème est que Yamaha refusait de prendre la moto. Je les ai tellement tanné qu'ils ont accepté mais dans un stand annexe.
Mais quand ils ont vu la moto là-bas, il y a eu un changement direct de leur part, un changement total de vision sur mon produit et même les personnes de Yamaha ont changé d'avis.
La moto a donc été présentée non pas sur le stand annexe mais sur celui de Yamaha avec toutes les motos officielles de compétition dont celle de Cairoli, de Demaria, fin 2007.
C'est impensable que Yamaha profite des résultats de David Frétigné sans débourser le moindre euro !
Moi je voulais que Yamaha communique sur moi chez les importateurs des autres pays, ils ne voulaient pas.
Ils ont fini par dire oui mais me demandaient une commission sur la vente des Kits, moi j'ai refusé, je leur ai dit que sur tout ce que vous avez communiqué en image Yamaha sur la presse spécialisée avec Frétigné et Pain, HFP n'a jamais été nommé.
Au dernier Dakar, dans la presse, c'était Frétigné Yamaha Racing. HFP, zéro.
L'an dernier, pour Frétigné, c'est moi qui ai tout payé, les engagements de camion, les pièces détachées, tout.
Toutes les retombées de Frétigné ont été pour Yamaha au frais de HFP.
Beaucoup de gens ont du mal à croire ça. Pour tout le monde Frétigné, c'est Yamaha Motor France, hors c'est faux, c'est HFP.
Plusieurs fois, j'ai eu envie de tout lâcher. C'est démotivant, écœurant.
C'est pas normal, c'est une question de respect déjà, j'ai fait beaucoup pour Yamaha, je voulais un retour.
Et cette année, as-tu réussi à obtenir enfin quelque chose de Yamaha ?
Dès que les résultats se sont fait sentir comme la victoire d'Olivier Pain en Tunisie ou la troisième place de David au Dakar, là ils étaient intéressés pour se lancer dans l'aventure. Une course comme le Dakar peut les intéresser mais c'est pas pour ça que j'ai eu plus d'aide de leur part.
Aujourd'hui ils ont changé leur fusil d'épaule et commencent à m'aider.
On peut dire que tu t'es fait tout seul !
Les machines que j'ai vendu, c'est par mon savoir-faire, je ne dois de merci à personne.
J'ai appris beaucoup de choses chez Yamaha, j'y ai rencontré des gens formidables.
Je ne regrette rien, Jean-Claude Olivier, c'est quelqu'un que j'apprécie, il est passé il y a encore pas très longtemps, il m'a appris les valeurs, mais j'ai été trop gentil.
Sur le Dakar, tu pars pour l'assistance de tes clients ?
Oui, j'ai mon employé à plein temps et on sera 4 sur le Dakar, des habitués que je connais bien.
Tu vends tes Kits, A,B et C, tu montes les motos, tu prépares d'autres marques que Yamaha ?
Alors, disons que sur des rallye-raids comme le Dakar, oui je suis exclusif car j'ai une clientèle et un service d'assistance à tenir sur place.
Mais je ne suis marié avec personne, l'an dernier j'ai fait les réservoirs d'Hugo Payen sur sa BMW. Là, j'ai travaillé sur la BMW d'André Lenoble.
On est capable de faire des réservoirs, des radiateurs, les prototypes des moulages de réservoirs plastique, on a tout fait ici.
Mais j'ai un peu de sang bleu dans les veines, 10 ans ne s'effacent pas comme ça.
Tu fais aussi de la préparation à la demande, du reconditionnement et de la location.
Oui, on peut tout faire. Pour la préparation, là le prix sera surtout au temps passé.
Sur une moto actuelle, en préparation pure, on a 60 à 80 heures de préparation, quand on a les pièces existantes.
Si les pièces n'existent pas, le temps devient colossal.
Quand je reconditionne une 450, si le moteur a 5-6000 kms, je refuse de la refaire sans refaire entièrement le moteur, passé 3-4000 kms, je le refais, je ne veux pas que ça me retombe dessus.
Le mec, il me casse le moteur parce qu'il n'a pas été refait, c'est toujours délicat.
Moi je sais ce qui va casser, on préfère prendre des précautions et faire ce qu'il faut avant.
En ce qui concerne la location, le client part sur le Dakar avec une 450 Yamaha neuve.
Avec la nouvelle réglementation à 450cc pour 2011, il y a des tops pilotes qui ne finiront pas les étapes, on sera bien à un moteur par jour.
Il ne pourront pas le faire de part le règlement. C'est une question de fiabilité, il y aura des surprises, ça c'est sûr. Ca dépendra des motos qu'ils auront, des pilotes mais pour certains ça va être très dur, parce que certains se grattent déjà pas mal la tête.
Cette réglementation va dans mon sens mais elle est à double tranchant même pour moi.
Cette année, j'aurais pu vendre des Kit rallye, mais les gars voulaient que je reprenne leurs grosses KTM, je ne pouvais pas.
Mais avec la yam que je connais bien, on a une sacré fiabilité. On a augmenté le refroidissement du moteur, on a travaillé en fabriquant un échangeur d'huile, on augmente la capacité d'huile coté boite et moteur et le refroidissement d'huile.
C'est un serpentin qui est dans une boite ou l'huile circule. On a trouvé le soir une différence de qualité d'huile. On essaye sans arrêt de résoudre nos problèmes techniques. On ajoute si besoin des radiateurs plus gros.
Quand tu ne prépares plus de motos de rallye, tu fais quoi ?
On prépare des motos pour les grandes classiques, Trèfle Lozérien, Rand, Grappe de Cyrano. On essaie d'être présent le plus souvent possible car on a quand même beaucoup de clients qui roulent en enduro.
Qu'est-ce que l'on te demande comme préparation sur une enduro, les motos de séries sont tellement performantes aujourd'hui ?
Oui, mais c'est surtout du coté des suspensions que nous préparons les machines.
Cela dépend beaucoup du pilote, durant deux ans nous avons travaillé principalement qu'avec des pilotes professionnels.
Il y avait un peu d'amateurs mais beaucoup plus de professionnels viennent nous voir. On vient de s'occuper de Sylvain Lebrun, champion d'Europe sur une 125 KTM.
On s'est occupé pas mal de Marc Germain il y a quelques années.
D'ailleurs on va retravailler avec lui pour la saison prochaine donc c'est plutôt bien. Il arrête le mondial et repart sur les classiques et le championnat de France d'Enduro pour 2010.
En 2009 on avait également David Frétigné sur les épreuves qu'il disputait et puis on a eu Sébastien Guillaume à une époque.
Cela fait pas mal de pilotes de pointe en Enduro dont on s'est occupé.
Quand tu prends un amortisseur Ohlins, tu le prépares pour David Frétigné, ça veut dire que Ohlins te fournit ce qui se fait de mieux chez eux, et tu retouches l'amortisseur derrière eux ?
Bien sur, avec Ohlins, on travaille main dans la main, toutes les informations que je peux avoir, ça retourne chez eux, nous avons un échange de bons procédés.
Tout ce que l'on a fait en développement sur la fourche et l'amortisseur, on l'a fait en commun accord.
On cherche toujours le petit plus, le problème c'est que les pilotes de haut niveau, ils cherchent la performance parfaite, on arrive à trouver, à chaque fois qu'on a fait des essais avec David ou Marc Germain, on a toujours répondu à leur exigences.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que chaque pilote veut ses propres réglages, et entre deux top pilotes, les réglages de suspensions peuvent être totalement différents.
Très bien Franck, on va pouvoir visiter ton atelier.
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