Le design intérieur automobile en manque d'inspiration ?
L'écran dans une voiture est-il devenu la norme ? Où sont passées les planches de bord travaillées, et les véritables combinés d'instrumentation ?
Le design en automobile, c'est un peu comme la mode vestimentaire. Il vit au gré des vagues, des tendances, des marqueurs d'identité. Et puisque la voiture rechargeable semble s'imposer comme la solution du futur de la mobilité personnelle, ces marqueurs sont désormais connus. De la couleur (du bleu et du vert en pagaille), aux designs de roues "aéro", en passant par calandres pleines, les volants épurés et aux styles de plus en plus marqués, la tendance devient la norme, les constructeurs adoptant petit à petit les mêmes mimiques.
Une automobile, en 2021, n'est pas seulement verte - ou bleue, c'est selon. Elle se doit également d'être technologique, connectée, intelligente, prévoyante, et même divertissante. Puisqu'il a été décrété que le bruit, la puissance, la vitesse et les caractéristiques techniques d'un moteur ou d'une transmission étaient "has been", il faut bien de nouvelles sources générant de l'intérêt, voire de la passion.
Résolution d'écran, applications, aides à la conduite, la voiture est venue geek. "En résumé, ce qui était auparavant des chevaux sont désormais des écrans et des expériences utilisateurs", peut-on lire dans le récent communiqué de Continental, qui vient de remporter un gros contrat pour fournir des écrans panoramiques à un constructeur majeur.
Mais où sont passés les combinés d'instrumentation et les compteurs de vitesse ?
Un écran, et puis c'est tout
Vous le remarquez sans doute, les écrans remplacent petit à petit tout ce qui faisait une planche de bord. Désormais, il n'est pas bien difficile d'être designer d'habitacle : un volant (pas rond, de préférence), un immense écran, et un pédalier. Le levier de vitesse, pour passer du neutre au drive ? Gageons qu'il disparaîtra à son tour, un jour.
Ainsi, derrière le volant d'une auto moderne, c'est ambiance "rayon TV" chez Darty plus que salle d'exposition de sculptures. Mercedes a été un des pionniers à créer cette ambiance. Tesla a poussé le vice en supprimant totalement l'instrumentation derrière le volant pour tout centraliser dans un affichage central digne d'une petite télévision. Puis Ford, puis Honda, puis VW et Skoda, puis Opel...
La disparition des commandes physiques, des belles instrumentations et des planches de bord travaillées a plusieurs explications. La centralisation, d'abord : une auto moderne est tellement technologique qu'il est plus facile de regrouper les innombrables fonctions dans un écran, quitte à avoir une interface pas toujours très ergonomique, avec des menus et sous-menus nombreux.
Et puis il y a aussi, probablement, une question de coûts. Une planche de bord de Tesla Model 3 est bien plus aisée à fabriquer que celle d'une Peugeot 508. Les formes complexes, les différents inserts et matériaux, tout ceci nécessite plus de recherche et développement, des assemblages plus élaborés, et donc, une production plus coûteuse.
Le cas des commandes de climatisation est symptomatique : de plus en plus de constructeurs les intègrent dans l'écran tactile, supprimant ainsi les boutons et éléments physiques. Moins de pièces à produire, à intégrer dans la console centrale, et donc moins de coûts. C'est aussi simple que cela. Si vous pensiez qu'un écran revient plus cher au constructeur que des boutons de réglages, détrompez-vous : l'écran est de toute façon présent de série, alors tant qu'à faire, autant y intégrer la climatisation et supprimer ces bonnes vieilles molettes.
Les résistants
Il existe encore des marques qui réalisent un gros travail sur la planche de bord. Et il y a même des constructeurs qui tournent le dos à l'écran. C'est le cas de Bugatti : l'artisan français expliquait il y a quelques années qu'un écran, ça vieillit mal. Regardez ceux présents dans les autos du début des années 2000 ! Et puisqu’une Bugatti se doit de bien vieillir, la filiale française de VW Group préfère de vraies commandes que l'on peut toucher, manipuler, admirer.
Le design par "l'essentiel" de Bugatti, sans écran, mais pas sans atouts.
L'intérieur de la Chiron a été dessiné par un Français, Etienne Salomé, lequel parlait de l'auto comme une "oeuvre d'art intemporelle". Bugatti n'hésitait pas à employer le terme de la "réduction à l'essentiel".
Peugeot, Audi, Alfa Romeo, Porsche, Mazda, BMW, et bien d'autres, certains studios de design n'ont pas encore cédé aux sirènes de la planche de bord simpliste, tout juste habillée d'un écran. Et puis qui sait, un jour, le compteur à aiguille fera peut-être son grand retour. Ce truc vintage redeviendra la mode comme les vinyles regagnent aujourd'hui du terrain chez certains mélomanes, face à la loi du dématérialisé.
L'économètre BMW avec la petite aguille qui se promène à la manière d'un compteur Geiger reviendra alors sur le devant de la scène, la montre analogique au centre de l'instrumentation paraîtra à nouveau comme quelque chose de normal, et, qui sait, ces bons vieux rétroviseurs à miroir orneront encore les flancs de nos autos après une âpre résistance face aux caméras.
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