2. Essai - Kawasaki Ninja 1000 SX : l'athlète
Prendre place sur la Z1000 SX, pardon , la Ninja 1000 SX, c'est retrouver immédiatement ses marques. Depuis le temps que nous avons parcouru des kilomètres à son guidon, assez large et moins cintré que celui d'une sportive, plus haut également, au guidon de chacune de ses versions, nous nous sommes familiarisés avec elle.
De fois en fois, elle n'a eu de cesse de progresser. Tant sur le plan dynamique que sur celui de sa prestation en matière de tourisme à moto. Ce millésime marque un nouveau pas dans la GTisation du modèle. Déjà, l'assise est bel et bien plus agréable pour les fessiers délicats. Ensuite, on apprécie immédiatement la nouvelle instrumentation TFT.
On n'est pas encore au niveau de prestation de celle d'une BMW, plus grande, plus animée et plus luxueuse, mais le principe est là de faciliter l'accès aux informations. À ce titre, le commodo gauche se révèle impeccable lorsqu'il s'agit de rentrer dans les menus ou d'accéder au paramétrage d'une assistance. Attention par contre au moment de régler le niveau du KTRC, la séquence n'est pas tout à fait logique : on passe de 1, 2 à 3 puis Off, sachant que 3 est le niveau d'intervention maximal. Nous optons pour le nouveau 1 et activons le mode User afin de régler les curseurs sur le potentiel maximum de la moto, avant de chatouiller le démarreur.
Nerveuse et souple à la fois
La nouvelle sonorité nous parvenant dorénavant latéralement et du côté droit semble envelopper le casque sans jamais se montrer trop présente. Un excellent point pour une moto à vocation routière. Le son feutré ne manque pas de laisser s'échapper une certaine nervosité lorsque l'on tourne la poignée.
Nous sommes à Cordoba (Cordoue), en Espagne et plus précisément en Andalousie. En plein cœur de la ville, juste devant les murailles de la citadelle. Une ville que nous quittons par le pont permettant de savourer la vue du soleil se levant sur les maisons, de l'autre côté du Guadalkivir. L'injection nous semble plus douce sur la première plage d'utilisation du moteur, entre 1 500 et 5 000 tr/min.
On ne ressent plus d'à-coups prononcés, et tout semble filer dans l'ordre, y compris le son. La 1000 SX ronronne et son 4 cylindres pousse avec force, souplesse et bienveillance. Il est ainsi possible d'évoluer sur la 6ème et dernière vitesse, à quelque 30 km/h, le tout sans trop de fébrilité. Lissée par le rapport choisi, la nervosité du bloc n'attend qu'une occasion pour libérer la sportivité dont elle est capable. On ressent le caractère bien dominé des chevaux devenus andalous pour l'occasion.
Excellente nouvelle, l'accélération "ride by wired" semble toujours à câble, de par le ressenti de la poignée de gaz. La précision est au rendez-vous, tout comme la réactivité et une résistance bien dosée. Trois points apportant un réel agrément, essentiel sur ce type de moto. Autant encline à évoluer sur grandes routes qu'en agglomération, une bonne connexion entre la main droite et la roue arrière est essentielle. Les rapports passent sans y penser, que ce soit à la main ou au shifter, un élément résolument bien calibré pour la ville et pour la vie à bord. N'hésitez pas à vous en servir.
Notre chemin vers notre zone de test du jour nous mène tout d’abord sur les routes les plus rapides de notre essai. La bulle en position basse offre déjà une protection très agréable. Elle fend le flux d'air sans provoquer le moindre remous. Une constante lorsque l'on commence à la relever. Dès la 2ème position, on profite d'une déviation suffisante de l'air. Tandis que seule la partie pectorale du corps ressent encore l'air frais et de rares turbulences, la tête reste sereine, au sens propre comme au sens figuré.
Il peut y avoir du sport, mais pas seulement
Aux alentours de 6 000 tr/min, quelques vibrations dans le demi-guidon ou encore les repose-pieds viennent rappeler que la SX s'impatientait bien davantage par le passé, avant que ses embouts de guidon ne deviennent de véritables grenades, avant que l'on ne juge ce phénomène désagréable sur une routière. Pourtant, la Ninja 1000 SX était un roadster bien habillé avant d'être une routière. Ce n'est apparemment plus le cas : l'ambiance à bord se feutre, sans que rien ne soit perdu par ailleurs. Les fréquences cardiaques du 4 cylindres participent encore de manière discrètes à la vie à bord, renseignant sur la zone de nervosité, de reprise et présageant de ce qui va arriver.
Dans le cadre de belles accélérations permises par le contexte routier, on découvre une 1ère poussant à près de 110, avant que la 2nde ne vienne caresser les 140, et ainsi de suite, par palier régulier de 30 km/h. La coupure moteur se fait douce, tandis que l'on remarque combien il se calme dans la zone des 10 000 tr/min, avant de perdre la capacité de monter plus avant. On évolue alors vers 10 750 tr/min et le témoin ECO du tableau de bord a disparu depuis un moment, tandis que l'on remarque le clignotement du shift minder, lequel incite sur les intermédiaires à passer le rapport supérieur.
L'exercice n'a rien de déplaisant, et l'on consomme finalement assez peu, bien calé à 130 km/h et quelque 5 500 tr/min. 4,7 l/100 km environ, et une autonomie annoncée dépassant encore les 250 km. Le rythme constant sied à la Z, mais il serait dommage de lui faire des pneus plats, alors que ceux-ci, justement, sont sportifs. Tiens donc, des gommes tendres sur une voyageuse ? Est-ce une invitation ?
Deux motos en une
Même avec les valises en place, la nouveauté 2020 Kawasaki conserve son équilibre. On la sent certes un peu plus lourde de l'arrière, avec une fourche bien plus avenante que l'amortisseur arrière, légèrement plus sec, mais la 1000 reste sereine et sûre d'elle. Du haut de ses 10 ans et de son expérience, elle ne se laisse pas surprendre. Et si l'on passait en mode Ninja ? Il va cela dit falloir rester bien vigilent, nous sommes au milieu des champs d'orangers, ou le long des forêts de liège, et la route a à présent tout d'un piège pour esprit motard…
Imaginez près de 40 km de lacets sans aucun répit. Visualisez une route se tordant sous la force de votre esprit, tordant la moindre ligne droite en un enchaînement de courbes plus ou moins progressives… Ajoutez des tremplins juste avant des virages serrés, de la montée, de la descente, le tout dans un environnement boisé et sur un enrobé assez étroit et vous commencerez à visualiser ce qui se retrouve sous les roues de la Ninja 1000 SX à présent.
Dans ce contexte, autant dire que la vigilance est de mise. Et l'on remarque vite qu'il vaut mieux ne pas trop chatouiller le freinage. D'une part, la puissance des deux étriers à fixation radiale avant a tôt fait de faire danser l'arrière devenu léger sur les transferts de masse, d'autre part, l'arrière, justement, déclenche plutôt aisément l'ABS et induit de sérieux hoquets que nous n'avons pas apprécié, même s'ils n'avaient en théorie rien de dangereux. Rien que la colonne de direction ne puisse encaisser, mais une incitation à exploiter pleinement un frein moteur largement suffisant, et à user les rapports de 2, 3 et 4 ! En ville, inutile de se poser de question, on freine sans arrière-pensée en privilégiant une fois encore l'avant pour la puissance et pour sa grande neutralité. Allé, On se concentre, c'est parti.
La Ninja 1000 SX apparaît comme une moto légèrement rallongée par rapport à la très vive Z1000. Plus stable, moins extravagante ou extravertie pour ce qui est de lever instinctivement la roue avant à la moindre bosse, elle demeure très agile sans rien sacrifier à la rigueur ni au plaisir. Pour preuve la gourmandise dont elle fait preuve dans l'ultra sinueux. Elle décolle même allègrement sur les chapeaux chinois de la route, véritables triangles à sensations. Après les montagnes russes, les monts andalous. Et croyez-nous, ceux-ci n'ont rien à envier aux originaux.
Un athlète pluri disciplinaire
Dans ces conditions, le moteur révèle une montée en régime marquée par plusieurs paliers distinctifs. L'accélération n'est en effet pas linéaire, même si la force de reprise paraît constante. On observe ainsi un regain de punch vers les 4 500 tr/min, et une plage moins réactive vers les 6 000, pendant laquelle le moteur change de caractère et de sonorité en passant un cap vibratoire. Suave et coupleux puis nerveux et très réactif, il ne manque de rien, nulle part, mais l'ascension vers les sommets du compte-tours semble prendre fin prématurément après un petit essoufflement. Il semblait si vif après 8 000 tr/min, qu'on le croyait encore capable de donner. Surtout soutenu par un échappement devenu bien plus expressif.
On sent qu'il se raisonne à l'approche de la zone rouge, rappelant que s'il est sportif, il l'est à présent dans la course de fond, donc en endurance, autant que dans l'effort bref et intense. Il sait toujours piquer un sprint, il peut toujours s'envoler, mais cet athlète-là est polyvalent, ce qui implique quelques compromis à un moment donné. Alors, il est possible de le cravacher, oui. Il est possible de le pousser dans ses retranchements, aussi. Pour autant, le meilleur est ailleurs, avant que les alarmes ne clignotent dans la tête de ce sportif, donc avant que l'instrumentation et ses rappels ne s'activent.
Les assistances, vantées par Kawasaki lors de la présentation presse de la veille, officient réellement aussi bien qu'espéré. Le mode prédictif issu de savants calculs ayant pour base les informations renvoyées par les capteurs et par la centrale inertielle, apparaît comme très utile. Surtout la résolution aussi impressionnante que la discrétion du mode d'action de l'anti patinage, permettent de limiter au maximum les risques de perdre en efficacité ou en adhérence. Les différents réglages du KTRC proposent une intervention plus ou moins anticipée de contrôle de traction.
Des assistances au top
Sur le niveau 3, rien ne passe, la camisole électronique prédictive empêchant le moindre écart et brimant autant que bridant toute conduite excessive. Elle retient l'accélération jusqu'à ce que l'on ait réinscrit la moto sur le bon cap et qu'on l'ait relevée. La puissance arrive alors avec une force toute jugulée. En position 1 par contre, on ne déclenche plus inopinément le dispositif et le garde-fou semble en veille jusqu'à ce qu'on le sollicite (ou)vertement. Ou qu'on le désactive. Ce que nous n'avons pas manqué de faire afin de torturer un peu le pneu arrière.
Rien ne sera cela dit parvenu à lui faire perdre l'adhérence. Pas même les grosses accélérations plein angle sur un revêtement douteux, tantôt poussiéreux, tantôt abrasif. La formule spécifique réclamée par Kawasaki à Bridgestone fait recette. Attention donc au moment de les changer : il conviendra de commander la référence spécifique pour ne pas perdre ces marques et cette excellence. Toutefois, le temps de chauffe est à prendre en compte et le pneu à une petite tendance à se dérober sur les passages humides lors de la transition sec/mouillé. Sur le mouillé complet, Bridgestone assure avoir amélioré la composition de la gomme pour permettre de conserver toute la sérénité acquise au guidon de la Ninjan 1000 SX.
Jamais lorsque poussée dans des retranchements pourtant faciles à trouver sur ce genre de routes, la Ninja "Z" 1000 SX n'aura failli ni faibli à la tâche. Elle cultive un sentiment de profond bien être à bord, tandis que l'on bénéficie d'une partie cycle à la fois agile et bien posée au sol par des suspensions de grande qualité. Prompte à se jeter dans un virage et à se relever tout aussi rapidement, elle est en mesure de cultiver un esprit GT tout en conservant ce qui fait la facilité d'un roadster.
Avec ou sans valise, le comportement change grandement au niveau du ressenti, mais reste identique en termes d'efficacité pure. Lorsque l'on se déplace sans les appendices latéraux, la Ninja 1000 SX retrouve son tempérament et sa vigueur de roadster sans rien perdre des qualités routières ni de son confort. Le freinage n'en est que meilleur et plus agréable. Une configuration que nous aurons testée le deuxième jour de roulage, alors que la brume matinale avait envahi les plaines andalouses, inscrivant en notre mémoire de nouvelles images motardes. Celles d'une Ninja 1000 SX s'inscrivant en négatif dans l'évanescence vaporeuse d'un froid matin d'hiver, ses contours dessinés par un soleil évanoui, tandis qu'au guidon l'on se trouvait épanoui. Même sans poignées chauffantes !
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