Voyage dans l’enfer de la machine usine
Louis-Ferdinand Céline (1894-1961) aura marqué la littérature du XXè siècle. Connu pour dénoncer la société "bien pensante", mais aussi engagé de manière ambiguë dans la collaboration du régime de Vichy, lors de la seconde guerre mondiale, il utilise le langage quotidien et ses tics pour transformer la vie en épopée.
Dans Voyage au bout de la nuit, l’un de ces principaux ouvrages, il effectue un détour dans l’univers de la construction automobile du début du siècle. Céline nous décrit l’usine Ford de Détroit. Ce n’est pas n’importe quelle usine! Céline choisit un symbole. Ford, constructeur de la première voiture fabriquée en série, la type T, est visé. C’est certain. On est très loin des usines d’aujourd’hui, hyper modernes, automatisées, à l’aspect parfois clinique.
Une forme de journalisme social
Voyons ce qu’il en dit. "Et j’ai vu les grands bâtiments trapus et vitrés, des sortes de cages à mouches sans fin, dans lesquelles on discernait des hommes à remuer, mais remuer à peine, comme s’ils se débattaient plus que faiblement contre je ne sais quoi d’impossible. C’était donc ça Ford?".
Il devient ouvrier pour vivre cet "enfer" de l’intérieur:
"C’était vrai, ce qu’il m’expliquait qu’on prenait n’importe qui chez Ford. Il avait pas menti ".
Il se jette dans la machine de production complètement désespéré: "Tout tremblait dans l’immense édifice et soi-même des pieds aux oreilles possédé par le tremblement, il en venait des vitres au plancher et de la ferraille, des secousses, vibré de haut en bas. On en devenait machine aussi soi-même à force et de toute sa viande encore tremblotante dans ce bruit de rage énorme qui vous prenait le dedans et le tour de la tête et plus bas vous agitant les tripes et remontait aux yeux par petits coups précipités, infinis, inlassables. A mesure qu’on avançait on les perdait les compagnons. On leur faisait un petit sourire à ceux-là en les quittant comme si tout ce qui se passait était bien gentil".
Une expérience qui le change: "Alors à force de renoncer, peu à peu, je suis devenu comme un autre... Un nouveau Ferdinand. Après quelques semaines. Tout de même l’envie de revoir des gens du dehors me revint."
Tout cela a bien changé. Heureusement...
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