Il est 9h du matin, et la Citroën C2 S1600 en configuration Terre démarre sa journée de boulot en même temps que ses proches collaborateurs. La journée est consacrée à une adaptation du "simple chauffeur", comme aime se baptiser Simon Jean-Joseph, à sa voiture et donc du balayage d'une bonne quantité d'amortisseurs différents.
En phase de tests, on peut en 'passer' jusqu'à une vingtaine.
Après un premier tour du circuit de 5.1 km à une allure modérée (que j'aimerais être capable de reproduire pour en mettre déjà plein les yeux de mes potes!), SJJ s'arrête devant le auvent Citroën. On contrôle la pression des pneus pour jauger du changement sur 1 tour puis il repart. Jack Boyère, le copilote du martiniquais (qui a déjà navigué longtemps Serge Jordan mais aussi quelques pointures comme Auriol ou Delecour) est à ses côtés mais aujourd'hui il fait plus office de masse d'équilibrage que de véritable co-pilote. Même si c'est la première séance d'essai de SJJ avec Citroën ici, il connait le terrain par coeur pour y avoir tourné avec les autres constructeurs avec lesquels il a couru. Que vaut la C2 S1600 sur la Terre ?
L'auto a déjà prouvé être très compétitive sur cette surface avec les pilotes des années précédentes. Simon Jean-Joseph confirme:
"c'est étonnant ce qu'est capable d'encaisser cette C2. Le travail des gars sur les suspensions est phénoménal. Hier, sur du très cassant, j'ai franchement cru qu'on était parti pour tout casser sur l'auto. J'y allais à fond, on a pris des 'pet' monumentaux mais une petite auto comme la C2 passe ces difficultés. Au final, rien n'a cassé ! C'est même moi qui ait eu mal au dos !"
Le rallye de Turquie qui aura lieu dans 1 semaine est encore mystérieux pour les équipes puisqu'il sera entièrement nouveau. Si SJJ nourrissait de grosses ambitions pour le premier rallye des Mille Miglia sur le goudron (malheureusement soldé par un abandon du à une simple cosse dessertie), sur la terre de Turquie se sera assez différent.
Epreuve cumulée d'IRC et de Championnat d'Europe, la Turquie verra débuter les Peugeot 207 S2000 et le gros de la troupe IRC. Face à une S2000 plus puissante et 4 roues motrices, impossible de lutter.
Les Groupe N d'aujourd'hui (Mitsubishi et Subaru 4x4) ne sont plus vraiment des Groupe N d'il y a 10 ans mais bien des mini-groupe A et si sur le bitume, Jean-Jo était parvenue à s'imiscer parmi eux en Italie, sur la terre se sera différent. Il faut tout de même nuancer.
Selon Alexis Avril et SJJ, si l'on a affaire à un terrain roulant qui ne pénalise pas trop les 2 roues motrices lors des relances, c'est jouable ! Les constatations de l'ingénieur-patron sont claires:
Face à une Groupe N, sur les 150 premiers mètres, la S1600 perd 4 secondes ! Enorme. Par contre, grâce à sa légèreté, sa meilleure rigidité et ses capacités de freinage plus importantes, la S1600 est capable de réaliser le même temps au final !
Les bons chiffres de la C2 S1600
Une C2 S1600, c'est une vraie auto de course qui respire comme un pur-sang. Pour un poids inférieur à la tonne, le 4 cylindres mitonné par Oreca pour la terre développe entre 215 et 220 ch (10 de + pour le goudron je pense).
Ici on cherche à favoriser le couple et donc la plage d'utilisation est "tirée vers le bas. Dès 4500 tr/mn, le moteur donne déjà sa pleine mesure et ce jusqu'à la barre enchanteresse des 9400 tr/mn. Un régal pour les oreilles que les WRC bridées à 6500 tr/mn n'offrent plus depuis longtemps. Rappellons que la moulinette est un petit 1597 cm3 atmosphérique qui de ce fait n'offre "que" 20 mkg de couple.
On notera également que les '300 ch' des WRC 2.0l turbo sont assez risibles face aux 220ch de ce 1600 atmo. Merci le règlement et les brides castratrices.
Pour l'anecdote, sachez également que la consommation 'goudron' de cette bombinette est de 40 litres au 100 et de 48 à 50l au 100 km sur la Terre. Moins d'adhérence provoque plus de patinage donc une consommation plus élevée. Et surtout, j'apprendrai que les pneumatiques Terre de Michelin demande d'être le plus souvent possible en 'patinage' pour exprimer tout leur potentiel. A ce rythme, je vous prie de croire qu'ils s'usent vite !
La Citroën C2 S1600 est une auto commercialisée et coûte 174.000 euros prête "au bain". Cela comprend le kit S1600, les configs Terre et Asphalte, le montage plus le système d'acquisition de données. Pour une équipe capable de monter l'auto, le kit seul coutera 120.000 euros.
La séance d'essai
Toute la journée se déroulera sur le même schéma. Les runs de SJJ ne font que 3 tours, soit environ 15 km. Etonné du peu de tours enchainés, Alexis Avril m'explique que c'est un maximum demandé aux pilotes pour pouvoir juger de la config testée !
Mieux, selon lui, certains pilotes ne font même pas les 3 tours quand la voiture ne leur convient pas!
SJJ n'est pas du genre à imposer ses caprices et il se conforme avec rigueur aux demandes de l'équipe. Dans le genre 'pas emmerdant', il est plutôt doué le SJJ! Outre ses qualités intrinsèques, on comprend pourquoi il a souvent été le metteur au point des écuries où il est passé. Un bonheur pour les équipes d'essais.
Après chaque run, la C2 S1600 rejoint le auvent. Yann Goraguer et Alexis Avril, carnet en main, viennent prendre les infos données par SJJ et Jack Boyère sur le comportement de l'auto. Les questions 'comparatives' fusent: "Mieux qu'hier ? Quelles différences avec la config testée tel jour ? A quoi tu attribues ce phénomène?...etc
Les réponses sont brèves et concises, une qualité chez SJJ, qui ne se prend pas pour un inégnieur et fait son boulot de pilote. Son ressenti est sa qualité. D'ailleurs, au cours de la journée, il détectera assez rapidement une perte de pression du différentiel rendant l'auto assez différente à conduire.
Le boulot est assez ingras puisque sans cesse, le pilote doit aligner 3 tours, revenir sous le auvent, patienter le temps de changer les réglages ou contrôler l'auto, puis repartir pour 3 tours et ainsi de suite. Mais l'atmosphère reste décontractée tout le temps et SJJ joue les métronomes.
Lorsque Jean-Jo glisse après un run "on est passé fort tout à l'heure, on a du toucher une pierre", Alexis Avril ordonne une vérification de l'alignement des trains. Effectivement, ils avaient bougé. Du coup, je me demande pourquoi ils passent tant de temps à raffiner une mise au point si au moindre choc (et je vous confirme que ça tape dur!) les réglages sont modifiés.
Alexis Avril, rigolard, me répond sans ambages:
"Mais ça ne bouge pas. Les trains sont conçus pour résister aux chocs d'une spéciale. Par contre, je connais bien les pilotes: quand ils vous disent "on est sortis un peu large", généralement c'est qu'ils ont bien shooté l'auto !"
Frappé au coin du bon sens et de l'expérience...
Après réalignement, purge des freins, vérification complète, la séance de roulage redémarre. Il est 17h, nous nous éclipsons mais la journée continue et ne devrait s'achever qu'à la tombée du jour pour la petite équipe Citroën et l'équipage SJJ/JB, comme ce fut déjà le cas la veille sur Alès et comme ce sera sûrement encore le cas le lendemain à nouveau sur Alès.
Si quelques investisseurs pouvaient donner une suite à ce début d'aventure commune, le travail commencé ne serait pas totalement perdu pour l'équipage qui se donne sans compter. Et cela permettrait à SJJ de se concentrer totalement sur son pilotage plutôt que d'être obligé de prendre le téléphone entre 2 runs pour négocier des rendez-vous !
la galerie photo est à suivre. Les parties 1 et 2 sont à lire ici
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