En 1986, au départ du Grand Prix d'Angleterre disputé à Brands Hatch, un carambolage envoie la Ligier JS 27 de Jacques Laffite dans le rail. De face.
Le nez de la monoplace se replie instantannément mâchant littéralement les jambes de son pilote. Relevé avec les membres complètement broyés (plus de 110 fractures), Jacques Laffite retrouvera finalement l'usage de ses jambes jusqu'à repiloter en Supertourisme ou en Supercup Porsche. Aujourd'hui encore, il court en FIA-GT3 avec JP Jabouille sur une Morgan Aéro8 GT3.
Mais là, c'est un autre exercice qui l'attend.
Mis à part 3 tours du circuit de Magny-Cours effectués à allure réduite dans la Ligier JS43 d'Olivier Panis en 1996, Jacques Laffite n'a plus pris le volant d'une F1 depuis 1986. La découverte de la RS27 s'accompagnera donc de celle du freinage pied gauche et du passage de vitesse au volant. À cela s'ajoute une pression supplémentaire : un temps de référence de 1'13''8 signé Jonathan Cochet sur la même auto dans la même configuration circuit (la 3C de 3.841 km) quelques temps auparavant.
Lundi, le premier jour, tout va aller mal. Mauvaise position de conduite, le Hans qui gêne, le casque qui cherche à s'envoler dans la ligne droite, les vibrations qui empêchent carrément la vision font que l'apprentissage sera douloureux pour notre sexagénaire encore fringant.
Le mardi s'annonce mieux. Les nuages gardent la piste à la bonne température et après une boutade typique du bonhomme, il s'élance. Un tour pour voir et retour dans les stands pour quelques modifications.
Il repart pour une longue série de tours où, à l'oreille, on sent une progression. La courbe de Signes ne passe pas encore à fond comme il l'a annoncé dans un rire avant de se glisser dans la R27 mais les passages sont extrêmement rapides. Notez que le "papy" arrive dans l'entrée de Signes à près de 300 km/h tout de même.
Les vitesses ne tombent pas encore de façon fluide, il y a des hésitations sur les rapports à engager mais une chose frappe très rapidement : c'est extrêmement propre comme pilotage. Résultat, un meilleur temps en 1'16'2.
Un débriefing sur le pouce s'improvise avec Colin Hale à la sortie de l'auto. Jacques Laffite, rougit par l'effort, subit quelques vannes de sa garde rapprochée, il y répond toutes dents dehors comme un gamin de 20 ans qui aurait tout à prouver. Il se ressaisit, clame encore une fois son bonheur d'être là, s'extasie encore sur cette monoplace, envoie une vanne et vient demander à Colin Hale de lui passer des pneus neufs ! Irrécupérable !
La deuxième session part sur un rythme plus tranquille mais tout en déconnant avec l'auditoire, Jacques Laffite a analysé où il pouvait gagner du temps. Il l'a dit lui même : l'analyse et la recherche des "trucs" qui font gagner du temps est la première chose qui revient. Quel que soit son niveau de rapidité, la volonté de progresser et d'améliorer est toujours présente.
Mais un facteur va venir perturber le schéma idéal : la fatigue. Une fois la barre des 15 tours franchie, les erreurs de trajectoires arrivent, les freinages sont un peu moins assurés, Jacques Laffite est rincé, il rentre.
Il aura finalement effectué 20 tours dont le plus rapide s'affiche en 1'15''131, soit à 1.3 secondes du temps de référence de Jonathan Cochet, le pilote habituel de la R27 sur les Roadshows.
Je peux en témoigner, Jacques Laffite n'a pas ménagé sa peine et j'ose le dire : ce "garçon" qui pourrait être mon père est encore sacrément vert.
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