Test circuit : baptême de piste - Lédenon
Tôt ou tard vient dans l'esprit d'un motard l'idée d'aller s'essayer sur circuit. Certains tentent l'expérience, d'autres s'en passent tout à fait. Mais on ne peut nier que le concept d'aller rouler sur une route fermée, sécurisée, sur un bitume qui accroche parfaitement et où l'on n'a qu'à se préoccuper de ses trajectoires est quand même tentant. Ce fût mon cas, depuis longtemps déjà, et c'est sur le circuit de Lédenon que ma curiosité fut comblée.
Le circuit de Lédenon se trouve aux abords de Nîmes, dans le Gard (30). Créé en 1973, ce fut tout d'abord un circuit destiné aux courses automobiles puis plus tard, se dessina à accueillir les motos. Considéré à l'heure actuelle comme le circuit le plus vallonné, le plus sinueux et le plus technique de France, autant vous dire que je n'en menais pas large à notre arrivé sur le parking.
Cette première expérience tombait le week-end du Bol d'Or et de la Féria des Vendanges de Nîmes. Ce fut une chance puisque généralement, le circuit accueille beaucoup plus de motards décidés à faire parler la poudre. On retrouva sur place des amis d'Harry, le pote qui m'accompagnait afin de partager son expérience du circuit, qui nous ont accueilli les bras ouverts. La grande famille des motards n'est point une légende et l'on a pu vérifier ça dès que l'on a posé notre sac à dos.
Invitation à la restauration improvisée (un délicieux barbecue), à plusieurs collations, des conseils concernant la signification des drapeaux, la conduite à suivre pour les premiers tours de roue sur circuit, les pièges à éviter... bref, une mise en condition digne de ce nom.
La première étape consiste à démonter les rétroviseurs de la moto et à emprisonner le phare d'un gros scotch pour éviter de polluer la piste en cas de chute. Retirer les rétroviseurs permet aussi de s'affranchir de l'idée de regarder derrière soit en roulant car la règle est simple : on ne se préoccupe que de sa trajectoire, ceux qui arrivent derrière et qui veulent doubler doivent le faire en toute sécurité.
Une fois restaurés, nous partons à la recherche des sessions que l'on doit réserver. Une session dure 20 minutes, coute 15 € et rassemble entre 20 et 40 participants. Le programme de la journée est une alternance de sessions pour débutants et de sessions pour confirmés. Ma première session sera à 15h00, la seconde à 16h20 et la dernière à 17h00. Trois sessions sont largement suffisantes pour un baptême, la pression commence à monter...
L'heure est venue, Harry ne roulera pas avec moi pour celle-ci, je serais livré à moi-même pour découvrir toutes les surprises que réserve le circuit de Lédenon. Les motos se posent à l'entrée des stands, les pilotes ont le regard rivé sur la chef de piste armée de son casque qui décide si oui ou non vous pouvez rentrer sur le circuit. Un coup d'œil balayant chaque pilote lui permet de savoir si l'équipement est conforme aux exigences affichées à l'entrée et si la vignette correspondant à la session qui va débuter est bien celle que le motard a collée sur le phare de sa moto.
Si tout est en règle, un signe de la main permet au pilote de s'élancer dans les stands. Mon tour arrive et je m'engage devant les paddocks puis, suivant mes prédécesseurs, j'entre sur le circuit.
Tout commence par le triple gauche, un énorme virage qui n'en finit pas et qui s'offre même le luxe de se refermer sur la fin. Ca a le mérite de mettre tout de suite dans l'ambiance. Les autres motards chauffent tranquillement leurs pneus et je les suis dans le virage du pont, un virage à droite qui remonte vers l'inconnu. Aucune visibilité, je ralentis prudemment intrigué par ce que cache cette butte.
Dès que l'on est au sommet, on distingue la carrierrasse ou "virage de la mort", un très grand gauche à prendre en deux temps qui plonge lui aussi vers l'invisible. On se croirait vraiment dans un manège sauf que le train du grand 8 n'est pas sur des rails, c'est vous qui avez le volant et faudra pas fermer les yeux dans la descente parce qu'il y a peu de chance que la route continue tout droit. Donc j'avance peu rassuré dans cette pente qui se transforme tout à coup en un virage à droite appelé le virage du camion, je monte sur les freins, surpris par ce tracé inattendu, je penche la moto pour reprendre la corde du virage, je me laisse déporter sur l'extérieur pour replonger vers la corde du virage du cavalet qui remonte encore. Au bout, un nouveau grand gauche, celui de la servie, nous remet dans la pente qui se négocie sans freiner.
Je me fais doubler de tous les côtés, un GSX-R à l'intérieur, un R1 à l'extérieur, un autre me fait même l'affront de me doubler en wheeling. Mais tous ces déplacements sont fait sans risque, sans mauvaise surprise et c'est tout ce que je demandais. Au bout se trouve la chicane, au pied de la côte de la ligne droite des stands. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'au bout du premier tour, je suis incapable de me rappeler l'enchaînement de virages que je viens de négocier.
Le second tour se fera à une vitesse un peu plus élevée mais toujours avec une grande prudence. La plongée dans le virage du camion me surprendra à nouveau mais une Ducati me double poignée dans l'angle alors que je presse les freins, quelque chose me laisse penser qu'il faut un peu moins appréhender cette courbe.
Ca y est, je commence à m'y faire. Sans pour autant chercher le chrono, je m'applique à coucher la moto au plot rouge d'entrée de virage, je vise le plot vert qui symbolise la corde, et je me laisse déporter vers l'autre plot rouge de sortie. C'est vraiment plaisant. Devant moi se trouve un Z1000 et à le voir conduire, je ne suis pas le seul à faire mes premiers tours de circuit. Je prends alors sa roue et commence à le suivre. Lui aussi montre des signes d'appréhension par rapport au virage du camion, j'ai su tirer la leçon du bolide rouge, je me décale, passe à l'intérieur, je ressors plein gaz et je viens de faire mon premier déplacement. Le petit bicylindre est un atout pour sortir des courbes en pente, il reprend très bien dans les tours et sous un son rauque, me monte tout en haut. C'est trop bon !
Un drapeau jaune s'agite avant la ligne droite des stands, quelqu'un a du chuter... puis le tour d'après, c'est un drapeau rouge qui nous indique que l'on doit sortir de la piste. Cela faisait 17 minutes que je tournais, cette sortie légèrement prématurée vient à point nommé. Je prends la piste des stands et sors du circuit le sourire aux lèvres. Certains m'ont pris deux, trois et même quatre tours mais ça ne compte pas, l'essentiel est d'avoir découvert le circuit sans commettre de faute, c'était l'objectif fixé et il est atteint. Mes premières impressions sont très positives, les sensations sont très prenantes, je n'ai jamais regardé mon compteur, toujours concentré sur le sinueux revêtement. Souffler un peu ne me fera pas de mal.
Pour la prochaine session, Harry sera de la fête sur son Speed Triple. Il partira le premier, je le suivrai à 5 motos d'écart. Devant moi, une motarde tout de noir vêtu sur un R6 flambant neuf. Je suivrai ses trajectoires pour les tours de chauffe, elle-même calquant les siennes sur celles de son compagnon qui la précède.
C'est tout de suite plus facile de suivre quelqu'un, les appréhensions de la découverte des virages laissent place à la gestion des gaz sur le tracé. Une fois que les pneus seront chauds, je la vois se déhancher, poser le genou au sol, et s'éloigner au loin sans espoir d'arriver à la suivre.
C'est maintenant un XJ 600 jaune qui me colle aux basques. Je continue ma progression à mon rythme et il me double juste après le virage de la servie. Il mettra la poignée dans l'angle jusqu'à la chicane qu'il aura du mal à négocier, il est rentré beaucoup trop fort et sort donc trop large, il préfère ne pas tenter le diable, monte sur le vibreur pour garder la moto droite, fera un léger passage sur les graviers avant de revenir sur la piste. Voilà un exemple d'un excès de confiance, je tacherai de ne pas faire la même erreur.
Quelques tours plus tard, au même endroit, c'est un Z1000 vert qui me double. Equipée d'un double échappement Ixil sous la selle, il fonce dans la chicane, pile sur les freins et plonge sur la gauche. Alors que la moto est encore couchée, la vitesse le déporte lorsqu'il entre sur la ligne droite des stands. Il veut se recentrer en accentuant l'angle de la moto, remet du gaz et schhhkrkrkrkrkrr voilà la moto qui glisse en tournant sur elle-même, répandant une flaque d'essence sur la piste, le pilote s'est fait éjecer et a roulé jusqu'au gravier. J'étais à cinq mètres derrière lui, je prends mes distances et le pilote a l'air d'accuser le coup, la moto quant à elle est dans un état bien plus dramatique. Le drapeau rouge se lève.
Un peu choqué de ce qui vient de se passer, je continue ma route doucement, suivi par tous les autres motards redressés sur leur selle, on terminera le tour sans forcer et on sortira du circuit.
Selon les échos des paddocks, le motard qui a chuté se serait cassé la clavicule et a été évacué en ambulance. Une raison de plus pour garder la tête froide lors de la dernière session. Sur celle-ci, je partirai devant Harry pour qu'il puisse me doubler et me montrer comment mieux négocier le tracé le plus technique de France. C'est parti, il me double dans le triple gauche, sort le postérieur, tend le bras droit et plonge à la corde. J'essaye de le suivre, mais c'est peine perdue. A chaque virage, je le vois s'envoler et mes efforts sont vains. Cependant, il m'attendra à chaque sortie de courbe, bien décidé à me faire progresser.
Je le double sur la ligne droite dans un excès d'orgueil, alors qu'il papillonnait calmement en souriant aux demoiselles des stands. Il observe alors ma manière de négocier le triple gauche, me repasse devant, se retourne pour me montrer où ça ne va pas : le déhancher. Il me montre l'exemple et je l'imite. Je prends appui sur le cale-pied, pose une fesse dans le vide et le haut de mon corps à l'intérieur du virage, j'accélère et ça passe.
Ca passe même beaucoup mieux que dans les virages précédents ! Je négocie le virage suivant de la même façon, à gauche, puis à droite, et les choses deviennent tout de suite beaucoup plus physiques. Mon quintal se fait sentir sur chaque changement d'angle mais les sensations procurées en valent la peine. Le circuit est quasiment désert en cette fin de dimanche et on peut vraiment s'amuser. Le drapeau à damiers viendra marquer la fin de la dernière session, je regagne les stands assez repu, mais tellement content.
Trois sessions de circuit dans un dimanche ensoleillé de septembre, c'est tout ce qu'il me fallait pour me donner le virus de la piste. Ce fut une expérience très enrichissante sur la manière de conduire sa moto, de se placer dans une courbe, de gérer le freinage puis la remise des gaz. Et quand on voit de quoi sont capables ceux qui roulent autour de nous, ça donne vraiment envie de s'investir. La prochaine étape sera certainement un stage avec un professionnel, maintenant que j'ai fait mes premiers pas, il faut que quelqu'un m'apprenne à prendre de bonnes habitudes. Et une fois que les bases seront solides, les chronos n'auront qu'à bien se tenir !
Merci aux potes d'Harry pour leur accueil, à Harry pour avoir pris le temps de partager son expérience et surtout à ma chère et tendre pour avoir joué les photographes devant les stands toute la journée durant, au prix d'une migraine conséquente suite aux hurlements des moteurs libérés...
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