Les accords du Mercosur font-ils le malheur des agriculteurs et le bonheur des constructeurs automobiles ?
L'INFO DU JOUR - On définit souvent les accords du Mercosur comme un deal de « viande contre voitures ». Et si les agriculteurs européens peuvent effectivement être lésés par ce traité, les constructeurs automobiles, surtout allemands, comptent sur lui pour sortir de l’impasse.
Les agriculteurs sont vent debout contre les accords du Mercosur. Crédit photo : PHOTOPQR/LA DEPECHE DU MIDI/MAXPPP
Les uns l'accusent de tous leurs maux, les autres le voient comme un sauveur. Lui, c'est le Mercosur. cet accord entre l’Europe et le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay (et bientôt la Bolivie) qui oppose les constructeurs européens aux agriculteurs du même continent.
L'Argentine étant englué dans une inflation galopante, les regards des marques autos se concentrent donc sur le Brésil, les autres pays de la région représentant une part négligeable. Martyrisés sur le marché chinois, Mercedes, BMW, et en premier lieu Volkswagen, n’ont plus d’yeux que pour le pays du président Lula, ou, l’an passé, les ventes de voitures ont augmenté de 11,3 % alors qu’elles sont en berne chez nous et en baisse en Chine, en ce qui concerne les occidentaux qui redoutent les taxes américaines voules par Trump dès 2025. Autant dire qu'ils misent beaucoup sur ce nouvel eldorado. D'autant que la VW Gol (sans f) est assemblée près de San Paolo et connaît un joli succès.
Le Mercosur : après la Chine, le nouvel eldorado automobile ?
Mais Stellantis est également concerné et dispose d’une unité de production Fiat à Bétim, toujours au Brésil et d’une usine Citroën à Porto Real. BMW, quant à lui, dispose d'une unité de production à Araquari.
C’est à Bétim qu’est assemblée la Strada, le robuste petit pick-up lui aussi best-seller brésilien. Mais puisque Volkswagen, comme BMW, Fiat et Citroën assemblent localement, les quatre marques n’ont pas besoin de voir disparaître les taxes douanières à l’importation ?
Sauf pour les pièces en provenance d’Europe, et pour le laissez-passer que le Mercosur leur offre à l’importation de nouvelles autos produites chez nous. Le Mercosur tombe donc à pic pour l’industrie allemande, et, à bien moindre échelle pour l’automobile franco-italienne. Un timing parfait alors que les tractations ont commencé il y a 25 ans, puisque les négociations pour l’établissement d’un traité ont débuté en 1999.
Mais patatras. Voilà qu’à quelques jours seulement de la signature de l’accord entre l’Europe et les pays d’Amérique du Sud, le deal, déjà plié depuis des mois, à Bruxelles, mais aussi à Paris et à Berlin, sort de la discrétion feutrée des chancelleries pour s’inviter à la Une des médias, mais aussi sur les autoroutes et les ronds-points français à coups de tracteurs au ralenti.
Pourtant, tout semblait calé pour ne pas fâcher grand monde. L’accord, rebaptisé « viande contre voitures » permettait aux constructeurs européens d’attaquer le gros marché sud-américain sans se voir taxer. En échange, l’Argentine et le Brésil, les poids lourds agricoles de la région, pouvaient déverser leur viande de bœuf et de poulet en Europe sans contreparties en matière de normes qui ne sont pas similaires d’un continent à l’autre.
En plus, des quotas ont été fixés : pas plus de 99 000 tonnes de bœuf devaient atterrir sur les étals de la vieille Europe, soit moins de 1,5% des ventes. Un bon accord pour les politiques européens en somme, persuadés d’en avoir enfin fini avec les négociations à la fin de l’été.
Les Français n'en veulent pas et les Allemands le plébiscitent
Sauf que la viande en question est de l’aloyau, constitué des parties nobles de l’animal (rumsteak, faux-filet, etc) qui sont celles qui dégagent le plus de marge pour les éleveurs. En y ajoutant la grogne générale du secteur, déjà dans la rue au printemps dernier et qui n’est pas satisfait des avancées obtenues, on obtient l’explosion du moment, et le retour des tracteurs sur les autoroutes, attisés par ce Mercado Común del Sur (Mercosur). Alors, dans l’affolement, et pour calmer la grogne, le gouvernement Barnier s’en est allé montrer les muscles à Bruxelles et remettre en cause les accords.
Que va-t-il se passer dans les prochains temps ? La France est évidemment un poids lourd en Europe, mais elle est affaiblie à Bruxelles par son déficit et la récente dissolution. Quelques pays sont à ses côtés dans ce front du refus mais ils ne sont pas suffisamment nombreux et importants pour rafler la décision. Quant à l’Allemagne, aucune chance qu’elle recule et fera tout pour sauver son industrie auto.
Résultats des courses : soit les accords sont signés rapidement, au nez et à la barbe de la France et de ses paysans, soit les négociations reprennent, comme elles le font depuis 25 ans. Mais le temps presse pour l'industrie auto qui a besoin de se refaire une santé, et n'a pas envie de voir la Chine progresser encore en Amérique latine. D'autant qu'il est déjà tard et que pour Byd le premier marché étranger est aujourd'hui le Brésil, justement.
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