Enquête - Radars automatiques : un système usé ?
Les actes de vandalisme ont entraîné l'an dernier une forte baisse du nombre du PV pour excès de vitesse, sans que cela influe directement sur l'évolution du nombre d'accidents. Des voix s'élèvent pour évoquer un système qui approche de ses limites, tant en matière d'acceptabilité que d'efficacité.
La Sécurité routière nous aura fait languir jusqu’au mois de septembre pour éditer ses différents bilans, mais on peut dire que l’attente en valait la peine. Et notamment pour tout ce qui a trait au système de Contrôle Sanction Automatisé (CSA), frappé par un taux de vandalisme très élevé durant la crise des Gilets jaunes.
Ainsi, seuls 74% des radars (tout type confondu) auront été en état de fonctionner en 2019, contre 88% l’année précédente. Et si l’on considère les seuls radars fixes (dont les radars discriminants, les « vitesse moyenne » et autres tourelles), le taux descend à 63% quand il s’établissait à 85% en 2018. Cette baisse entraîne donc logiquement celle du nombre d’infractions à la vitesse enregistrées par le système automatisé, qui passe de 13,6 millions en 2018 à 12,2 millions en 2019, soit -10,9%.
Or, si les radars ont nettement moins flashé, cela n’a pas entraîné de recrudescence spectaculaire du nombre d’accidents de la route. 3498 victimes ont été à déplorer l’an dernier, soit dix de plus qu’un an plus tôt. Des chiffres encore intolérables, bien évidemment, mais qui contredisent la doxa qui associe trop souvent la hausse du nombre de radars à la baisse du nombre de victimes. Si le lien existe, peut-être n’est-il plus si…automatique, justement. En tous les cas, il n’apparaît plus perçu comme tel par la population.
Toujours plus de radars, mais un nombre de victimes qui stagne
Ce n’est pas Caradisiac qui le dit, mais…la Sécurité routière elle-même, à la page 144 du bilan de l’accidentalité de l’année 2019, où est évoqué un rapport d’experts IFSTTAR-CEREMA de décembre 2018. Il en ressort que « la proportion de conducteurs qui considèrent les radars comme efficaces est de 53 %, ce qui constitue une baisse importante en comparaison d’évaluations précédentes. Les diverses dimensions de l’acceptabilité (efficacité, équité, atteinte à la vie privée, etc.) ont subi la même évolution défavorable et restent des dimensions cruciales pour le respect des règles et leurs modalités de contrôle » Et les mêmes experts d’en déduire que « ceci démontre une usure des mesures et la nécessité d’un renouvellement permanent des actions en faveur de la sécurité routière et des mesures pédagogiques de soutien. »
Les radars auraient-ils fait leur temps ? Dans leur côté « bête et méchant », probablement. La Cour des comptes le laisse elle aussi entendre quand elle évoque, dans son dernier rapport annuel, l’importante baisse des recettes des radars enregistrée en 2018 et 2019 et invite les autorités à « repenser » le système répressif, dont les recettes baissent de façon continue du fait des changements de comportement des conducteurs: « les effets du vandalisme sans précédent subis par les radars en 2018 et surtout en 2019 ne doivent pas faire écran à ce type de réflexion de moyen terme », est-il ainsi écrit.
La vitesse, mais pas que
Dans le même temps, si l’on observe les statistiques de la route, les Français n’ont guère changé leurs habitudes malgré les nombreux cinémomètres hors-service. Ainsi, nous roulons (un peu) moins vite sur le réseau secondaire, zone la plus accidentogène.
Sur les routes limitées à 80 km/h, où les radars sont particulièrement exposés au vandalisme, les vitesses moyennes pratiquées auront été inférieures de 4 km/h par rapport à 2017, dernière année avec les 90 km/h généralisés. En d’autres termes, les Français savent mieux se plier aux règles sans avoir besoin d’une « menace » permanente pesant sur leur permis.
D’ailleurs, il faut rappeler que la vitesse excessive ou inadaptée n’est en cause « que » dans 16% des accidents de la route (et 30% des accidents mortels). Sans nier le risque que présente le non-respect des limitations, il serait bon que les pouvoirs publics élargissent davantage le spectre répressif.
Les psychotropes demeurent un vrai sujet de préoccupation, sachant que « 44,4 % des décès routiers en métropole en 2019 interviennent dans un accident où un conducteur est sous emprise de l’alcool ou de stupéfiants. » Un vrai problème, hélas moins facile (et donc moins « rentable ») à contrôler que la vitesse.
Il en va de même pour l’usage du téléphone au volant. Selon le dernier baromètre Axa Prévention, 70% d’entre nous admettent utiliser leur smartphone alors qu’ils conduisent, que ce soit pour téléphoner (46% des cas) ou lire et consulter ses SMS (un quart des cas). Pourtant, seulement 403 000 infractions ont été constatées l’an dernier pour l’usage d’un téléphone tenu en main par un conducteur en circulation. Cherchez l’erreur ! Il y a donc un « gisement » à creuser en termes d’amélioration de la sécurité routière, et il y en a d’autres.
Cash machines
On aimerait que les pouvoirs publics parlent davantage, outre l’alcool ou le téléphone évoqués plus haut, de non-respect des distances de sécurité, de l’usage des médicaments (4% des accidents leurs seraient imputables), d’ « oubli » des clignotants, de somnolence, voire (rêvons un peu) de la conduite des cyclistes en ville. Bref, mille autres choses que la vitesse, dont on ne nie pas ici les dangers, mais dont on déplore qu’elle concentre encore l’essentiel du discours en matière de sécurité routière, aujourd’hui tellement infantilisant qu’il perd de sa portée.
Seulement voilà, le changement n’est pas encore à l’ordre du jour chez les pouvoirs publics. Le parc de radars automatiques, qui comptait au dernier pointage 3 144 unités fixes ou déplaçables (dont 680 aux feux tricolores, 78 aux passages à niveau et 249 autonomes dites « chantiers ») auxquels s’ajoutent 950 mobiles (modèles embarqués ou voiture-radar), s’élargit progressivement aux redoutables radars-tourelles.
Plus de 500 machines à PV de ce type sont actuellement déployées, ce qui devrait permettre aux pouvoirs publics de rapidement refaire leur retard en matière de recettes après les périodes de « manque à gagner » évoquées plus haut.
Selon un calcul de nos confrères des Echos (09/10), les recettes des radars pourraient s'élever à 809 millions d’euros en 2021. Une valeur en progression par rapport aux 730 millions initialement espérés cette année, mais qui ne sera vraisemblablement pas atteinte du fait du confinement qui avait fortement réduit la circulation automobile pendant plusieurs semaines. Quoi qu'il en soit, les radars constituent bien une formidable manne pour les finances publiques.
Une seule certitude pour l’automobiliste : impossible d’échapper à la partie de cash-cash qui lui est imposée, et dont on se demande de plus en plus si celle-ci vise uniquement à améliorer la sécurité routière.
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