L’empire sino-européen de Geely, de la route à l’espace
Patron d’une société de composants pour réfrigérateurs dans les années 80, le Chinois Eric Li, de son vrai nom Li Shufu, a poursuivi son plan de carrière en se lançant notamment dans la production de voitures. Il a fondé Geely Auto en novembre 1997, une marque devenue un empire international 25 ans plus tard.
Ce n’est pas la chaîne du froid et l’univers des réfrigérateurs qui ont conduit Li Shufu au succès mondial. En effet, c’est en réalité l’automobile qui a fait de ce natif de Taizhou (centre-Est de la Chine) un homme d’affaires comptant dorénavant parmi les patrons les plus influents de la planète.
C’est en 1997 que ce fils de riziculteurs s’est lancé dans la production de voitures, en créant Geely Auto et de premiers modèles pour le marché chinois. Le constructeur développe son activité à un rythme effréné. Il se classe dès 2002 dans le top 10 des meilleures entreprises du pays (sur le plan du commerce intérieur) et en 2005, il fait une entrée fracassante à la bourse de Hong-Kong.
L’alliance avec des firmes européennes comme moteur de croissance
Prophète en son pays ainsi que dans certaines régions du sud-Est asiatique, Geely en veut pourtant déjà beaucoup plus. Le regard du fondateur Eric Li se tourne alors vers l’occident, en particulier vers l’Europe où il espère lentement mais sûrement étendre son terrain de chasse.
Tout débute à la fin des années 2000. Alors qu’il s’entretient avec le PDG de Ford, il propose à ce dernier de lui racheter Volvo, l’une de ses marques alors mal en point. Accord conclu officiellement en 2010. La firme suédoise passe du pavillon américain au giron chinois pour 1,3 milliard d’euros, soit une somme quatre fois moindre que le montant investi par le géant à l’ovale bleu 11 ans plus tôt. Une très belle prise, donc, pour Eric Li.
C’est d’ailleurs véritablement depuis ce rachat que Geely s’est vu pousser des ailes à l’international. « Le rapprochement avec Volvo a été une étape décisive dans le développement de Geely », assure Peter Wells, chercheur pour l’industrie automobile à l’université de Cardiff.
De Volvo à Smart en passant par Lotus et la création de Lynk & Co
Geely est aujourd’hui l’actionnaire majoritaire de Volvo, devenue son badge premium de référence, mais aussi de Polestar, sa division hautes performances. L’appétit du repreneur chinois est clairement insatiable. Depuis six ans, il détient en outre 70 % des parts de Lynk & Co, une enseigne automobile disruptive qu’il a co-fondée avec Volvo Cars. Lynk & Co commercialise des modèles électrifiés (le Lynk & Co 01 hybride rechargeable a par exemple débarqué en France fin 2021) uniquement sur Internet ou dans des « clubs » et innove par des formules de location qui encouragent l’autopartage.
Depuis 2017, il possède également Lotus, la mythique écurie britannique de voitures de sport dont il entend, dans les années à venir, multiplier les ventes par dix et révolutionner l’ADN en ouvrant son catalogue à des segments davantage grand public.
Enfin, le conglomérat chinois est engagé à hauteur de 50 % dans une joint-venture avec l’Allemand Daimler. Objectif 2022 : relancer la marque Smart, avec pour premier modèle commun un SUV 100 % électrique nommé Smart #1, produit en Chine, qui sortira d’usine vraisemblablement en fin d’année ou au début 2023.
Geely opère en fin joueur d’échecs, depuis l’asphalte jusqu’à l’espace
Boosté par ses bons résultats, par un chiffre d’affaires de 14,2 milliards d’euros en 2021 (+ 10 % par rapport à 2020) réalisé dans le contexte pénalisant du Covid et de la crise des semi-conducteurs, Geely se montre à présent plus conquérant que jamais. Il continue notamment de faire du pied aux constructeurs du Vieux Continent, toujours eux, que ce soit directement sur le sol européen ou via leurs bases situées à l’étranger. Au début du printemps, ainsi, il est entré au capital de Renault Korea Motors, la filiale sud-coréenne de Renault, à hauteur de 34 %.
Geely, ou plus exactement, Zhejiang Geely Holding, s’est parallèlement illustré récemment en créant à l’automne dernier une co-entreprise avec l’Allemand Volocopter pour accompagner au plus près un projet de taxis volants.
Vouloir regarder le monde d’en haut, c’est bel et bien du concret et du sérieux pour Eric Li, désormais âgé de 58 ans et multimilliardaire. Le groupe industriel basé à Hangzhou vient en effet de confirmer son rêve de jouer un rôle majeur dans l’espace, un peu à l’image du californien Tesla. Début juin, Geely a réussi à placer en orbite terrestre basse neuf premiers satellites (sur 200 à 250 prévus à terme) destinés à améliorer la navigation et les fonctionnalités de conduite autonome de ses véhicules.
« Aucune marque automobile ne peut prétendre avancer seule », selon Geely
Face à ce développement autant impressionnant que pragmatique, certains analystes du secteur automobile estiment qu’il est encore difficile de mesurer l’ampleur de l’expansion future de Geely dans la mesure où la plupart des entreprises sur lesquelles Eric Li a misé sont loin d’avoir livré tout leur potentiel.
Une chose est sûre, l’audacieux dragon chinois semble évoluer comme il le souhaite, en surfant sur les tendances et en axant sa stratégie globale sur l’électrification et la voiture autonome entre autres, en testant de nouveaux modes d’acquisition aussi, tout cela en s’appuyant sur une interdépendance entre ses filiales, qu’il a fondées ou absorbées. « Nous sommes convaincus que c’est seulement à travers des projets à grande échelle et la mise en commun de ressources que nous pouvons concevoir de meilleurs produits pour l’utilisateur final », a déclaré il y a quelques jours Daniel Li, l’actuel CEO de Geely lors d’un événement en Allemagne, ajoutant qu’« aucune marque automobile, dans cette nouvelle ère de bouleversement technologique ultime, ne pouvait prétendre avancer seule. »
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