Youngtimer, confort et économie : Mercedes 300D ou Peugeot 604 D-Turbo ?
Suffisamment puissantes, ces grandes berlines diesel tiennent leur place dans la circulation actuelle tout en se révélant très confortables. Exhalant le charme de leur époque, elles demeurent aussi d’excellentes machines à rouler, fiables et économiques. Alors, laquelle choisir pour enchainer les rassos d’anciennes ?

Les choses ont commencé à évoluer fortement pour le diesel dans les années 70. Ses performances ont crû, ses nuisances ont diminué, aussi le grand public a-t-il commencé à s’y intéresser. Mercedes, des pionniers du carburant lourd, a été parmi les premiers à proposer des berlines mazoutées confortables, plutôt silencieuses et suffisamment rapides pour faire bonne figure sur autoroute. La 300D, grâce à son original 5-cylindres de 80 ch, pointe à 150 km/h.
Peugeot n'est pas loin derrière en matière de recherche sur le diesel, la 604 Turbo-D étant la première berline au gasoil à gagner un turbo sur le marché européen. Elle grimpe à 155 km/h et profite de bonnes reprises, dès 1979. Si les taxis se sont repus des Mercedes 240D et Peugeot 504 GLD, ils n’ont pas abusé de nos deux rivales, bien plus chères donc peu pertinentes pour un usage professionnel en ville. Aussi les trouve-t-on encore aisément à des kilométrages presque raisonnables et des prix encore bas, dès 3 500 €. Alors, que choisir ? Solidité à l’allemande ou confort à la française ?
Les forces en présence

Mercedes-Benz 300D (1976- 1984) : berline 4 portes, 5 places, 5-cylindres 3,0 l diesel, 80-88 ch, 1 445 kg, 148-155 km/h, à partir de 4 500 €.

Peugeot 604 turbo-diesel (1979- 1985) : berline 4 portes, 5 places, 4-cylindres 2,3 l - 2,5 l turbo-diesel, 80- 95 ch, 1 460 kg, 157-165 km/h, à partir de 3 500 €.
Présentation : de grandes berlines classiques mais conçues avec soin

Chose impensable aujourd’hui, Mercedes a pris son temps pour peaufiner sa nouvelle berline de grande diffusion. Révélée en janvier 1976, la W123 reprend les grandes lignes de sa devancière W114/115, qui, en 1968, a inauguré chez le constructeur allemand l’essieu arrière non plus brisé mais à roues totalement indépendantes. La W123, sous sa nouvelle carrosserie, soigne particulièrement la sécurité passive, intégrant des zones à déformation programmées (une invention maison).

Ce souci sécuritaire se traduit aussi par un tableau de bord plus ergonomique et protecteur en cas de choc que chic (il recourt largement au plastique), alors que, bien évidemment, la qualité de fabrication fait l’objet de tous les soins.
D’emblée, l’offre de moteurs est pléthorique, pas moins de trois diesels étant proposés. Le plus puissant n’est autre que le 3,0 l développant 80 ch, inauguré par la 240D 3.0. Conçu lors du passage d’un certain Ferdinand Piëch chez Mercedes, ce bloc est le premier 5-cylindres en ligne monté dans une berline de série. Il emmène la 300D à un 148 km/h, attelé à une boîte à 4 rapports, manuelle ou automatique.

Elle dispute à la Citroën CX 2200D le titre de diesel le plus rapide du monde, mais réclame un prix assez colossal ! En 1979, année de sortie de sa rivale 604, la 300D est facturée 88 420 F, soit 50 100 € actuels. Ce tarif inclut simplement une direction assistée, des appuie-têtes avant, un rétro extérieur réglable de l’intérieur ou encore un mano de pression d’huile. Pour les vitres électriques, le compte-tours, le rétro droit voire des glaces teintées, il faut alourdir la facture.

A l'été 1979, le moteur passe à 88 ch (155 km/h au maxi), alors qu’en 1981, la boîte 5 est disponible en option, tout comme, en 1982, l’airbag conducteur. Déjà ! En 1983, la Mercedes bénéficie d’une présentation plus chic (boiseries sur le tableau de bord), de nouveaux sièges et de projecteurs rectangulaires. Elle disparaît fin 1984 en berline et courant 1985 en break, l’ensemble de la gamme 123 ayant été produit à 2,7 millions d’unités. Record pour Mercedes !

Chez Peugeot, un sou est un sou. Cette mentalité prudente a permis à la firme sochalienne de se renforcer progressivement, en évitant les prises de risque inconsidérées. Ainsi quand le Lion décide de se doter d’un haut de gamme, à la fin des années 60, il s’associe à Renault pour le moteur PRV, récupère la plate-forme de la 504 et demande à Pininfarina de dessiner une carrosserie à l’élégance classique. En 1975, cela débouche sur la 604, qui ressemble à une Fiat 130 Coupé qui aurait 4 portes. Jolie et confortable mais médiocrement finie et gourmande, Peugeot se vend difficilement. Plus que l’injection en 1977, son salut viendra en 1979 du… gasoil !

En effet, elle devient alors la première berline vendue en europe à se doter d’un moteur turbo-diesel, en l’occurrence l’Indenor 2,3 l gavé par un turbo Garrett. Ce dernier lui permet de grimper de 70 ch à 80 ch, pas de quoi sauter au plafond… Mais Peugeot a plutôt favorisé le couple, qui culmine à 184 Nm, soit une hausse de près de 50 % face à celui du 2,3 l atmo. Il confère à la lourde 604 (1 460 kg, c’est beaucoup en 1979) des performances très convenables : 157 km/h au maxi. Trois transmissions sont proposées, deux boîtes manuelles (4 ou 5 rapports en option) et une automatique à 3 vitesses.

En version standard, la 604 D-Turbo coûte 61 000 € (soit 34 500 € actuels selon l’Insee), ce qui inclut la direction assistée, les vitres avant électriques, le rétro extérieur réglable de l’intérieur ou encore l’éclairage de la clé de contact. A 66 150 €, la Grand Confort ajoute notamment la boîte 5, les vitres arrière électriques, la fermeture centralisée ou encore le pare-brise renforcé Sécuriflex. Le diesel sauve la carrière de la 604 ! Pour 1981, la gamme est remaniée, la base devenant GRD Turbo et la Grand Confort SRD Turbo (pneus TRX de série).

La première disparaît dès 1982, et la seconde fin 1983, non sans avoir reçu des jantes en alliage et un régulateur de vitesse. Elle est remplacée par la GTD Turbo, dotée d’un Indenor gonflé à 2,5 l et 95 ch et de jantes plus grandes. Capable de 165 km/h, la 604 diesel reste techniquement dans le coup, mais totalement démodée par son apparence, elle disparaît fin 1985. La grande Peugeot aura été produite à 153 252 unités, soit moins que la Mercedes W123… en une année !
Fiabilité/entretien : la Mercedes fait la différence

Soigneusement conçue et construite, la Mercedes ne pâtit d’aucune faiblesse notable. Elle réclame simplement un entretien régulier, ce qui a pourtant rarement été fait… Elle a simplement tendance à prendre du jeu du côté du boîtier de direction, le reste ne s’usant que lentement. En conséquence, elle enchaîne sans sourciller les centaines de milliers de kilomètres. Indestructible ? Mécaniquement, oui (on a même vu un exemplaire redémarrer en Espagne après avoir été totalement immergé : un bon nettoyage a suffi).
Toutefois, la carrosserie souffre de la corrosion. Examinez bien les passages de roue, les bas de caisse et les planchers, les exemplaires pourris mais roulants n’étant pas si rares. L’habitacle est très solide, sauf la coiffe du tableau de bord qui se fend à cause du soleil… A noter que bien des pièces détachées sont encore disponibles dans le réseau officiel.

Comme la Mercedes, la Peugeot jouit d’une flatteuse réputation en matière de fiabilité mécanique. Cela dit, les enquêtes d’époque mettent en valeur des soucis de circuit de refroidissement qui provoquent, si l’on n’y prend garde, des ruptures du joint de culasse, voire de la culasse elle-même. Si on remédie vite, la mécanique (turbo compris) dure des centaines de milliers de kilomètres.
On note par ailleurs des fuites sur la direction assistée et des pépins électriques divers, les accessoires n’étant pas très solides (l’alternateur notamment). Si l’habitacle vieillit très correctement, il en va différemment pour la carrosserie, très, très sensible à la rouille, surtout sur les autos d’avant 1983. Bas de caisse, ailes, planchers, portières, tout y passe ! Heureusement, toutes les pièces détachées restent disponibles, non pas chez Peugeot mais auprès du très actif Club 604 International.
Avantage : Mercedes. Sur tous les plans ou presque, la 300D surpasse la 604, ce qui lui vaut une victoire logique et attendue.
Vie à bord : solide austérité vs frivolité ouatée

Dans la Mercedes, l’ambiance est austère. Et alors ? Déjà, la porte qui se ferme dans un bruit façon coffre-fort rassure. Ensuite, ce mélange d’ergonomie, de sobriété et de robustesse est unique ! Toutes les commandes sont solides au toucher, et bien repérées : dommage que cela soit tombé en désuétude… Cela dit, l’équipement d’origine fait l’impasse sur les accessoires de confort tels que les vitres électriques, ou même un volant réglable (il est d’ailleurs trop grand).
Les sièges semblent bien fermes de prime abord, avec toutefois une assise qui rappelle une planche montée sur des ressorts, et pourtant, à la longue, ils procurent un confort inattendu. A l’arrière, la place en longueur n’est pas exceptionnelle, juste suffisante, et la banquette pas si plaisante. Mais on apprécie les petites attentions, comme la boîte à gant fermant à clé, ou encore cette trappe sur la plage arrière qui accueille divers objets.

Dans la Peugeot, c’est un peu l’inverse de la Mercedes. On claque la porte dans un bruit nettement moins sourd puis on s’installe dans un fauteuil moelleux et bien dessiné. On regarde alors le tableau de bord, et on déchante. Son dessin général n’est pas déplaisant, mais dans le détail, on note la piètre intégration des éléments, comme les aérateurs centraux, et les commande de chauffage cursives bien simplistes ! Si sa coiffe est rembourrée, ses autres plastiques sont tout justes dignes d’une 104 ! Et l’assemblage tient parfois du bricolage…
Autant de défauts qui ont considérablement nui à la carrière de la Peugeot ! Par ailleurs, certaines commandes sont agencées en dépit du bon sens, comme celles des vitres électriques. Dommage, car il y a un peu plus d’espace que dans la Mercedes, alors qu’à l’arrière, les passagers peuvent se prélasser dans une banquette profonde, intégrant des appuie-têtes. Ce qu’on s’y trouve bien ! L’équipement apparaît plus riche que dans l’allemande : vitres électriques, spots de lecture à l’arrière, clé de contact éclairée…
Avantage : Egalité. Si la qualité et l’ergonomie sont à l’avantage de la Mercedes, la Peugeot réplique par son confort et son équipement.
Sur la route : bien plus proches qu’on ne l’imagine

Si l’on excepte le trop grand volant, la Mercedes offre une très bonne position de conduite. Avant démarrer, il faut attendre que le témoin de préchauffage s’éteigne, ce qui peut prendre une dizaine de secondes. Ensuite, le 5-cylindres a le mérite de bien contenir ses vibrations, voire d’émettre un son presque sympa. Il se révèle de surcroît souple et docile. Ensuite, s’il ne rechigne pas à prendre de tours, il donne le meilleur (à mi-régime, ce qui intervient assez tôt, la 4ème tirant à 33,5 km/h pour 1 000 tr/min. C’est court, mais a le mérite de préserver un minimum de reprises.
Cette Mercedes diesel ne donne pas l’impression de se traîner ! Bien étagée, la boîte n’est en revanche pas très agréable à manier, en raison de sa lenteur. Le châssis se révèle très sain et la direction plutôt précise, mais l’attitude générale demeure pataude. Normal pour ce type de voiture, même si la suspension sans souplesse excessive maintient correctement la caisse. Par ailleurs, elle filtre assez efficacement les inégalités, au bénéficie du bien-être des passagers, qui apprécieront par ailleurs le niveau sonore bas. Cette Mercedes est donc une excellente voyageuse, qui freine par ailleurs énergiquement.

Dans la Peugeot aussi, le volant, non réglable, est un peu grand mais la position de conduite est agréable. Et quel confort d’assise ! Le préchauffage semble un peu plus court que celui de la Mercedes, mais ensuite, les vibrations du moteur se révèlent moins bien filtrées. Et il émet un vrai son de bétaillère ! Heureusement, judicieusement isolé, il se fait par la suite étonnamment oublier. On ne peut pas dire qu’il soit plus vif que le bloc Mercedes, mais il se révèle souple et très doux à l’usage.
De plus, quand le turbo entre en action, sans brutalité aucune, on sent un regain de punch très utile en reprises, celles-ci étant nettement meilleures que celles de la 300D, alors que les accélérations restent similairement paisibles. La boîte procure, elle aussi, plus d’agrément par son maniement que celle de la 300D. Côté châssis, la 604 étonne par sa direction très précise, voire informative : belle réussite. La Peugeot se révèle donc plus légère et agile que sa rivale, alors que son poids est similaire. Elle tient tout aussi bien la route, prend peut-être un poil plus de roulis mais filtre mieux les inégalités. Le confort en ressort grandi : il fait bon voyager dans la 604. Le freinage plutôt efficace rassure.
Avantage : Peugeot. Plus que ses performances, la 604 prend le dessus par son comportement plus agile et communicatif que celui de la 300D.
Budget : le gasoil aide à contenir les prix

Le kilométrage n’a qu’une importance très relative pour la Mercedes 300D. Ce qui importe, c’est l’état. On trouve des exemplaires fort sains (donc pas parfaits !) dès 4 500 €, qui dépassent les 300 000 km : un détail, sans rire. Une 300D réellement sans défaut apparent atteint déjà 7 000 €, la cote étant montante. On voit même des exemplaires restaurés affichés à 15 000 €… Coté consommation, tablez sur 10,0 l/100 km en moyenne.

Sur la Peugeot, le kilométrage revêt plus d’importance qu’avec la Mercedes tant il se traduit en usure de l’habitacle. En bon état, la 604 réclame 3 500 €, en affichant un peu plus de 200 000 km, ce qui reste très acceptable. Une très belle auto ne réclamant pas de cosmétique peut déjà passer les 6 000 €, alors qu’on commence à voir des exemplaires impeccables et très peu kilométrés vers les 10 000 €, en GTD. Là aussi, ça monte. La 604 est nettement plus frugale que la Mercedes, à 8,5 l/100 km.
Avantage : Peugeot. Moins chère et plus économique à l’usage, la 604 prend ici le dessus sur la 300D.
Verdict : Ah, si la 604 avait eu une fabrication à la hauteur…

Même si elle a été conçue à l’économie, la 604 surpasse la 300D par son comportement routier, sa direction, son confort de roulement, ses reprises, son agrément de conduite et sa frugalité. Cela fait beaucoup ! Toutefois, la Mercedes n’est jamais loin derrière et surtout, affiche une qualité de fabrication d’un tout autre niveau. L’essence de la Deutsche Qualität ! De surcroît, son moteur, d’une sonorité moins agricole, ne semble pas avoir de limite à sa durée de vie. Enfin, sa valeur grimpant plus vite que celle de la Peugeot, elle peut représenter un meilleur investissement… Comme à l’époque !

Thème | Avantage |
Fiabilité/entretien | Mercedes |
Vie à bord | Egalité |
Sur la route | Peugeot |
Budget | Peugeot |
Verdict | Peugeot |
Pour trouver des annonces, rendez-vous sur le site de La Centrale : Mercedes 300D et Peugeot 604.
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