C’est à peine croyable. Car si le livre est maintenant sur mes genoux c’est tout simplement qu’il vient de me tomber des mains. Figurez-vous qu’un jeune blosniste nu vient de passer devant ma fenêtre, en plein jour, en train de lire Nudism, le même livre que celui que je suis justement en train de lire et qui vient tout juste de paraître aux éditions Inculte dans la collection Laureli.
Alors, ni une ni deux, je saute de mon lit à moitié à poil car, à l’instar d’un certain personnage de Nudism, je ne dors jamais sans mon caleçon, pour aller tenter de discuter fier à bras avec l’illustre inconnu nu du dehors du livre qui nous unit. Et ça marche. Nous embrayons derechef sur l’art si particulier, une fois encore confirmé dont Foucard use, de la ponctuation dans ses livres. Et comme nous repérons sur le parking une Renault Clio Williams d’une autre époque nous réalisons que nous devons partager d’autres goûts en commun.
Et mon interlocuteur de commencer à m’expliquer que Nudism de Daniel Foucard est à coup sûr un livre hommage à la personne de Enzo Ferrari. Oui, le grand Enzo Ferrari. J’essaie de tempérer son interprétation car l’Enzo dont il est question dans Nudism ne saurait construire les plus incroyables voitures de sport de route et de compétition depuis plusieurs décennies. Mais mon nu interlocuteur persiste et commence même à me lire des extraits du livre pour soutenir son argumentation : « Tu vois, Enzo, ce qui me gêne dans ton combo de révolutionnaires, c’est son innocuité. Quant on est si peu nombreux, autant être méchants. Là, vous vous réunissez, point. Je sais que les idées les plus neuves ont toujours eu besoin d’un noyau d’origine pour se déployer. Je sais que les révolutions ont commencé dans les livres, puis ont été portées par un cercle d’intellectuels avant de prospérer sur un terrain fertile de colère. C’était valable hier et encore aujourd’hui. Sauf que ce sont les réactionnaires qui ont le mieux repris à leur compte cette mécanique. » Alors, hein, me dit-il, vous comprenez mieux maintenant ? Et là je comprends qu’il se moque de moi, qu’il me prend à mon propre jeu et que c’est lui qui bien que dépourvu de caleçon est en train de se payer ma tête, qu’il a reconnue. Je lui réponds alors que oui j’ai compris. Et j’enchaîne à mon tour : « Enzo se redresse légèrement, passe ses pouces sous l’élastique de son slip de bain puis le fait glisser sur ses chevilles. Agitant les pieds pour bien montrer la nature de son geste, il pose son textile près de lui. Sexe à l’air, décontracté, il se rassoit près de moi avec un sourire. / Ho, Enzo, déconne pas, remets ton slip. / Attends. » L’agitation devient palpable sur le parking parce que notre accoutrement a attiré les regards.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération