2. Essai Aprilia RSV4 RF 2015 : elle avale Misano

L'aspect technique, c'est bien. Mais ce qu'elle vaut sur piste, c'est ce qui nous intéresse dans le cas présent. Et pour cela, rien de tel que confier cette version RF à Arnaud Vincent, et d'être là pour récolter ses impressions. C'est un peu sous cette forme-là que nous avons décidé de vous faire partager cette découverte.

Dans les faits, Aprilia avait organisé des sessions sur le circuit de Misano (privatisé pour l'occasion) et c'est par petit groupe que les pilotes se sont élancés. Moins fun pour jouer à la bagarre, mais bien mieux pour que chaque pilote se concentre sur la RSV4. Les conditions de piste sont excellentes avec un grand soleil pour une température avoisinant les 25°C. Notez que l'enrobé de la piste est totalement neuf.

Les RSV4 RF sont toutes en full (201 chevaux) avec un montage de pneus Slick Pirelli. Elles sont également pourvues du système V4-MP qui est capable de prédéfinir les réglages suivant le circuit où l'on se trouve (Misano dans ce cas) et d'effectuer des relevés précis des performances. Arnaud Vincent opte pour l'inversement de la boîte de vitesse et la déconnection de la plupart des assistances ( hors l'anti wheeling non déconnéctable et laissé sur 1). Ce choix a été fait après les premiers tours de piste car pour notre pilote, il s'agissait d'une intrusion sur le comportement réel de la machine.

La prise en main :

« La prise en main, c'est la même que pour l'ancienne génération, elle est d'une facilité déconcertante. La position pour moi est quasi parfaite. Les cales pieds un peu bas bien sûr, mais cela est plus dû à ma petite taille (Il y avait eu le même souci que sur l'ancienne) qu'à la moto (rire). Je pense que d'un point de vue général, la position pour une personne entre 1m65 et 1m75 est très bonne. Rien à dire de ce niveau-là. »

Il faut noter que la position du pilote a été revue par la marque. Ils ont fait le choix d'un placement moins exclusif pour la rendre plus polyvalente. Après quelques sessions, les premiers ressentis d'Arnaud tombent :

« Mes premières impressions, les essais se font sur un circuit beaucoup plus rapide que la Ferté Gaucher. Il y a beaucoup de mouvement de châssis à l'accélération, en entrée de virage, elle est relativement stable, mais en sortie de virage, il y a beaucoup de mouvement à l'arrière de la moto. Je pense que ça nécessiterait une petite mise au point au niveau des amortisseurs. Niveau motorisation, on sent qu'il y a un bon cap qui a été franchi sur la RSV4. J'avais un peu peur qu'elle perde son caractère linéaire et progressif, mais ce n'est pas du tout le cas. Elle a vraiment gardé son caractère, donc dès les bas régimes, ça pousse déjà fort jusqu'en haut, mais toujours de manière progressive. C'est plutôt agréable. »

On augmente le rythme :

Le temps passe la cadence s'accentue au fur et à mesure des tours. On pourra noter le son envoûtant du V4 qui passe et offre un concerto différent à chaque régime moteur. C'est d'autant plus flagrant sur la grande ligne droite du circuit : sorti de virage, accélération, il y a ceux qui reprennent sur le couple et offre un gros son caverneux au moulin et Arnaud Vincent qui aime jouer dans les hauts régimes et qui lancent des hurlements rapides à chaque changement de rapport. Complètement enfermé derrière sa bulle, cela conforte son idée de la position idéale qu'offre la RSV4. Sauf qu'en bout de ligne droite, sur le premier droit qui se présente, on voit bien les louvoiements dont il faisait part sur ses premières impressions, il est temps d'en savoir plus :

« La session 2 est un peu comme la première, le moteur me plaît beaucoup. L'ensemble frein/moulin fonctionne bien ensemble. La position est sympa. En revanche, toujours beaucoup de mouvement de châssis. Ils ne sont pas dus au surplus de puissance de l'ancien modèle, mais plutôt qu'il faut emmener la moto très proprement. Dès qu'on essaye de la brusquer un petit peu, elle se met en crise et prend beaucoup de mouvement de suspensions. Il faut rouler très propre avec cette machine pour être efficace. »

«Le feeling que j'ai donné aux techniciens d'Aprilia, c'est qu'elle a tendance à trop basculer sur l'arrière, à trop s'enfoncer et à trop se relever de l'avant à l'accélération et c'est ce qui donne ces mouvements parasites qu'elle prend de droite à gauche, de louvoiement. »

À la suite de ça, Arnaud Vincent me confie : « Le comportement de la machine fait que je suis obligé de me calmer, pour pouvoir rouler vite, je suis obligé d'enrouler en permanence. Mais ça reste efficace. » Son excellent niveau de pilotage permet de déceler des précisions sur lesquelles la machine pourrait être encore meilleure :

« Pour moi, si il y avait 20% de moins de freinage moteur, ça serait mieux. Mais après, c'est suivant les besoins de chacun. Car plus tu freines fort, plus tu délèstes l'arrière et plus tu as du frein moteur, plus tu vas bloquer la roue arrière. Mais il reste très correct, c'est un ressenti personnel pour un usage course/piste. »

D'une précision redoutable

Ce qu'il faut admettre quand on place un pilote professionnel sur ce type de machine, c'est que tout ce qu'il peut donner comme ressenti et demande de réglages, c'est à prendre comme parole sainte ! Les techniciens d'Aprilia l'ont d'ailleurs bien compris et n'ont eu de cesse de lui demander son avis sur toute la session. Et nous aussi d'ailleurs (c'est pour cela que l'on était là !)

Nous avons voulu en savoir plus le retour des infos qu'il avait au guidon : « Au niveau de l'ouverture de gaz et l'arrière du RSV4, la connectivité entre la poignée et le pneu est très très bon, c'est l'un des atouts de cette moto conjugué avec le moulin très doux. C'est direct, il n'y a pas de décalage, c'est vraiment agréable. Pareil pour le bon feeling au niveau du freinage, surtout sur le frein avant et sa bonne progressivité. Par contre, quand on veut appuyer et donner le maximum de puissance, je trouve que ça manque un peu de mordant.

Du côté de la remontée des informations sur le train avant. Cette moto est très agile, mais quand tu veux vraiment attaquer, elle devient un petit peu trop réactive. C'est un peu comme le problème à la réaccélération. Cela reste une moto qui ne faut pas brutaliser pour aller vite aussi bien en entrée qu'en sortie de virage. Il faut rouler très propre pour être efficace avec cette machine.

Sur la dernière session. C'était mieux car je me suis moi-même corrigé dans le sens où comme il ne faut pas brutaliser la machine, j'ai axé mon pilotage dans ce sens. En roulant bien plus propre, ça se passe beaucoup mieux. Je pense que malgré tout aujourd'hui, nous n'étions pas équipés au mieux en pneumatiques. C'était des bons pneus mais la gomme était trop tendre à mon goût ce qui mettait la moto en défaut. »