L'automobile française va-t-elle perdre entre 32 000 et 70 000 emplois ?
Ces chiffres menaçants ont été lancés en début de semaine par les principaux dirigeants de la filière hexagonale réunis par le Financial Times. En cause, selon eux, les difficultés liées à la marche forcée vers l’électrique. Mais d’autres phénomènes peuvent également expliquer cette vision ultra-pessimiste de l’avenir automobile
Ils sont aujourd’hui environ 440 000 salariés à travailler dans la filière automobile en France. Directement rattachés aux constructeurs, ou au service des équipementiers, ils pourraient, d’ici quelques années, être 15 % de moins. Ce constat, c’est celui que les propres patrons de leurs entreprises viennent de tenir lors d’une conférence sur l’avenir de l’automobile. Et chacun d’avancer ses propres chiffres, tous plutôt terrifiants.
100 000 emplois supprimés d'ici 2035
Pour Claude Cham, le président d’honneur de la Fiev (le syndicat des équipementiers), les effectifs vont baisser de 45 000 personnes d’ici 3 ans, « au minimum ». Selon Luca de Meo, le boss de Renault, ce sont « entre 50 000 et 70 000 emplois qui risquent de se perdre ». Enfin, Luc Chatel, le président de la PFA (la plateforme automobile, qui regroupe tous les métiers de l’auto), est un peu plus optimiste pour les prochaines années, mais beaucoup plus pessimiste pour les suivantes. Selon l’ancien ministre, « la France devrait supprimer 32 000 d’ici 2025, mais 100 000 d’ici 2035 ». Carrément.
Selon les 3 dirigeants, le fautif de cette hécatombe a un seul nom : la transition énergétique, en clair : la voiture électrique, seule responsable de leurs maux puisqu’elle nécessite beaucoup moins de main-d’œuvre que les bonnes vieilles pétrolettes thermiques. L’auto à watts et sa généralisation sont moins génératrices d’emploi que la voiture traditionnelle, de sa fabrication à son entretien, c’est indéniable. Pourtant, il est quelques autres phénomènes qui font plonger le secteur vers un avenir plutôt sombre et que ses patrons n’ont pas évoqués. Des phénomènes plutôt endémiques et des spécialités hexagonales qui expliquent également cette baisse d’effectifs prévisible.
Les déclarations de messieurs de Meo, Chatel et Cham ont été livrés au moment même où le déficit commercial de l’automobile française du premier trimestre a été publié. Il est de 4,7 milliards d’euros et a augmenté de 400 millions par rapport à l’an passé. Bien sûr, la pénurie de composants et de matières premières explique l’aggravement de ce déficit, mais pas les milliards qu’il affiche depuis des années. La voiture électrique n’y est pas pour grand-chose non plus.
La raison principale de ce gouffre est à rechercher du côté des usines ou sont assemblées les voitures françaises. C’est simple : absolument aucun best-seller national n’est fabriqué sur le sol hexagonal. Les Renault Captur et Peugeot 2008, les SUV urbains qui cartonnent ? Ils viennent d’Espagne. La Clio 5 ? Elle est fabriquée en Turquie. Quant à l’archi best-seller Dacia Sandero, elle sort des chaînes de Pitesti en Roumanie.
Évidemment, les petites autos, pour tous les constructeurs du monde, sont peu rentables. Or, la France en est le spécialiste depuis des décennies, depuis l'après-guerre précisément. Cette situation, née d'une volonté politique de l'époque perdure aujourd'hui en raison d'autres décisions politiques qui favorisent encore et toujours ces petites autos. Car le bonus-malus en vigueur les favorise, et pousse donc indirectement les industriels à délocaliser la production de ces autos à faible marge.
La voiture électrique a donc bon dos, elle pourrait même permettre la relocalisation de la production en France, puisque ses prix élevés pourraient permettre de compenser le prix de la main d'œuvre élevée dans notre pays. C'est déjà le cas de la Megane e-tech fabriquée à Douai. À condition que les marques asiatiques, et notamment chinoises, ne déversent en masse leur production en Europe. Un feuilleton qui est loin d'être achevé.
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