2. Essai Ducati 1199 S Panigale 2013 : l'école du superbike !
De nos jours, acheter et rouler avec une hypersport relève presque de l'acte militant. Répression toujours plus importante, coût de l'essence, crise et difficultés économiques, cherté de la vie et j'en passe. Tout est bon pour renoncer et rendre la main.
Et même en avouant faire partie des militants des hypersports, nous voulons croire qu'une poignée "d'irréductibles" n'a pas encore renoncé à tomber dans le « raisonnable ennuyeux ». En clair, abdiquer à nos vraies passions et à nos vraies valeurs. Alors rouler avec une moto qui développe 195 ch dans le monde libre, et 18 999€ en entrée de gamme, oui c'est un acte qui pourrait paraître totalement déraisonnable et passionnel. Mais dieu que c'est bon et que la vie est courte pour ne pas en profiter !
Une « 1199 », qu'on le veuille ou pas, ça s'appréhende la première fois avec un mélange de fascination sensuelle, et beaucoup de respect quand on se rappelle les caractéristiques techniques de la « bomba latina » : 195 ch, 13,5 mKg pour un poids de 164 kilos à sec.
Et si on a encore des restes de modestie, on peut même éprouver de la crainte. Parce que draguer l'équivalent de Monica Bellucci sur deux roues, ça demande un peu d'assurance tout de même…..
Et Miss 1199 suspend le temps lorsqu'on s'attarde sur ses lignes. Incroyablement finie et aérienne, son gabarit est plus proche d'une 600 que d'un twin de 1200cm3. Hormis la mention 1199, je mets au défi n'importe quel quidam de deviner la cylindrée de cette magnifique sveltesse. Le design italien dans sa quintessence la plus complète, le dessin de la coque arrière résumant à lui seul cette alliance de compacité, finesse, et raffinement tendu.
Et c'est là toute la magie de Ducati - à l'inverse des Japonais - d'arriver à nous concocter des divinités sur roues presqu'inaccessibles, assagies par rapport aux symboles fondateurs de la marque, mais avec toujours ce zest de caractériel (malgré les électroniques embarquées) au point qu'elles restent encore totalement envoutantes.
Et la révolution est en marche chez Ducati. car, même si la maison de Bologne a conservé le bicylindre ouvert à 90° avec son système de rappel des soupapes - desmodromique -, tout le reste est révolutionnaire. Le cadre coque en aluminium, le moteur autoporteur, avec la disparition de tous les codes visuels de chez Ducati, plus de cadre tubulaire, un cul tendu vers le ciel sans les pots des mythiques 916 en passant par les dernières 1198, et pourtant quel dessin ! Il n y'a pas eu un seul moment, où on ne s'est pas arrêté pour contempler cette sculpturale sprinteuse lors de cet essai. Effet visuel garanti.
En plus de cette révolution technique et culturelle, Ducati a réussi le tour de force de civiliser « en surface » cette 1199. Haute de 825 mm, la Panigale en termes de position et d'ergonomie est bien plus confortable qu'une 1198 voire qu'une MV Agusta même dernière génération. La selle est plus basse que sur la 1198, sa finesse d'entrejambe étant tout simplement incroyable. Les poignets ne sont pas exagérément cassés. Les guidons positionnés beaucoup plus proches du buste vous donneront l'impression d'être sur la colonne de direction. Cette hypersport saura vous accueillir au mieux et on se rapproche sur ce point plus des standards japonais en terme d'assise et de prise en main que des références italiennes classiques. L'amortisseur arrière en position latérale ne vous gênera qu'à l'arrière de la cuisse et à l'arrêt. Par contre, au roulage tout se fait oublier.
Au final, tout a été redimensionné et pensé pour permettre une plus grande liberté de mouvement.
La mise sous tension dévoile un incroyable tableau de bord « TFT » qui permet de paramétrer l'intégralité de la moto, du moteur aux suspensions, en passant par les freins ou le contrôle de traction. Tout un univers qu'il faut intégrer mais au final instinctif via le commodo gauche qui vous permet de naviguer entre données à afficher sur l'écran, mode « Race », « Sport » ou « Wet » et l'ensemble des "settings" de suspension.
"Mesdames et messieurs, bienvenue à bord du Mig 29 Fulcrum", La Panigale donne en effet le ton dans l'arsenal non conventionnel :
- le DRM, qui permet de choisir sa cartographie d'injection : un mode « Race » full power avec une arrivée musclée de la puissance, un mode « Sport » toujours en full power mais une distribution plus progressive des chevaux, et un mode « Wet » pluie qui plafonne à 120 chevaux. L'ensemble de ces modes étant paramétrables à votre guise via le commodo gauche. - Ensuite, un shifter « DQS » pour passer les rapports à la volée
- l'EBS (Engine brake system) permettant la gestion du frein moteur paramétrable
- le contrôle de traction DTC ajustable sur 8 positions
Contact !.
« Nondeudiou comme dirait l'autre !!! C'est homologué ce bruit ? »
Vous êtes immédiatement submergé par la sonorité rauque d'une Superbike. Même dans ce domaine, la Panigale fait fort. Sans même enclencher la 1ère qu'on s'imagine déjà la tête de ses voisins au moment de rentrer la moto dans le garage vers deux heures du mat dans la périphérie endormie…… pas sûr de sortir vivant d'une telle expérience.
Mais mazette quelle sonorité !
A basse vitesse, et dans le trafic , la Ducati offre une grande neutralité et exige beaucoup moins d'efforts que les modèles précédents. C'est le grand progrès par rapport aux « anciennes » qui dans ce type d'exercice urbain demandaient bien plus d'engagement physique.
Mais les défauts de la diva apparaissent rapidement dans cette aire de jeu :
- Les deux vis du nouveau pare chaleur de l'édition 2013 qui se fixe sur la culasse, chauffent exagérément et vous brulent l'intérieur du genou droit. Donc oubliez le pantalon de toile pour faire le beau à la terrasse du café, et optez obligatoirement pour un truc costaud sous peine de devoir écarter le genou en roulant.
- à la longue, vous noterez aussi des remontées de chaleur non négligeables, sans doute agréables en hiver, mais à la longue, vous colleront tous vos organes au fond du pantalon, le tout devenant vite pénible dans les bouchons notamment.
- Le moteur - aux abonnés absent en dessous de 2500 trs/min - a malgré tout gagné en facilité et en souplesse avec la nouvelle cartographie 2013. La transmission finale plus courte avec une nouvelle couronne de 39 au lieu des 41 offre quant à elle plus de réactivité à bas régime.
- enfin, les repose-pieds offrent une adhérence parfois un peu limite qui peuvent causer des glissements de bottes lors de certaines manœuvres.
Mais c'est une superbike ne l'oublions pas.
Son vrai terrain de jeu c'est le sinueux, le rapide. Et justement sur les voies rapides qui vous extirpent de Paris, la protection donnée par ce tout petit gabarit est vraiment excellente, puisqu'aucun flux ne vient réellement perturber le mode « cruising » entre 110/130 kmh. La boite de vitesses est d'une très grande rigueur. On sent que ça se verrouille parfois avec un « klonc » caractéristique. L'utilisation du DQS « Ducati Quick shifter » est royale. Et monter à la volée les vitesses devient une drogue juste limitée par votre gros cœur et les performances ahurissantes de la moto.
Ensorcelante, elle vous prendra par les tripes, et vous les tordra tant les sensations à son bord sont exacerbées et uniques. On ne ressort pas indemne d'une telle relation. Hyperperformante, hyper sophistiquée mais aussi très physique dans le rapide. Elle demande un gros cœur et une concentration de tous les instants ne pas se laisser déborder par sa puissance et sa vivacité. La plage de puissance du Superquadro est plus conventionnelle que les anciens Desmo de la marque, presque semblable à celle d'un quatre cylindres en ligne tant les montées en régime sont rapides. Le Superquadro répond de façon optimale jusqu'à 8.000 tours.minute en version 100ch. Et pour les habitués des générations précédentes, vous devrez nécessairement modifier votre approche initiale pour mieux appréhender ce moteur.
De même pour la partie cycle, très vive et réactive. La rigidité de l'ensemble, son empattement très court troubleront au début les sensations et analyses. La moindre coupure d'accélération en pleine charge avec un Engine Brake System à réapprendre, le moindre raccord sur l'angle vous donneront une sensation de désunion ou de trop grande réactivité. Mais une fois passé le cap, vous vous direz que finalement vous pouviez passer bien plus vite…. Cette moto vous tient en respect car ce sont vos compétences de pilotes et elles seules qui vous montreront les limites de l'exercice. Là où des ZX10R ou CBR 1000 RR paraissent d'emblée plus homogènes et plus faciles. Mais aussi plus fades. Qui plus est, la multiplicité des settings de suspension pour tenter d'améliorer la stabilité en courbe sur route dégradée, demandera plus de temps pour trouver le parfait compromis propre à chacun.
Car au final, ce sont plus des sensations à réapprendre, le feeling de pilotage étant modifié ce qui me fait dire que les pistards habitués à d'autres standards auront peut être du mal à aller "vite rapidement". Mais une fois trouvé le sésame, quelle arme ! Car aller très vite à son bord, même en version 100ch demandera un peu plus de temps, les sensations d'appréhension étant réellement différentes. Ce Superquadro envoie du gros et du lourd. Au regard de la production des hypersports actuelles, cette 1199 est une expérience unique.
L'avant est d'une précision chirurgicale. ça va là où l'on regarde. On est très vite envoûté, difficile de garder son sang froid. Les voitures deviennent en 400 mètres des chicanes immobiles. Les écarts de vitesse deviennent vite importants. Trop importants……
Heureusement, le freinage reste exceptionnel. Ultra puissant. Il est sans faille. L'attaque à la prise de frein est un peu violente mais l'ABS veillant au grain, seule la limite d'adhérence des Pirelli SuperCorsa SP pourrait troubler le jeu. Et sur le sec, j'en doute. Il était difficile d'améliorer le package de freinage de la 1198, référence en la matière. Et bien, la 1199 fait encore mieux. Avec les nouveaux étriers M50 monobloc, non seulement ces étriers sont plus légers, mais permettent d'offrir de puissance et de feeling. Après avoir durci le setting d'origine de la fourche, les sensations de freinage sont hallucinantes. L'ABS sécurisant le tout, vous vous sortirez les yeux de la tête sur les gros freinages, pour placer la moto au millimètre en entrée de courbe.
Tout cela magnifié par un package électronique de très haut niveau réussissant à augmenter la stabilité du châssis au rétrogradage, en continuant à alimenter d'une petite quantité de carburant dans le moteur. Pas besoin de relancer exagérément le moteur à l'entrée du virage, l'EBS veille.
Autre exemple et sous une pluie battante - et j'en ai eu mon lot - l'essai a permis de démontrer l'efficacité du Traction Control dans ces conditions. En mode « wet », pleine charge dans une grande parabolique à gauche, l'arrière imprime une sorte d'infime oscillation régulière qui montre tout le travail de l'électronique embarquée. Sans cette assistante, aidé par le dessin inadapté des Pirelli dans ces conditions, il est clair que j'aurais été satellisé sur Mars.
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