Caradisiac en confinement - Pierre Desjardins : "L'automobile au point mort"
Comment faire son travail de journaliste automobile mais aussi maintenir sa passion pour la voiture en période de confinement et donc sans pouvoir s'approcher physiquement de notre centre d'intérêt professionnel et récréatif ? C'est le défi qui m'est maintenant lancé depuis 25 jours et pour lequel j'ai trouvé quelques échappatoires.
On le pressentait depuis déjà plusieurs jours. On le redoutait pour des raisons professionnelles comme on l'espérait pour des raisons de sécurité personnelle et, finalement, le couperet est tombé le 28 février. Pour cause de pandémie mondiale, excusez du peu, il n'y aura pas de Salon de Genève en 2020. Et ce n'est pas n'importe quel rendez-vous, c'est celui qui, normalement et contrairement à ceux de Francfort et de Paris qui se succèdent (succédaient donc) en alternance, rythme la vie du journaliste automobile année après année. Ce sera donc la première fois depuis 2008 que je ne serai pas en Suisse en ce début du mois de mars, mais l'agenda des événements et présentations ne change pas pour autant : si tu ne vas pas à la grand-messe helvète, c'est elle qui viendra à toi.
Peugeot remporte ainsi en streaming mais à huis clos son troisième titre de voiture de l'année en dix ans avec la 208 et les constructeurs rivalisent d'imagination pour dévoiler les nouveautés prévues initialement, dont certaines historiques, comme chez Renault et la gamme E-tech hybride pour la Clio (qui aurait, sans aucun doute, remporté le titre très convoité de mon coup de cœur du salon et que je trépigne d'impatience d'essayer) et hybride rechargeable pour les Captur et Mégane. Bref, il y a de quoi s'occuper, le clavier comme l'esprit : les essais sont alors maintenus et les parcs presse sont toujours ouverts, ce qui permet de maintenir nos projets de comparatifs.
Et puis le téléphone commence à sonner de façon frénétique. D'abord Seat, qui annule les essais internationaux de la Leon à Barcelone après m'avoir appâté avec les présentations statiques de ses versions civiles et sportives sous le blason Cupra, puis Audi, qui renonce à nous donner pour la première fois le volant de la nouvelle génération d'A3. Enfin, alors que le COVID-19 étend son emprise sur le globe et ouvre une succursale dans l'Hexagone, provoquant les premières mesures de confinement, c'est au tour des responsables des parcs presse d'annuler les prêts. J'aurais par exemple dû rendre aujourd'hui une Toyota Corolla GR Sport et une Mazda 3 SkyActiv-X, que je rêvais depuis longtemps de confronter après les avoir essayées séparément il y a quelques mois, et prendre en échange avec un peu moins d'enthousiasme, je l'avoue, une Renault Clio SCe 75 pour une semaine.
Il faudra malheureusement encore attendre un peu pour voir ce comparatif Toyota Corolla GR Sport contre Mazda 3 SkyActiv-X.
Enfin, toutes les boîtes de la rédaction de Caradisiac sonnent à l'unisson en recevant un mail identique. Veuillez s'il vous plaît vous munir de vos effets personnels ainsi que de votre ordinateur portable et de vos smartphones de fonction, rejoindre l'issue la plus proche et aller continuer d'assurer vos fonctions journalistiques depuis vos foyers, merci bien et à bientôt. Nous voilà donc en télétravail pour mettre la dernière main au reliquat d'essais et continuer la couverture de l'actualité de la planète automobile, qui, elle, ne s'arrête jamais, personnellement depuis mon canapé, calé entre mes chats ravis d'avoir étendu leur forfait câlins et grattouilles normalement seulement soir et week-end.
Mais journaliste automobile n'est pas qu'un métier, c'est aussi une passion. Et, alors que nous sommes dans la quatrième semaine de confinement, comment la vivre sans sortir de chez soi ? C'est compliqué. D'abord, parce que la case « aller rendre visite à ma voiture pour poser une main tremblante sur son capot désespérément froid » manque cruellement sur l'attestation de déplacement dérogatoire car le box de mon automobile, à laquelle je porte une affection démesurée, se trouve dans l'immeuble en face de celui où j'habite. Et puis à quoi bon ? C'est un véhicule qui me sert exclusivement pour des loisirs désormais en suspens et je suis déjà suffisamment frustré par le temps radieux de ces derniers jours et le périphérique totalement vide, comme aime à me le rappeler jour après jour le vert éclatant des cartes de Sytadin, une combinaison qui me permettrait de battre tous les records d'autonomie dans une nouvelle saison du « Périph jusqu'à la panne ».
Avec une courbe du trafic parisien se confondant avec l'axe des abscisses, des records d'autonomie auraient pu être battus sur le périphérique.
Ma traditionnelle revue quotidienne et personnelle des petites annonces automobiles françaises et européennes me permet habituellement, tel un enfant faisant sa liste de Noël, de compléter virtuellement mon garage de rêve en envisageant, pendant quelques secondes à quelques heures, de devenir propriétaire d'un nouvel engin obscur présentant pourtant la majorité des défauts que la totalité des guides d'achat intimeraient l'ordre d'éviter soigneusement. Mais cette occupation a aussi du plomb dans l'aile, tant leur nombre se réduit. On en vient à revoir drastiquement ses ambitions à la baisse et on se retrouve, après avoir salivé devant une Alpina B10 biturbo rutilante ou une splendide Honda Insight de première génération, à s'extasier devant une Fiat Panda rouillée de 1988, et même pas une 4x4 Val d'Isère.
Faute de grives volant à 300 km/h, on mange des merles (oui, avec un L).
Heureusement, internet offre suffisamment de possibilités d'étancher sa soif automobile depuis son salon : béni soit Youtube qui permet non seulement de regarder les dernières vidéos de Caradisiac mais aussi les premières tournées il y a plus de 15 ans pour se rendre compte des progrès (ou non) que nous avons faits. J'ai aussi précisément 474 abonnements à des chaînes diverses et variées et bien souvent nostalgiques, allant des féroces confrontations sur circuit de Best Motoring aux essais rétro de MotorWeek avec la voix suave de John H. Davis. Et c'est sans compter Netflix qui présente de nombreux programmes de qualité, comme, par exemple, la seconde saison de Formula 1 - Pilotes de leur destin (Drive to survive en version originale) qui est absolument passionnante même si, comme moi, vous êtes un profane total en F1. Il y a enfin Twitter qui est mon réseau social de prédilection sur lequel je passe probablement un peu trop de temps ces deux dernières semaines et où vous pouvez me retrouver sur le compte @PierreDDeG si l'envie vous en dit.
Je n'ai malheureusement pas eu le flair de commander avant le confinement quelques boîtes de Lego Technic comme certains de mes confrères, dont un qui s'arrache actuellement les cheveux sur le montage de la Porsche 911 GT3 RS dont il avait soi-disant perdu une pièce avant de la retrouver montée au mauvais endroit, mais j'ai su profiter en début d'année d'une promotion sur la Xbox One S, ma première console achetée depuis la Playstation originale, ce qui me permet de constater les progrès dantesques réalisés entre Gran Turismo 2 et Forza Horizon 4 et de renouer, 20 ans après, avec des parties endiablées que l'on commence après le dîner, où l'on cligne des yeux et il est 2 heures du matin.
Il n'y a pas qu'une très grosse différence de format d'image qui sépare Gran Turismo 2 de Forza Horizon 4.
Le télétravail a son charme, surtout quand aujourd'hui on a les moyens techniques de conserver une communication continue avec ses collègues, mais le danger est de s'encroûter et de rester en pyjama sur son sofa coincé entre une tablette de chocolat aux noisettes et un paquet de chips goût barbecue en appliquant à la lettre et comme il se doit les règles du #RestezChezVous. Fort heureusement, la fameuse attestation à obligatoirement remplir avant de sortir permet tout de même des déplacements « liés à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes », ce qui, ajouté à la liberté supplémentaire par rapport aux horaires classiques de bureau, me permet aussi de m'adonner à ma seconde passion, celle de la course à pied.
Il y a des règles à respecter puisqu'il faut rester dans un rayon maximal d'un kilomètre autour de son domicile et c'est dans la limite d'une heure quotidienne, mais il vaut mieux prendre ça comme un challenge et, personnellement, je règle tous les matins mon réveil sur 5h00 pour enchaîner les tours de quartier désert avec comme objectif de battre ma distance de la veille en un tour de grande aiguille. Cela permet non seulement de conserver une activité physique essentielle mais c'est aussi pour moi un moment privilégié pour à la fois me couper de l'actualité non automobile pesant irrémédiablement sur le moral et réfléchir, tout simplement, les grandes lignes de cet article ayant été par exemple déterminées lors de ma session ce matin à l'aube.
On subit donc tous cette parenthèse imposée par le virus en s'adaptant du mieux que l'on peut en attendant un jour prochain de retrouver nos vieilles habitudes mais c'est peut-être le moment ou jamais de se défaire de certaines d'entre elles qui ont contribué à nous mettre dans la situation actuelle, et de les remplacer par d'autres, plus saines et plus pérennes. Veut-on vraiment retrouver cet ancien monde ou commencer à poser les jalons d'une nouvelle ère ? C'est une réflexion qui mérite d'être réalisée d'un point de vue personnel comme professionnel et que nous avions déjà lancée au sein de Caradisiac, les derniers événements ayant accéléré l'arrivée à une conclusion et à des projets allant avec. Attendez-vous donc à ce que nous élargissions les horizons de notre ligne éditoriale dans les semaines qui viennent.
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