Je n’irai pas jusqu’à vous jouer les essayeurs expert en comparant une Ferrari 16M, une R8 Spyder GT avec cette Lambo ou en vous décrivant par le détail les différences chronométriques et de comportement entre ce Spyder Performante et la Superleggera, car pour n’avoir jamais mis mon postérieur dans les 3 autres autos citées, j’en serai bien incapable. Ma seule option est donc d’essayer de vous faire partager une expérience rare qui pour être franc, restera probablement comme une des plus mémorables. Faire le trajet en Lamborghini Gallardo LP570-4 Spyder Performante entre Sant’Agata Bolognese, fief de Lamborghini, et le circuit Paul Ricard près du Castellet n'est pas événement anodin dans la vie d'un amateur de belles autos.
Une Lamborghini sauvage ? Non, pas vraiment ... Exubérante ? Oui toujours.
Il y a tout d’abord les gens de chez Lamborghini d’une simplicité et d’un humour déconcertants qui vous donnent les clés d’un engin de 220.000 euros comme on ne vous donnerait pas celle d’un break diesel dans une concession de marque généraliste. Le cliché de l’italien orgueilleux et exubérant en prend un coup. Mais nous nous écartons du sujet … quoique. Car influencés par ses formes agressives (qui gagneraient à perdre cet aileron auquel je ne me fais décidément pas), la Lamborghini que nous fantasmons tous est rétive, violente, sauvage et demande à être dominée pour être conduite. Là aussi, le cliché a vécu, nous sommes au troisième millénaire et s'il est grandement apprécié de ne pas le rappeler à tout bout de champ lorsque vous êtes sur place, Lamborghini appartient à Audi. En d'autres mots, la Gallardo est tout sauf compliquée.
Pas de cinématique de départ complexe, vous glissez la clé, vous tournez et elle aboie. Certes, la « petite » Lambo est en fin de carrière et sa remplaçante sera probablement plus complexe mais lorsque vous prenez la route, la Spyder Performante se révèle étonnamment abordable par le péquin moyen un peu éclairé dont je suis un prototype parfait.
Sur le plan moteur, pas de surprise : les italiens savent faire, les allemands savent faire, la conjonction des 2 surperforme donc dans le domaine. Invisible car caché sous le caisson recevant la capote, Le V10 5.2l central à injection directe produit 570ch à 8000 tr/mn, 540 Nm de couple à 6400 tr/mn et surtout beaucoup de frissons, même dans les oreilles. L’échappement dont les valves sont contrôlées électroniquement laisse passer des râles, des aboiements, des hurlements selon le rapport ou le mode engagé. Ça fait partie du spectacle et c’est parfois gênant quand on n’y est pas habitué. Mais alors que vous vous astreignez à être le plus discret possible en ne montant pas les rapports, à la trentième personne qui vous héle le téléphone sur l’œil en vous demandant de faire hurler votre Gallardo, vous comprenez qu’il est impossible de lutter. Une Lambo, ça doit gueuler et si ça ne le fait pas, les gens vous le reprochent ! En termes de performances, mon compteur personnel aurait tendance à dire qu’il y en a largement assez, les chiffres confirment puisque le 0-100km/h est expédié en 3.9s, le 0-200km/h en 12.1s et la v-max dépasse 320 km/h. C’est rond, c’est plein, ça pousse fort et longtemps, une certitude : vous ne ramènerez pas votre Gallardo en concession pour vous plaindre du moteur ! Peut-être pour la contenance étriquée du réservoir (80l) qui vous envoie faire le plein 3 fois par jour, mais pas pour le moteur, non !
La transmission E-gear qui fait figure de sympathique mamie à l’heure des « double embrayage » propose 3 modes : Automatique, Sport et Corsa qui couvrent à peu près tous les registres d’utilisation de cette auto. En ‘A’, vous cherchez votre route en pleine ville dans une douceur étonnante sans vous soucier de rien d’autre que d’entrer votre adresse dans le GPS, en ‘Sport’ vous déambulez sur la Croisette cannoise en faisant aboyer votre V10 à chaque rétrogradage ou vous baladez joyeusement sur les petites routes en communiquant encore avec votre passager et en ‘Corsa’, vous attaquez les 8000 tr/mn sur chaque rapport, vous générez des coups de boutoir effrayants qui agressent la caisse, les autochtones à 2 kilomètres à la ronde sont informés de votre présence, votre passager silencieux a des fourmis dans le jambes après quelques kilomètres et vous accuse d’être à l’origine de la bosse qui pointe à l’arrière de son crâne à force de frapper sa nuque sur l’appuie tête très ferme des superbes baquets carbone ! Un mode pour chaque utilisation, toute belliqueuse soit-elle de l’extérieur, la Spyder Performante est vraiment facile à vivre de l’intérieur.
Tout du moins, tant que vous ne cherchez pas à voyager avec des bagages et que vous n'attendez pas du GPS une réactivité aussi sensible que celle de la pédale de droite (oui, il est un peu lent). Car une fois le coffre avant de 110 l rempli (2 petits sacs), difficile de trouver une place dans l’habitacle car les contreportes monobloc en carbone n’offrent aucun rangement. L’espace derrière les sièges que l’on trouve sur le coupé disparaît ici et mis à part un filet sur la console centrale côté passager, une mini boîte à gant ainsi qu’un mini bac entre les sièges, vous aurez du mal à trouver une place pour votre bouteille d’eau et chercherez quelques minutes où ranger votre ticket de péage ! L’habitacle recouvert d’Alcantara respire le sérieux, sans plus (les contacteurs en plastique chromé, c'est cheap), mais de cela on se fiche car l’accueil remarquable des baquets fait oublier le reste. Question confort intérieur, on notera que le carbone se marie assez mal avec la sono et dès que vous poussez le son, les HP font vibrer les contre-portes. De toutes façons, vous n’aurez pas de regrets, une Gallardo Spyder Performante se déguste radio éteinte et capote relevée.
Pas un cabrio de poseur mais une vraie bonne supersportive
Après qu’on vous ait dit que la suspension est identique à celle de la Superleggera, la peur de se briser les reins sur le premier raccord de goudron surgit dans votre esprit. Peut-être que le dernier essai d’un Abarth 500 Esseesse a laissé des traces ? Finalement là aussi, la surprise est grande. Si, bien évidemment, la fermeté est au rendez-vous, elle n’est pas cassante. Les centaines de kilomètres d’autoroute se passent sans souci et même les nationales moins bien entretenues sur les hauteurs de Vintimille n’arrivent pas à vous imposer un arrêt. Mieux, au fil des kilomètres, on parvient même à percevoir un débattement de suspension bienvenu sur les plaques d’égouts mal alignées qui servira plus tard lorsque sera venu le temps d’accélérer et d’attaquer. Le lift-nose qui relève le nez d’une bonne dizaine de centimètres sert rarement en utilisation courante, il donne juste l’impression qu’on est à bord d’un 4x4 … qu’elle est ! Car, oui, la Spyder Performante est aussi une 570-4, donc à 4 roues motrices permanentes qui ont pour particularité savoureuse de savoir se faire oublier la plupart du temps et d’être utiles seulement lorsqu’il le faut.
Une fois passée la période « prude » durant laquelle vous faites connaissance gentiment en vous échangeant des banalités et en prenant soin d’être galant, vient le moment où la belle dont les limites sont très probablement plus éloignées que les vôtres (et les miennes) réclame d’être rudoyée.
Vos références passées vous font craindre le pire. Cabriolet, grosse puissance, absence de discrétion, les ingrédients du véhicule mou typé cruising en bord de mer sont réunis et vous vous préparez à entendre se tortiller la caisse et voir le train avant s’évanouir en même temps que les freins. Une nouvelle fois, la Gallardo Spyder Performante surprend. Si un Spyder classique pêche par une certaine mollesse et une paresse du train avant, la Performante étonne par son homogénéité. Elle tourne d’un bloc, son freinage carbone-céramique au touché intuitif à chaud comme à froid, répond présent même après quelques tours de circuit et son châssis se révèle agile, mobile, presque facile, en tout cas communicatif. On se surprend à attaquer de plus en plus fort sur de toutes petites routes de campagne désertiques, en raccélérant toujours plus tôt sans que l’auto ne rue dans le ru.
Son ESP est déconnectable mais elle le sollicite finalement assez peu comme on le constatera sur le circuit du Castellet. En fait, cette Spyder Performante se révèle réellement efficace, elle motrice parfaitement sans que jamais son statut de 4 roues motrices ne vienne gâcher le plaisir. Pour lui faire prendre de l’angle, il faut la brusquer sévèrement car son V10 5.2l progressif vous met rarement en position scabreuse mais ensuite, elle accepte de glisser du popotin jusqu'à ce que le nez vous ramène délicatement dans l'axe de la piste avec déjà une bonne vitesse au compteur. Le sous-virage se fait discret (Les Pirelli P Zero y sont aussi pour quelque chose), vous avalez les vibreurs sans transpirer et les grandes courbes sans trembler, elle est en fait à l’opposé de l’image que vous vous faisiez d’elle avant de vous asseoir dedans pour la première fois. L’italienne de Sant'Agata est bien éduquée, chantante, séduisante et amusante, elle est aussi musclée mais finalement jamais intimidante. Sauf pour les yeux, parfois pour les oreilles.
Essentielle inutilité
Au bout du compte, notre quête automobile existentielle à bord de cette Gallardo LP570-4 Spyder Performante qui cherchait à répondre à la question universelle de l’intérêt de l’inutile apporte un embryon de réponse. L'absence supposée de fonction de ce type de voiture, leur vacuité, leur nocivité ne sont qu'une vue subjective de quelques personnes aux centres d'intérêts différents et souvent politiques car c’est justement cette absence de fonction concrète qui nous fascine tant. Transcender le commun, crever les barrières du quotidien, délimiter un ailleurs, dessiner un autre possible, tel est leur rôle ô combien salutaire. Elles ne sont en rien des objets aliénant de consommation de masse ou une réponse au besoin artificiel de se « remplir », elles dépassent cet état pour être des instruments qui nourrissent le rêve de beaucoup de personnes et qui ne satisfont les envies que d’une poignée d’autres sans jamais attenter à l'existence du reste de la collectivité.
L'histoire a prouvé que sans désir, la vie peut sembler bien inutile et une Lamborghini Gallardo LP570-4 Spyder Performante aux saveurs raffinées et épicées est pour le moins appétissante. Une Dacia Logan MCV, tellement moins....
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