2. Essai Aprilia Tuono V4 APRC 2014 : Sans maîtrise, la puissance n'est rien
Autant vous le dire de suite, peu de machines vous procure une intensité comme cette Tuono !
Ce V4 est absolument sublime. Capable de reprendre dès 2000 trs/minute sur le 4ème rapport, il vous distille sa puissance avec un couple et surtout une sonorité absolument démentielle. Là où les japonais vous fabriquent des machines extrêmement homogènes, faciles et d'une très grande linéarité moteur du moins pour leur 4 cylindres en ligne, les italiens arrivent à créer des engins qui à chaque accélération ou décélération vous font littéralement dresser les poils des avant bras.
Totalement envoutant.
Pourtant à première vue pour le quidam lambda, la Tuono cache plutôt bien son jeu. Rien de tonitruant sous cette robe noir très discrète. Plutot banal même. Alors bien sûr, il y a ceux qui seront interloqués par cette face avant si particulière qui rappelle un insecte ou un frelon et puis il y a les autres qui à travers sa finesse, sa compacité, et ses lignes, reconnaitront le monstrueux V4 de Noale avant même de l'entendre gronder.
Alors qu'est ce qui change pour 2014 ?
Aprilia nous indique que la Tuono 2014 se veut plus rapide, plus confortable, plus facile et plus sure !
Plus rapide : Avec désormais 170 ch (106ch, 78Kw en France) à 11.500 tr / min et 111,5 Nm à 9.500 tr / min (soit 14ch de moins que sa grande sœur RSV4), le V4 affiche 3 chevaux supplémentaire par rapport à la version 2012 mais surtout disponibles 500 tours plus tôt grâce au nouveau schéma de distribution, et des cornets d'admission modifiés de 20 mm. Les ingénieurs ont travaillé sur la réduction des frottements internes, et redessiné la ligne d'échappement. Les trois premiers rapports de boîte ont encore été rapprochés. Et le tout est désormais géré de série par une nouvelle version de l'APRC.
Le modèle 2014 intègre en effet un APRC encore amélioré (l'Aprilia Performance Ride Control) de deuxième génération « 2.0 ». Ne confondez pas, on ne parle de web 2.0…. mais bien d'un ride control. Outre ce détail marketing, Aprilia fait évoluer son système qui comprend le contrôle de traction (ATC) réglable sur 8 niveaux, le contrôle de wheeling (AWC) réglable sur 3 settings, le Launch Control, pour le circuit, divisé lui aussi en 3 settings et le shifter (AQS) pour passer les vitesses sans débrayer. L'ensemble de ces paramètres restent réglables séparément via deux mini palettes, à gauche sur le guidon.
Plus confortable aussi : Si l'esthétique reste inchangée avec ce même tète de fourche très contesté, le confort aurait été privilégié avec un réservoir de carburant de 18,5 litres (au lieu des 17 de la version précédente), avec un profil différent, le dessin étant plus étroit dans la zone inférieure pour améliorer les sensations tant dans les virages que lors des freinages. Mais la véritable évolution provient d'une selle désormais rembourrée, sensée améliorer le confort de roulage.
La partie cycle se paufine, tout en restant inchangée avec un nouveau train avant, puisqu'Aprilia y pose une nouvelle fourche inversée Sachs de 43 mm, à réservoir séparé, réglable en précontrainte pour les deux tubes.
Globalement, la finition apparait excellente et aucun reproche n'a été relevé lors de cet essai longue durée.
Avant même la mise en route, il convient de se remémorer sur cette moto immatriculée en Italie et qui affiche fièrement ses 170ch, que même si pour 2014 la tuono perd sa suprématie face à la nouvelle KTM 1290 et ses 180 ch annoncés, elle reste un des roadsters les plus « velus » du marché et l'un des plus avancés technologiquement parlant ; le tout nouveau roadster de chez BMW, n'afficherait « que » 160 ch dans le monde libre.
Côté ergonomie, l'Aprilia vous positionne haut perché (840 mm) très prés de la colonne de direction. Les pilotes de moins d'un mètre soixante-quinze ne pourront pas poser les pieds des deux côtés, même si la moto reste tout de même étroite. Elle se montre contraignante du fait d'un rayon de braquage démesuré sur les demi-tours et manœuvres à l'arrêt. Les bras sont légèrement écartés, avec finalement peu d'appui sur les poignets. Les repose-pieds sont haut perchés et reculés, comme sur la RSV4. La légèreté générale, associée à la compacité et au large guidon offrent un bras de levier important et permettent de prendre main la Tuono rapidement et facilement.
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Le V4 ne s'ébranle pas. Ne ronronne pas. Non, il aboie littéralement même au ralenti.
Alors oui, l'Aprilia Tuono V4R APRC pourra faire sans problème, une excellente machine au quotidien. Mais pas longtemps ou alors parce que vous êtes rincés par une semaine de boulot. Je mets au défi l'un d'entre nous de ne pas profiter de la puissance démentielle du V4 et de sa sonorité. La Tuono V4R APRC, c'est de prime abord un moteur incroyable. Une symphonie de 4 cylindres en V majeur ! Là où une 1199 vous casse à la longue les oreilles, le V4 arrive à distiller dès 5000 trs des vocalises incroyables. Et dès que l'espace s'élargit, rien que pour cette raison, vous ne pourrez pas vous empêcher d'envoyer du lourd.
Au point que la Tuono en devient rapidement une moto d'expert avisé.
Si effectivement sous les 6 000 tours, le V4 reste parfaitement apprivoisable, une fois passé cette étape, la puissance vous arrive pleine poire, la sonorité change… devenant plus rauque, « superbikesque » et franchement plus virile… indiquant que les choses sérieuses commencent. Car la puissance n'est pas délivrée comme un 4 en ligne japonais de façon linéaire et ultra gérable, en mode Track, elle déboule comme un sauvage, vous tort les mains et les poignets désespérément accrochés au grand guidon. Féroce, redoutable et inexploitable pour le néophyte. Cette moto ne se contentera pas d'un pilotage bucolique et décontracté.
Niveau amortissement, et après avoir goûté au package complet de l‘Aprilia Caponord, on aurait, par pur caprice, souhaité voir ce système appliqué en la matière, mais les Sachs, font un excellent boulot, gommant efficacement les imperfections de la route tout en permettant de jouer avec les nombreux réglages disponibles (précontrainte ressort, compression et détente).
Le freinage, lui non plus, ne soulève aucun reproche. Peut être un très léger manque de mordant en dynamique et j'aurais aimé y voir les derniers étriers monoblocs M430 au lieu et place des actuels M432. Mais là aussi, on frise le caprice perfectionniste. Le nouvel ABS Bosch 9MP atteint quant à lui la perfection et reste « LA » valeur ajoutée de ces nouvelles technologies embarquées. Pour information, les 500 kms effectués lors de cet essai, ne l'ont été que sous des pluies diluviennes, routes détrempées à des températures n'excédant pas les 8 degrés.
En cela, nous en venons au point le plus critiquable - mais pas le moins subjectif - de cette Tuono, les Pirelli Corsa Rosso II sont la pluie - comme la plupart des pneus hypersport en gomme tendre – bien plus « piégeux » que les gommes dures. En ce mois de novembre, pluvieux et froid, il a été réellement difficile de pouvoir mettre les Pirelli en température, occasionnant des glisses tant de l'avant en entrée de virage, que de larges virgules de l'arrière même contenues par un ATC réglé sur 5. Fastidieux.
Et parce que le V4 distille avec un couple et une allonge ses watts à la façon d'une superbike, il ne faut jamais oublier qu'en usage routier, et même si l'APRC veille, celui-ci ne freinera pas à votre place à l'entrée des courbes. Positionné à 4 sur l'ATC, 1 sur l'AWC, mode S ou R, chaque ré-accélération distille son lot de sensations, la puissance même contenue avec précision, n'empêche pas de sévères virgules sur des raccords ou autres dégradations de bitume, et rappelons l'humilité nécessaire à la moto, n'est pas pilote d'usine qui veut, même assisté d'un APRC réglé aux petits oignons.
Autre système pousse au crime, le shifter (AQS), qui vous permet, gaz en grand, de passer à la volée les vitesses. Ici, le V4 change même de registre, ce n'est une moto qui roule, on frise la sonorité d'un B25 au décollage. Une fois apprivoisé, ce shifter est magique, on ne s'en passe plus. Vous pourrez ainsi passer, pleine charge, chaque rapport et je vous mets au défi de ne pas vous extasier à chaque rapport passé. Par contre, la boite de vitesses a montré sur notre modèle d'essai de 800 km, un point mort quasi impossible à trouver. De 1 à 2, je n'ai jamais réussi et de 2 à 1 de temps en temps.
Autre point et non des moindres, la consommation de la bête s'est située en moyenne à 9,4 L/100… d'où l'intérêt d'un réservoir qui permet désormais 18.5 l au lieu des 17 litres précédents permettant en substance de passer de 140 bornes d'autonomie à 200 kms … Bon en même temps, dans l'absolu, un V4, ça tête sévère quand même.
Enfin, niveau praticité, oubliez tout. Rangement néant, même le clignotant qui s'éteint automatiquement au bout d'une minute en cas d'oubli devient galère en cas de remontée de files où un warning, ou un mode clignotant perpétuel serait quand même les bienvenus.
Idem pour la protection, nulle passé les 130 km/h, avec des bras qui s'allongent, des vertèbres qui se tassent, une visière qui vous écrase copieusement le nez, tout cela vous poussera nécessairement à vous interroger sur le concept "naked bike" et la nécessité d'un vrai carénage..... Toujours le bienvenu à des vitesses totalement illégales......
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