Tout bien considéré, lorsqu'on réfléchit à la définition d'une voiture de luxe comme peut l'être une Rolls Royce Phantom, on a un peu de mal à établir les critères qui permettent de la différencier d'une berline de très haut de gamme comme le sont certaines Audi, BMW et Mercedes. La technologie embarquée dans ces autos peut être largement plus évoluée que dans une Rolls Royce Phantom par exemple, c'est là que l'on perçoit que la différence se situe inévitablement dans le toucher de route et dans la façon qu'ont ces autos de vous transporter. Il y a là une philosophie aisément perceptible dès le démarrage. Dans une auto « à l'Anglaise », le moteur doit s'oublier quand dans une auto « à l'Allemande », c'est la pièce centrale qui doit s'exprimer. Même si ce sont dorénavant des Allemands qui dirigent les marques anglaises de l'hypraluxe, ils ont parfaitement compris ce point de différenciation et la Bentley Flying Spur V8 est bien une élève de l'école anglaise. Tout du moins sur le plan de l'absence de vibrations et de bruit au ralenti. Là où l'on perçoit une petite « perte d'âme », c'est lorsque l'on demande à ce V8 tout ce qu'il a dans le ventre. Plutôt vigoureux, il remue les 2,5 tonnes de l'ensemble avec force et tracte (oui, c'est une transmission quattro contrairement à la Mulsanne) de 0 à 100 km/h en seulement 5,2s (assez pour se demander à quoi sert la W12). Par rapport à une Phantom déjà essayée par nos soins, la prise de vitesse se fait de façon plus exubérante, plus démonstrative tant dans sa sonorité que dans la délivrance de la puissance. Les occupants ressentent la poussée comme une intruse, elle s'invite dans l'habitacle comme un fan de heavy métal dans une maison de retraite, de façon incongrue eu égard à l'ambiance cocoonesque de l'auto. Ce « manque » de noblesse est ce qui relie la Flying Spur au monde « normal » car pour ce qui est de l'amortissement, nous sommes là en présence d'une véritable élève en Flying Carpet.
Tout ce qui se présente sur la route est avalé avec gourmandise par la suspension pilotée qui, ironiquement, est dotée de plusieurs réglages dont un mode Sport désopilant. Tenter de rouler de façon simplement dynamique sur une route tortueuse avec une Bentley Flying Spur V8, même en mode Sport, va vous rendre nauséeux en 4 virages. Certes, elle est capable d'aligner les kilomètres sur autoroute allemande à des vitesses supersoniques (295 km/h en pointe) de façon très digne mais elle est conçue pour transporter ses occupants de la façon la plus sereine possible c'est à dire d'une façon où le G latéral est honni et le longitudinal sobre et relativement discret. Bref, pour conduire de façon un minimum sportive, une premium allemande sera toujours plus appropriée.
Pour conclure, on peut sans ambiguïté affirmer que cette Bentley Flying Spur V8 est une bonne initiation au segment du Luxe et du Prestige tel qu'on peut le concevoir en plaçant la Rolls Royce Phantom en tête de pont. Certains contesteront ce parti pris qui place la philosophie à l'Anglaise en référence du segment de l'hypraluxe en brandissant la Mercedes Classe S comme exemple contradictoire mais je reste persuadé que dans ces Bentley et ces Rolls Royce, la disparition de tout artifice permettant de faire gonfler sa testostérone, l'absence même des éléments nécessaires à l'ouverture d'un concours de « la plus grosse » font que « ma » classification est la bonne. Mais, le plus dur sera sans doute de conserver à terme cette identité particulière dans un monde globalisé où les goûts sont amenés, par une offre de plus en plus restreinte, à s'uniformiser eux aussi. Bref, si on pouvait insonoriser un peu plus le compartiment moteur de cette Bentley Flying Spur V8 et lisser sa courbe de couple, je ne le lui reprocherai pas ! Et qu'on ne vienne pas me rappeler que les Bentley étaient à l'origine des sportives, il y a depuis longtemps prescription.
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