2. Honda e (2020) - Conduite : un vrai kart électrique
Prendre place à bord de la Honda e est surprenant à plus d'un titre et nécessite un certain temps d'adaptation. Il faut d'abord se faire au système de quintuple écran mais on s'habitue rapidement puisque l'instrumentation numérique est désormais un équipement courant et que les deux écrans centraux ont, eux, un fonctionnement redondant, l'un étant destiné au conducteur et l'autre au passager. Mais l'une des spécificités les plus rares de cette citadine est l'adoption de série des rétroviseurs caméras retransmettant l'image sur deux écrans de 6 pouces. Si rare qu'on ne l'a vu qu'une fois sur un modèle de série en la personne de l'Audi e-tron. Cependant, s'y faire est bien plus rapide dans la petite japonaise que dans le gros allemand et ne tient pas à grand-chose, si ce n'est au positionnement plus judicieux et pourtant évident des écrans : à hauteur des rétroviseurs traditionnels, de part et d'autre de la planche de bord, et positionnés à un certain angle en direction du conducteur, contre à plat sur la portière pour le SUV. Au final, on pouvait craindre que cette surabondance d'écrans soit un peu trop distrayante pour le conducteur, mais tout s'intègre parfaitement et ne gène en rien la conduite.
Ce qui frappe aussi, c'est la luminosité intérieure apportée non seulement par le toit panoramique de série mais aussi par des surfaces vitrées latérales conséquentes à l'avant comme à l'arrière, une qualité devenant rare aujourd'hui mais participant pourtant tant à l'impression d'espace que l'on a à bord malgré des dimensions extérieures réduites qu'à la visibilité générale périphérique, avec des montants de pare-brise fins et l'absence de montants des vitres. La position de conduite est excellente, surtout pour une électrique où le positionnement de la batterie dans le plancher entraîne presque systématiquement une assise surélevée façon chaise d'arbitre peu agréable de façon générale et encore moins dans une voiture avec des prétentions dynamiques. Ici, on peut régler le siège délicieusement enveloppant au ras du sol et le seul petit point noir pour ne pas tutoyer la perfection vient du manque d'amplitude en profondeur de la colonne de direction.
Il faut très peu de temps pour s'habituer aux rétroviseurs caméras.
Il est maintenant temps de démarrer la petite e qui est une version Advance, avec donc 154 ch à disposition et des jantes de 17 pouces. Ces dernières sont une option gratuite par rapport aux 16 pouces de base et c'est très souvent un indice sur l'influence négative qu'elles peuvent avoir sur la conduite. Et cela commence sur le papier avec une perte sèche de 12 km d'autonomie WLTP, à donc 210 km, à cause des 15 kg de masse non suspendue supplémentaire, de l'empreinte pneumatique supérieure - 205/45 à l'avant et 225/45 à l'arrière en 17 contre respectivement 185/60 et 205/55 en 16 - et de la nature même des pneus : des Michelin Pilot Sport 4 classés E en économie de carburant pour la monte de 17 pouces et Yokohama BlueEarth A décrochant un C pour les 16 pouces. Mais ça n'est pas tout puisque les premières centaines de mètres de notre essai démarrant au cœur de Valence, en Espagne, révèlent que, si la e se montre évidemment particulièrement à l'aise en milieu urbain en se faufilant avec aisance dans le trafic, le flanc réduit des pneus retransmet fidèlement certaines imperfections de la route sous forme de chocs ou de vibrations.
Ce que l'on perd en autonomie et confort avec les 17 pouces est cependant contrebalancé dans une certaine mesure par la tenue de route. Et c'est là l'un des points forts de cette Honda e : c'est sans aucun doute l'une des premières électriques qui pourraient mériter le blason GTI (ou plutôt VTI dans ce cas précis) tant elle se montre réjouissante à conduire. En plus d'offrir un considérable angle de braquage autorisant des demi-tours sur un rayon de 4,3 mètres, la direction est légère, rapide – 3,1 tours de butée à butée - et précise, la répartition idéale de 50/50 et le centre de gravité particulièrement bas proche de celui d'une NSX, à 500 mm du sol, garantissent un équilibre total, les suspensions type MacPherson à l'avant comme à l'arrière préviennent tous les mouvements de caisse excessifs et la propulsion garantit que chacun des 315 Nm disponibles immédiatement est transmis au bitume, surtout avec l'accélérateur affuté en mode Sport. Avec tous ces éléments cumulés, on obtient une voiture très agile et saine, avec une grande pureté de direction, des vitesses de passage en courbe impressionnantes et des reprises musclées. Ce bilan défie pourtant les lois de la physique quand on découvre la masse totale extraordinairement élevée : 1 545 kg sur la balance, ce qui est sans doute un (triste) record pour une voiture mesurant moins de 3,90 m. Mais le fait est que, volant en main, à aucun moment on ne ressent cet embonpoint excessif, même au niveau du freinage garanti par des disques de 15 pouces mordus par des étriers deux pistons aux quatre coins.
En matière de contrôle de la régénération de la batterie par le conducteur, Honda n'y est pas allé non plus de main morte et détaille le système comme seules des marques japonaises savent le faire, donnant des valeurs de décélération allant jusqu'au millième (!) de G près, que ce soit pour les différents niveaux offerts par les palettes au volant ou ceux de la conduite à pédale unique. Je ne résiste pas à l'envie de partager ci-dessous.
Décélérations (en G) offertes par les différents modes de récupération d'énergie
Système | Palettes au volant | Pédale unique |
Niveau 1 | 0,04 | 0,10 |
Niveau 2 | 0,06 | 0,14 |
Niveau 3 | 0,08 | 0,184 |
Niveau 4 | 0,10 | _ |
Évidemment, ces chiffres peuvent paraître abscons : sachez que 0,04 G est déjà une décélération substantielle, que la limite légale de déclenchement des feux de stop est de 0,1 G et que les 0,184 G offerts par le troisième niveau de la conduite à pédale unique, fonctionnant jusqu'à l arrêt, nécessite une bonne maîtrise de sa cheville droite tant cela freine fort au lever total de pied. Avec une telle puissance potentielle de freinage exclusivement sur les roues arrière, on pourrait craindre que cela entraîne un déséquilibre fâcheux en conduite sur surface glissante mais l'ESP a été recalibré en conséquence, son déclenchement entraînant instantanément la désactivation de la récupération d'énergie.
Traditionnellement, le mode « pédale unique » se montre le plus efficace et confortable en ville et/ou dans les bouchons, sur des périodes courtes, la tension permanente sur la cheville droite pouvant finir par s'avérer fatigante. L'utilisation des palettes prend, elle, tout son sens en dehors des limites urbaines, où on retrouve le côté très ludique d'une telle conduite. Le jeu, auquel on se prend très vite, est alors d'anticiper au maximum pour freiner le moins possible, ce qui se marie extrêmement bien avec le comportement de kart de la Honda e. Seul grief : au niveau 1, on est malheureusement loin d'une véritable roue libre comme on sait l'offrir chez Hyundai/Kia ou Volkswagen, ce qui est pourtant la clé pour diminuer au maximum la consommation.
Et puisque nous en sommes à ce chapitre, terminons par un bilan sur l'autonomie. Au terme de notre essai sur un parcours parfaitement mixte mélangeant ville, route et autoroute et durant lequel nous avons testé accélérations et tenue de route sans donc aucune volonté d'écoconduite, nous avons terminé avec une consommation de 16,3 kWh/100 km ce qui, avec une batterie d'une capacité utile de 35,5 kWh, aboutit théoriquement à une autonomie réelle approchant les 220 km, c’est-à-dire à peine supérieure à la norme WLTP avec les jantes de 17 pouces. Ce chiffre peut être considéré comme une base de départ pour un amateur d'éco-conduite, qui semble parfaitement adapté à l'utilisation urbaine à laquelle Honda la destine mais qui est très inférieure aux plus de 300 km que peuvent offrir une Peugeot e-208 ou une Renault Zoé ZE50 R135 bénéficiant de plus grosses batteries. On peut d'ailleurs regretter l'absence d'un mode éco qui aurait apporté un peu plus de polyvalence en permettant de gratter quelques kilomètres sur les trajets plus longs.
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