Quand Edouard Philippe se faisait flasher à 150 (et autres contradictions politiques)
En plein psychodrame sur les limitations de vitesse à 80 km/h sur le réseau national, Caradisiac revient sur diverses prises de positions pas toujours très cohérentes de nos responsables politiques.
Sur un million de kilomètres de routes bidirectionnelles sans séparateur central que compte le réseau routier national, 400 000 sont concernés par la réduction de vitesse de 90 à 80 km/h qui se profile, et que soutient le Premier ministre Edouard Philippe. Oui, le même qui en 2015 s’était fait flasher à 155 km/h (vitesse retenue 150 km/h) au lieu de 110 sur l'autoroute A13 alors qu’il circulait entre Le Havre (dont il était le maire) et Paris à bord d’une voiture de la municipalité.
L’homme avait à l’époque officialisé lui-même l’information à travers un communiqué que nous ne résistons pas au plaisir de reproduire ici en quasi-intégralité "Conformément à la législation en vigueur relative aux excès de vitesse compris entre 40 et 50 km/h au-dessus de la limite autorisée, et aucune autre infraction au code de la route n'ayant été constatée, mon permis de conduire a été suspendu pour une durée de 72 heures. La gendarmerie nationale m'a également informé de ce que cette infraction impliquera une amende forfaitaire, un retrait de 4 points sur mon permis, une mesure de suspension administrative de ce permis et une mesure complémentaire qui fera l'objet d'une décision du tribunal de police. Cette infraction est regrettable. Si je choisis de la rendre publique, c'est que nos concitoyens attendent légitimement de leurs élus l'exemplarité et que je suis convaincu, par ailleurs, de la nécessité d'être ferme en matière de sécurité routière".
Pour savoureux qu’il soit et sincère qu’il apparaisse, ce mea culpa illustre cette forme de schizophrénie des politiques qui, bien qu’ils s’en défendent, sont souvent accros à la vitesse et à leurs chères voitures.
L’exemple le plus récent concerne notre ministre de l’écologie Nicolas Hulot, dont on aura appris le week-end dernier qu’il possédait un vaste parc automobile, et pas toujours des véhicules très vertueux. S’il n’y a rien à redire sur sa BMW i3, on sourit en découvrant que l’homme déclare notamment posséder une Citroën 2CV, un Land Rover de 1998 (un hommage au Range Rover V8 qu’il aura utilisé pour courir le Paris-Dakar en 1980 ?), ainsi qu’un Peugeot Boxer de 1998. Des véhicules qui seraient interdits de circulation à Paris, dont la maire Anne Hidalgo a elle aussi déclaré la guerre à l’automobile. Enfin, ça, c’était avant la grande enquête de Caradisiac montrant que l’édile se déplaçait exclusivement en voiture alors qu’elle prônait les transports en commun.
Dans un registre similaire, on se souvient du député-maire écolo de Bègles Noël Mamère, qui roulait à vélo à Paris et qui dans sa circonscription bordelaise circulait à bord d’une Peugeot 406 V6, soit le moteur le plus glouton de la production française des vingt dernières années…
Le « faites ce que je dis… » s’observe aussi côté radars, avec notamment ce « coup » réalisé par Auto Plus en novembre 2003 : l’hebdomadaire avait immortalisé le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy en plein excès de vitesse sur la RN20 alors qu’il se rendait à l’inauguration du tout premier radar automatique.
Des radars automatiques dont le déploiement aura été fortement porté par la volonté de Jacques Chirac, qui n’aura pas toujours été un véritable chantre de la sécurité routière, comme en témoigne ce discours prononcé en 1981 : « lorsque je vois avec quelle fureur parfois on traque l’automobiliste au lieu de traquer les gangsters, en mettant les forces de l'ordre sur les routes et les autoroutes pour verbaliser, avec un matériel moderne, et ceci pour empêcher que les gens aillent au-delà de 120 ou 130 km/h… Et bien je dis qu’on ferait mieux d’utiliser ces forces et ces moyens à renforcer ce qui est indispensable, la sécurité dans les grandes villes et les campagnes. Et de laisser tranquille ce malheureux automobiliste, qui est le support d’une industrie qui par ailleurs va mal et que l’on aurait bien raison d’encourager. »
Quel homme politique assumerait aujourd’hui de tels propos ? Aucun, évidemment. L’honnêteté oblige toutefois à rappeler qu’on déplorait en 1980 près de 14 000 morts sur nos routes chaque année, contre moins de 3500 l’an dernier…dont 1911 sur ces routes nationales où l’on circulera bientôt à 80 km/h. Et parce qu'il n'y a rien de plus têtu que la réalité statistique selon laquelle l'augmentation du nombre de radars s'est accompagné de la baisse du nombre de victimes sur la route, on n'échappera pas au tour de vis sécuritaire qui se profile. Ce qui n'empêchera pas d'être vigilant concernant le personnel politique, dont on continue d'espérer des actes en accord avec les paroles. Un jour, peut-être...
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