2. Essai - Yamaha MT-09 mod. 2021 : le 3 pour tous
Prendre le guidon de cette nouvelle MT-09 est un moment particulier. Si elle porte toujours le même nom, elle porte surtout de nombreux espoirs de « mieux ». Mieux chaussée, elle l’est, grâce à ses Bridgestone S22. Mieux suspendue, cela n’a pas été directement dit, mais les éléments avant et arrière ont de nouvelles caractéristiques et affichent de nouvelles ambitions, plus sportives et plus rigoureuses. Reste à choisir avec quel D-Mode (mode de conduite) commencer l’essai. Le 1.
Mode ? Le 1 également. Histoire de voir. Quoi qu’il arrive nous ne pourrons tout tester aujourd’hui tant il existe de possibilités. Aussi avons-nous opté pour un essai de la pertinence des assistances en leur laissant une part d’intervention, aussi minime soit-elle. Surtout sur le terrain de jeu qui s’annonce une fois que nous serons sortis de cette drôle de planète Mars’.
Le D-Mode 1 est agressif, nerveux, presque trop pour une évolution sereine en agglomération, et la poignée laisse une faible course avant que puissance et couple ne débarquent de manière vive. Cela peut se montrer d’autant plus gênant que le rayon de braquage est trop grand pour un roadster routier, privant d’une agilité pourtant revendiquée par la moto et normalement favorisée par son poids réduit, son empattement court et sa géométrie assez fermée. Plus sportive dans sa définition, donc, la MT-09 surprend déjà, et ce n’est pas fini !
Ce moteur est un régal. Une pure réussite. Cela commence par une sonorité typique de son architecture moteur, faite de rondeur, d’une douceur feutrée et d’un certain miaulement rauque et limite métallique apparaissant à mesure que les tr/min montent. Surtout, cette sonorité s’accompagne d’une résonance dans l’admission d’air, juste devant soi. Bon effet garanti, sans excès sonore. Un bon signe pour les longues échappées. Mieux encore, cette mélopée progressive reflète le comportement moteur en ville.
Force et douceur, progressivité des réactions si l’on se montre doux sur les gaz, on enroule sur le 6e rapport aux allures urbaines, juste au-dessus des 40 km/h, tout en bénéficiant de bonnes relances et même d’une accélération patente. Au-dessus de 2 000 tr/min et de 20 km/h, il est possible de faire usage du shifter up&down implémenté d’origine et de régler une plage de clignotement pour le rappel visuel de passage de rapport supérieur (shift light) afin d'opter pour le régime auquel on trouve le plus judicieux de l'actionner. De quoi passer les vitesses presque en douceur, une fois le coup de cheville trouvé. Reste la solution de l'embrayage assisté et revu, offrant une sensibilité très agréable, même si la plage de glissement demeure très limitée sur l'ensemble de la course du levier. Un levier non réglable en écartement, qui doit donc s'en remettre au mode de conduite pour adoucir les réactions. Et cela fonctionne !
Là, en ville, on opte volontiers pour le D-Mode 2 ou 3, le 4 se montrant résolument « mou » à la réponse et à réserver aux conditions précaires et aux mauvais jours. On profite alors d’un bon niveau de réactivité sans les réactions brusques du D-Mode 1. Ce mode, on le réserve à la route et au jeu dont on découvre à présent les règles dans l'arrière-pays marseillais et aixois. Entre Cassis et la Ciotat, sur la route des Crêtes, le terrain de jeu se montre idéal pour la nouvelle MT-09. Du moins pour son moteur. Énergique, très nerveux tout en restant sous la férule d’une main droite déterminée à le canaliser, le CP3 joue le turbulent, le trublion.
Loin d’être vantard, il arrache. Tout simplement. On sent la gomme du pneu arrière de 180 se crisper, se cramponner au bitume et motrice savamment, tandis que le train avant n’a de cesse de s’alléger, d’accompagner le mouvement des épaules, des bras, des mains. Pour autant, tout reste facile, mesuré, pour ne pas dire millimétré. On pose et repose dans la foulée, tout en ayant pris son virage, même en l’air, négocié sa courbe, même avec peu de surface de gomme au sol.
On ressort des épingles en faisant riper le pneu arrière, en le calant pour qu’il nous catapulte dans le suivant en délestant l’avant, mais toujours avec maîtrise et un excellent transfert de masse. Et ainsi de suite. Un jeu ? Un vrai ! Un de ceux qui ne sont dangereux que si l’on oublie l’essentiel : c’est nous qui dosons le risque, fixons les limites : la moto peut effectivement encaisser, mais jusqu’à un certain point seulement. Un point au-delà duquel elle réclamera soit une mise au point, soit de passer à une version plus adaptée (au hasard, la SP). Et ce n’est pas tout.
La précision de la MT-09 est impressionnante. Légère, elle se montre bien moins physique que précédemment, notamment grâce à la forme de son nouveau guidon, mais aussi grâce à son poids contenu et à son cadre revu. Agile, elle le devient. Précise, elle le reste, même avec un empattement court. Même si les suspensions manifestent un comportement curieux, on conserve la trajectoire voulue, quitte à subir quelques mouvements succincts. En effet, à la pression pneumatique recommandée ou passée à 2,3 à l’avant, la fourche pioche sur l’angle, signe d’une hydraulique à assouplir, d’un réglage à trouver pour un accord parfait avec le terrain et avec les pneumatiques. Pour amenuiser le "problème", nous avons joué sur la pression en la descendant encore par rapport à la valeur fixée. Histoire de coller à un style de conduite prenant de l'angle.
Freiner sur mauvais revêtement peut mettre l’ABS en mauvaise posture et faire copieusement dribbler l’arrière malgré un bon amortissement du couple par ailleurs. Résultat ? Lorsque l’on passe un cap dans la conduite sportive, il conviendra de se méfier d’autant plus que ledit ABS n’est pas désactivable et que les suspensions et lui ne fonctionnent pas de manière optimale. Ralentir. Même si l’on n’y pense pas toujours tant on se laisse séduire par les nouvelles capacités de ma MT-09. Alors on accélère. Encore, toujours, en profitant d’une poussée allant crescendo. 110 en 1, qui tire donc assez long, 140 en 2, qui a également été rallongée et 170 en 3, près de 200 en 4… Il y a d’autant plus et d’autant mieux que tout se passe en adéquation avec un dosage précis des gaz. Reste donc une question en suspension, au sens propre comme au sens figuré.
Très agréable en ville, à basse vitesse, l’amortissement devient rapidement ferme et ne limite pas suffisamment le rebond (toujours léger) une fois que l’on aborde les portions techniques et les routes irrégulières. C’est un peu comme sur l’ancienne, mais en beaucoup plus sécurisant, en tellement plus prévisible que l’on en vient à considérer que cela fait partie de sa personnalité, avant de pouvoir toucher réellement aux réglages. La version SP de la MT-09 2021, dotée d’une fourche plus aboutie et d’un amortisseur arrière Öhlins proposant plus de réglages encore (haute et basse vitesse, entre autres), devrait naturellement corriger le tir et faire de la nouveauté Yamaha un véritable avion de chasse, un outil sur route de campagne défoncée, sans avoir besoin de talent de metteur au point affirmé. De quoi concurrencer la nouvelle Speed Triple ? La réponse très prochainement aussi, après son essai et bien entendu, un comparatif.
Les courbes s’enchaînent, s’avalent, s’effacent. Le frein moteur idéalement proportionné, permet d’enrouler sans jamais toucher aux commandes de ralentissement, se contentant d’un arrière puissant bien plus efficace sur l’angle qu’il ne l’est en ligne, où il déclenche parfois involontairement l’anti blocage. Gênant à l’attaque, surtout lorsque le répartiteur de freinage transfère dans le levier avant une partie de sa charge. Le reste du temps, c’est tout simplement excellent, bluffant d’efficacité, sans autre mot, même si une fois encore, l’ABS pourrait laisser plus de marge avant d’intervenir, surtout à l'arrière, comme nous l'avons constaté à maintes reprises. Là encore, un réglage d’amortissement pourrait améliorer les choses.
Se jouant des dévers, tandis que l’on conduit sur le fil, poignée de gaz calibrée de la bonne manière entre les doigts, on se dit que la MT-09 est restée une MT-09. Les « anciens » propriétaires ne seront pas dépaysés. Elle est simplement nettement meilleure, diablement plus efficace et tellement bien secondée par des assistances judicieuses et calibrées au mieux, qu’on se dit qu’elle aurait pu naître ainsi. Qu’elle est une Super MT. La preuve ? Jamais les « aides » ne sont intervenues à tort et toujours elles se sont déclenchées de manière discrète, imperceptible, même lorsque nous avons cherché à les faire décrocher, à les prendre à défaut lorsque nous les avons provoquées. À la manière de la MT en elle-même, elles sont beaucoup plus sereines ! Elles semblent si naturelles qu’on les oublie. Et ça, c’est un compliment. Surtout pour cette MT-09.
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