Les ZFE vont-elles faire réapparaître les gilets jaunes?
L'écrivain Alexandre Jardin part en guerre contre les ZFE, qu'il apparente à "un mécanisme qui vise à exclure les “gueux” de la société."
Les ZFE s’appuient sur le système de vignettes Crit’Air de façon à proscrire en leur sein la circulation des véhicules considérés comme les plus polluants, c’est-à-dire les plus âgés. PHOTOPQR/OUEST FRANCE/MAXPPP
Comme trop souvent, l’enfer est pavé de bonnes intentions. On en a une nouvelle illustration avec les Zones à faibles émissions mobilités, ou ZFE-m, crées dans ces 12 métropoles françaises. Les interdictions de circulation peuvent varier d’une zone à l’autre en fonction de certaines dérogations locales, mais le principe théorique est qu’a minima ne puissent plus y accéder les voitures diesel de plus de 14 ans et les voitures essence de plus de 19 ans au 1er janvier 2025 (Crit’Air 3). Problème, cela concerne encore 29% du parc automobile français, soit un peu de 11 millions de véhicules qui n’ont plus accès aux grandes villes car jugés trop âgés et/ou trop polluants. On parle donc d’automobilistes privés de l’accès aux grandes villes parce que trop pauvres pour acquérir un véhicule récent, ce qui est un exemple pur et simple de discrimination par l’argent.
Cette situation fait bondir l’écrivain Alexandre Jardin, qui dans le Figaro il y a quelques jours dénonçait rien moins qu'’'un mécanisme qui vise à exclure les “gueux” de la société" au risque de faire ressurgir le spectre des gilets jaunes. Alors que 80% des français jugent l’automobile indispensable au quotidien, le sujet apparaît pour le moins explosif. "Le 31 décembre dernier, j’étais dans la boulangerie d’un petit village d’un département viticole. Il y avait là un papa divorcé très en colère, qui buvait un café. Il m’expliquait qu’à partir du lendemain (le 1er janvier, NDLR), il ne pourrait plus aller chercher ses enfants chez leur mère, qui habite dans une zone ZFE. Il est viticulteur. Et bien sûr, il n’a pas le bon véhicule. Il ne peut pas changer de voiture : il n’a pas un sou. Il m’est apparu profondément affecté. Je me suis demandé dans quel pays on vivait...", poursuit Alexandre Jardin. "Ensuite, je me suis penché dans les détails de cette loi et j’ai découvert ses terribles dimensions : par exemple quand les Français sont malades, ils doivent se rendre dans des hôpitaux qui sont presque tous dans des zones ZFE. Donc soit on ne se soigne pas, soit on prend un PV."
"La République c’est l’inclusion de tous, ce n’est pas l’exclusion des manants."
Et au Figaro qui fait malgré tout valoir que des transports en commun sont disponibles, l’écrivain apporte cette réponse pleine de bon sens : "Tous ces systèmes ont été pensés par des hyper-urbains mais la ruralité en France représente 40% du peuple. On part aussi du principe que les transports en commun fonctionnent 24h/24, qu’une famille de 3 enfants rêve d’être dans le métro avec la poussette, que les vieux adorent ça, que c’est le moyen de transport idéal pour une femme enceinte, etc. Quant aux dérogations, oui, elles existent. À Paris par exemple, elles peuvent être activées 24 jours par an… Le manant a le droit de s’infiltrer chez les riches, mais il ne faut pas que ça soit trop spontané. […] La République c’est l’inclusion de tous, ce n’est pas l’exclusion des manants."
Joignant le geste à la parole, Alexandre Jardin a créé un site, baptisé lesgueux.fr, avec la volonté de mobiliser les Français contre les ZFE, avec un mot d’ordre clair : "Interpellez votre maire, faites-vous entendre, restez dignes et gardez votre liberté de rouler. Les centres-villes sont pour tout le monde !"
Même s’il existe toujours un risque important de récupération politique d’un tel mouvement, souvent hélas du côté des plus populistes, le fait est que celui-ci répond à de véritables préoccupations dans un pays où les voitures coûtent de plus en plus cher, ce qui a pour conséquence un parc automobile vieillissant (11,2 ans en moyenne). Rappelons en effet que le prix moyen des citadines est passé de 10 000 à 25 000 euros ces vingt dernières années, à quoi s’ajoute un budget mobilité annuel de l’ordre de 10 000 euros. "Comme dans le même temps, le salaire moyen n’a progressé que de 37%, les classes moyennes se détournent de la voiture", regrettait l’an dernier Luca de Meo (Renault), alors Président de l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA). Même si les constructeurs ont une part de responsabilité importante dans cette inflation généralisée, on aurait attendu des pouvoirs publics qu’ils n’aggravent pas la situation en fermant les centres-villes aux Français les moins aisés. Quoi qu’il en soit, il y a urgence : si les zones à faibles émissions se muent en zones à forte exclusion, il existe un vrai risque de casse sociale dans le pays.
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