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Amendes routières (radar et autres) : des recettes en forte hausse en 2023

Dans Pratique / Radars

Stéphanie Fontaine

En 2023, l'État a récolté plus de 2 milliards d'euros avec les amendes envoyées par le Centre de Rennes, dont la moitié sans doute via les seuls radars automatiques. Le niveau, haut, atteint en 2017 est ainsi retrouvé, ou presque, après les Gilets jaunes et la crise Covid. Pour la Cour des Comptes, ces recettes restent potentiellement aléatoires compte tenu du changement climatique et des politiques associées. Elles ne permettent surtout pas d'établir un lien avec l'amélioration de la Sécurité routière, ce qui est pourtant leur but. Décryptage.

Amendes routières (radar et autres) : des recettes en forte hausse en 2023

Record de 2017 battu ! Du moins pour ce qui est de l’ensemble des amendes envoyées par le Centre de Rennes…

L’an dernier, ces amendes - principalement routières - ont en effet franchi la barre des 2 milliards d’euros, en hausse de plus de 7 % par rapport à 2022 (voir notre tableau ci-dessous), alors qu’elles l’avaient frôlée il y a 6 ans.

Et parmi ces recettes, les seules amendes forfaitaires (celles payées dans les délais) issues des radars automatiques ont rapporté près de 750 millions d’euros (+5,7 %), selon l’analyse budgétaire annuelle relative aux comptes de l’État de la Cour des Comptes.

L'évolution des recettes depuis 2017

Recettes en M€

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Recettes totales

1 978

1 751

1 649

1 387

1 709

1 874

2 011

Recettes des radars automatiques

1 013

864

760

NC

NC

928

NC

    - Amendes forfaitaires (AF)

825

629

561

553

655

707

747

    - Amendes forfaitaires majorées (AFM)

189

182

199

NC

NC

221

NC

Source : selon les rapports annuels de la Cour des Comptes - NC = non communiqué

Pour le coup, si ces amendes radars restent en dessous du record de 2017 (825 M€), elles représentent tout de même le 3ème score de l’histoire du système automatisé.

Et en comptabilisant l’ensemble des recettes des radars – en y ajoutant les amendes forfaitaires majorées (AFM), soit les amendes non réglées dans les temps (ce pour quoi d’ailleurs elles sont majorées) -, 2023 est certainement la 2e meilleure année.

De fait, le montant exact de ces AFM n’est plus systématiquement communiqué. Celui-ci est noyé avec le reste des amendes hors radars encaissées.

Or, si l’on se réfère à une réponse de Bercy donnée à une sénatrice le mois dernier, on peut constater que ces AFM radars sont elles aussi dans une tendance à la hausse.

En 2022, selon cette réponse, leur produit s’est ainsi établi à 221 millions d’euros, versus 199 millions en 2019 ou encore 182 millions en 2018 (dernières années sinon connues).

Et si l’on devait donc extrapoler ces chiffres pour 2023, on pourrait en déduire que sur les 2 milliards d’euros perçus en totalité l’an dernier, la moitié - soit à la louche 1 milliard d’euros – a sans doute été engrangée par le seul système des radars automatiques.

Un système toujours plus efficace malgré un vandalisme persistant

La chute des recettes entamée en 2018 avec la crise des gilets jaunes qui s’était accompagnée de dégradations massives des appareils, et qui s’était poursuivie avec la crise Covid laquelle s’était notamment traduite avec les confinements par une baisse importante du trafic routier paraît bien loin.

Et ce, même si la Cour des Comptes continue de considérer que le niveau des recettes pourrait être très aléatoire à l’avenir : « Les années 2018 à 2021 ont eu un caractère exceptionnel au regard des crises qui ont touché la France (…). Pour autant, des facteurs liés au changement climatique et aux politiques associées [genre ZFE, NDLR] pourraient amener à restreindre l’usage des véhicules routiers sans que des études d’impact sur les recettes (…) soient menées. »

Il n’en reste pas moins que malgré des vitesses moyennes toujours en baisse (à de rares années près), les recettes, depuis que le système existe, et sauf période exceptionnelle comme de 2018 à 2021, ne font que progresser.

Déjà, le système paraît toujours plus efficient.

Car, sans atteindre les niveaux de 2018 et 2019, le vandalisme en 2023 est reparti à la hausse « durant la période des discussions relatives à la réforme des retraites », avec les radars chantiers et tourelles toujours comme « cibles privilégiées », signale l’institution de la rue Cambon.

Si bien que les coûts de réparation induits des radars ont de nouveau progressé : « 19,6 M€ contre 16,4 M€ en 2022 ».

Certes, là encore, on est loin des coûts estimés de 2018 et 2019, établis à quelque 33 et 36 millions d’euros.

Mais le taux de disponibilité des radars s’en trouve directement impacté, si bien que le taux cible de 93 % reste pour l’heure hors de portée. Comme il l’avait d’ailleurs été avec un vandalisme pourtant moindre en 2022.

Malgré tout, en 2023, ce taux de disponibilité s’est amélioré.

Il s’est affiché au plus bas à 89,93 % et, en moyenne sur l’année, à 90,59 %, contre 87,3 % en 2022, 86,93 % en 2021. Le palier le plus bas jamais atteint ayant été enregistré en mars 2019, à 67,82 %.

Un parc actif de moins de 4 000 radars

Mais, au-delà de ce taux toujours inférieur aux prévisions, c’est surtout que les entrées ne cessent d’augmenter malgré un nombre d’appareils toujours en deçà aussi des annonces.

« Le nombre d’équipements de contrôle est affiché à 4 700, valeur cible, alors que le nombre de radars disponibles s’établit à 4 661 », détaille la Cour des Comptes.

Avec 4 661 appareils comptabilisés fin 2023, contre 4 530 en 2022 ou encore 4 446 en 2017, c’est tout de même le volume de radars implantés le plus important depuis la création du contrôle automatisé !

Sauf que tous ces radars ne sont pas toujours en place, ni donc en fonctionnement.

La typologie des instruments a grandement évolué ces toutes dernières années.

Le parc compte de plus en plus de radars déplaçables qui ne sont donc pas en service en permanence, avec « systématiquement des périodes de repos entre deux vacations », indique la Cour des Comptes.

« Ainsi les 4 661 appareils du parc actuel correspondent à l’équivalent de 3 798 radars en activité permanente. »

Or, pour retrouver un parc à moins de 4 000 unités, il faut remonter à… 2011 !

Et à l’époque les recettes des radars (toutes amendes confondues) se situaient sous les 650 millions d’euros (soit bien moins que le milliard d'aujourd'hui).

Parmi ces radars « déplaçables », il y a les nouveaux radars urbains, pour lesquels il a été acté « à l’automne » de poursuivre leur déploiement.

Idem pour l’externalisation de la conduite des voitures radars, dont les trois marchés régionaux de Bretagne, Centre-Val de Loire et Pays de Loire, qui arrivaient à échéance, ont été prolongés.

Des radars de plus en plus chers

Le coût de leur maintenance est pourtant particulièrement élevé, et il ne cesse en outre de s’alourdir.

Évalués par la Cour à 47 millions d’euros en 2023, contre 46 en 2022 et 35 en 2021, les montants alloués à l’entretien des radars devraient continuer à progresser, vu les décisions prises et l’état du parc.

D’une part, la généralisation de la mesure d’externalisation de la conduite des voitures radars, et donc leur plus forte utilisation, oblige à renouveler plus fréquemment les matériels de contrôle et les véhicules porteurs, et augmente de facto les coûts de maintenance.

Pourtant, maintenir les voitures radars, c’est 5 fois plus cher que le coût moyen des autres radars (voir notre tableau ci-dessous) !

Et ce alors même que ces engins posent de multiples questions en termes de pollution, de sécurité, voire d’efficacité.

Coûts moyens de maintenance par type de radars

Type de radars

2023

Voitures radars

40 242,40 €

Radars tronçons (ou vitesse moyenne)

18 122,60 €

Radars discriminants

10 659,00 €

Radars chantiers

8 236,70 €

Radars feux rouges

6 332,30 €

Radars tourelles

5 950,10 €

Radars fixes

5 642,70 €

Radars passage à niveaux

3 216,50 €

Radars mobiles

2 459,00 €

Source : délégation à la sécurité routière

D’autre part, dixit la Cour, « l’obsolescence de la partie la plus ancienne du parc des radars (les radars fixes classiques), conjuguée à l’obsolescence croissante de certains types de radars (radars feux rouges, radars vitesse moyenne) et à celle à venir des premiers radars chantiers déployés en 2015 entraîne des coûts de maintenance supplémentaires, déjà observés en 2022 et 2023. »

Des radars installés par les maires en 2025, des amendes de plus en plus diversifiées, un taux de paiement toujours en berne

Le périmètre du Centre de Rennes ne cesse de s’élargir avec toujours plus d’activité en projet.

Pour rappel, il est prévu que les collectivités territoriales – autrement dit les maires – puissent installer des radars.

La publication d’un décret manquait jusque-là, mais c’est chose faite depuis le 9 mars 2024.

Les développements informatiques sont en cours et les mécanismes d’affectation de ces nouvelles recettes restent tout de même à préciser, mais la Cour des Comptes juge que les « premières amendes issues de ces équipements pourraient intervenir en 2025 ».

De nouvelles amendes ont fait également leur apparition. Et notamment hors du champ routier.

Ne pas payer son stationnement ne fait déjà plus partie des infractions routières, mais il ne s’agit pas que de cela.

Les nouvelles amendes forfaitaires délictuelles (AFD) ne concernent pas que les délits de conduite sans permis (ou sans le bon permis) ou sans assurance.

Plus généralement, des procès-verbaux électroniques (PVe) sont dressés sans rapport avec la sécurité routière : chiens sans laisse, occupation des halls d’immeuble, consommation de stupéfiants…

Et c’est loin d’être fini, puisque la procédure des AFD doit s’étendre « à tous les délits prévoyant une peine d'emprisonnement inférieure à un an ».

Pour l’heure, tout cela reste bien mineur à Rennes : 2 % des PVe en 2023.

Mais « cette diversification contraint à un retraitement par la direction générale des finances publiques (DGFIP) (…) et rend leur suivi compliqué », prévient la Cour des Comptes.

Quant au taux de paiement des amendes, il demeure faiblard. Surtout pour le périmètre non routier.

Le taux de paiement des PVe « routiers » s’élève ainsi à 53,6 %, les « non routiers » à seulement 29,2 %.

L’État toujours hors la loi

Comme à chaque fois depuis plusieurs années, la Cour des Comptes émet surtout de vives critiques sur cette manière de comptabiliser les amendes.

En outre, les indicateurs mis en avant (disponibilité des radars, taux de transformation des messages d’infraction) ne permettent pas de faire le lien avec le nombre de morts sur les routes, et ce alors même que la Sécurité routière « considère que la mise en œuvre du contrôle automatisé est très directement à l’origine de la modification de certains comportements des conducteurs, et qu’elle permet une baisse du nombre de tués sur les routes. »

Pour la Cour, ce compte d’affectation spéciale (CAS) portant sur le contrôle de la circulation et du stationnement routiers, que l’on surnomme « CAS Radars », est non seulement contraire à la loi budgétaire, puisque selon celle-ci l’objet des recettes et des dépenses doit être par nature en relation directe – des amendes routières doivent financer des opérations d’amélioration de la sécurité routière, alors que là, seules 62 % des dépenses du CAS sont utilisées en ce sens -, mais en plus, le CAS suggère « à tort » que les dépenses de sécurité routière sont très inférieures aux recettes des radars.

L’institution précise alors que selon un document de politique transversale, les dépenses de sécurité routière sont évaluées à environ 3,8 milliards d’euros (versus 1 milliard encaissé pour rappel par les radars).

Par conséquent, les magistrats financiers expriment de nouveau une seule recommandation : « supprimer le CAS et présenter dans une annexe budgétaire unique, l’ensemble des dépenses de sécurité routière et les recettes issues des amendes de circulation. »

À les lire, Bercy y serait également favorable, contrairement à Beauvau.

La déléguée interministérielle à la sécurité routière jugerait en effet que le dispositif remplit toujours « son objectif initial d’être un mécanisme d’affectation pérenne et transparent du produit des amendes des radars automatiques et ainsi de contribuer à son acceptabilité. »

Elle milite simplement pour une « simplification du dispositif », sans plus de précision.

Doit-on craindre la suppression de certaines données jusque-là communiquées, comme le montant exact des AFM ou encore le prix unitaire des différents types de radars ?

On devrait être fixé dès la fin de cette année 2024.

Car des discussions en vue de cette « simplification » ont été entamées l’an dernier, et les changements pourraient être entérinés dans le cadre du prochain projet de loi de Finances.

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