L'industrie automobile n'est-elle plus qu'un monument historique ?
Si l'automobile n'est plus ce qu'elle était, si la Bourse et les jeunes s'en détournent, si elle est renvoyée au XXe siècle et aux musées, ce n'est pas seulement la faute aux politiques et à l'air du temps.

Il est un évènement qui aurait dû mettre la puce à l’oreille de tous les observateurs de l’automobile. En 2008, General Motors a perdu sa place de plus grande entreprise du monde. Malgré toutes les crises, dont celle des années 90 qui a secoué Detroit, elle avait tenu jusque-là.
17 ans plus tard, qu’en reste-t-il ? GM est valorisé à 40 milliards de dollars. C’est pas si mal, diront les mêmes observateurs, un peu myopes, puisque c’est un montant pratiquement équivalent à celui de la grande époque.
La victoire de l'économie virtuelle
Sauf qu’entre-temps, la capitalisation boursière a explosé dans tous les domaines et sur tous les continents. Celle d’Apple en ce mois de juin 2025, affiche 3 400 milliards de capitalisation, soit 3 360 milliards de plus que General Motors. La Silicon Valley a gagné. L’économie virtuelle l’a emporté sur l’économie réelle et sur l’auto.
Pour se rendre compte à quel point la bagnole est un truc du passé, une lubie de boomers piquousés à l’ancien monde, et pas seulement à Wall Street, c’est une autre date, et un autre évènement que l’on peut retenir. Une étude plus précisément. Elle est menée par Occurrence, une filiale de l’Ifop et a été dévoilée le 13 février dernier.
L’organisme a demandé à 24 000 jeunes français, diplômés des écoles de commerce et d’ingénieurs pour quelle boîte ils souhaiteraient bosser. Leur réponse ? Les entreprises de la tech arrivent largement en tête, ainsi que le luxe. L’automobile arrive largement derrière, alors qu’à la même question, il y a 30 ans, cette industrie figurait dans le top 5.
Luca de Meo est-il resté jeune dans sa tête et a-t-il consulté l’étude en question ? Toujours est-il qu’il vient de quitter Renault pour Kering, comme un jeune premier, malgré ses trente ans passés dans l’industrie auto.

Un sauve-qui-peut ou un pragmatisme de la part du Milanais, au moment où tous les conseils d’administration des grandes marques s’ouvrent justement à des spécialistes de la tech, histoire de raccrocher les wagons d’un train qui leur échappe.
On est donc en droit de se demander pourquoi l’automobile s’est ringardisée auprès des jeunes comme de leurs aînés. Pour expliquer ce phénomène, on évoque généralement les différents freins, réglementaires et environnementaux, aux niveaux des villes et des continents. On évoque l’autophobie institutionnalisée, comme le prix des voitures neuves, lesquelles sont devenues intouchables pour une majorité de la population, en raison des nouvelles normes de sécurité, de l’inflation, des investissements à prévoir, voir du temps qu’il fait et de l’âge du capitaine.
En revanche, on ne se demande jamais si les constructeurs n’auraient pas eux-mêmes une part de responsabilité dans la dégringolade de leur propre filière. Les prix pratiqués ? Selon une autre étude, les marques en sont-elles aussi largement responsables, pratiquant une montée en gamme à tous crins, histoire d’augmenter leurs marges.
Et de nous expliquer que cette montée en gamme est obligatoire pour qu'ils puissent assurer la transition vers l’électrique. Même si elle a toutes les chances d’être retardée, elle exige des milliards d’investissement.
Les constructeurs se sont-ils tiré une balle dans le pied ?
Mais ces investissements n’ont-ils pas été réalisés dans l’affolement par une filière qui sait, depuis au moins 1990, date du premier rapport du GIEC et de la hausse des émissions que ces bouleversements leur pendaient à la calandre ? Ils ont néanmoins continué, presque comme si de rien n’était, assis sur leurs moteurs thermiques ultra-rentables, pendant 25 ans, attendant que d’autres décident à leur place, comme l’UE l’a fait, à la suite du dieselgate de 2015 .
Évidemment, il est encore temps de redresser la barre et les constructeurs, forcés de le faire, s’y emploient. Pour autant, n’y a-t-il pas quelque chose de cassé au royaume de la bagnole ? Les aficionados, car il en reste, préfèrent celles d’hier à celles d’aujourd’hui, les anciennes, les youngtimers, et les salons comme Rétromobile qui, chaque année, augmentent leur fréquentation.
Tous les autres savent qu’ils ont besoin de leur auto et refusent de s'en passer, il en va de leur obligation de circulation. Mais ils ont aussi besoin de leur lave-vaisselle, sans pour autant fantasmer sur ses performances et son design. Sans pour autant lui vouer un culte.
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