Après un peu plus de 500 kilomètres parcourus sur autoroute, comprenant la traversée de part en part de la Belgique, Eddy et moi-même arrivons dans la petite ville allemande de Bottrop, en Rhénanie du Nord-Westphalie et alors que la nuit tombe, notre premier constat est sans appel : il y a des endroits plus sexy sur terre. Au cœur de la Ruhr industrielle, la ville est cernée par d’énormes usines : charbon, acier, produits chimiques et textiles représentent l’activité principale locale. Se détachant sur le soleil couchant, de colossales cheminées crachant une épaisse purée de pois noirâtre donnent une ambiance de fin du monde. Mais entre ces tas de charbon brille un diamant : Brabus, dont Bottrop est le berceau et dont nous sommes invités à visiter les installations le lendemain.

Il fait un temps splendide ce matin-là, ce qui semblerait-il est chose rare dans le coin, surtout en Octobre. Difficile de manquer l’usine de Brabus, située à la périphérie, elle est indiquée dès le centre-ville et se voit largement depuis la rue. Dans l’imposant parking de 1500 places où on peut aussi trouver une station service privée, tous les modèles de la marque à l’étoile sont représentés : rien de bien étonnant, nous sommes chez le plus grand préparateur Mercedes de la planète.


Brabus : visite des ateliers de Bottrop

Un grand garçon souriant vient à notre rencontre : c’est Dalibor Erakovic, le responsable presse de Brabus et notre guide du jour dont nous aurons bien besoin pour arpenter les 112 000m2 du site. Nous commencerons notre visite par le showroom où sont entreposés quelques exemples du savoir-faire du préparateur. Celle qui attire en premier le regard, malgré sa discrétion esthétique, est une Classe E trônant dans la vitrine. Sur son coffre, 4 symboles résument ce qui nous fait face : EV12, le modèle même qui a frôlé les 350km/h ce jour d’été 2005, redonnant au sorcier teuton son titre de berline la plus rapide du monde. Vendu à un russe depuis un an pour près de 300 000€, ce dernier laisse pourtant la garde des 640ch à Brabus et vient seulement de temps en temps faire quelques pointes de vitesse sur les autobahns voisines avant de rentrer tranquillement chez lui.

Les nombreuses Classe C de dernière génération démontrent l’intérêt porté au modèle et son grand potentiel de modifications, un engouement dont ne peut pas se prévaloir d’autres voitures présentes, comme par exemple un Classe R. « Comme Mercedes, nous avons un peu de mal à en écouler », nous confie Dalibor « mais comme nous nous devons de couvrir toute la gamme, nous proposons quand même un programme complet ».


Brabus : visite des ateliers de Bottrop

Il est temps de passer dans le cœur même de l’usine, l’atelier d’assemblage, celui où les Mercedes entrent et les Brabus sortent. « Curieusement, il reviendrait plus cher pour nous d’arrêter les lignes d’assemblage Mercedes pour en sortir des voitures non terminées » poursuit Dalibor, « c’est la raison pour laquelle nous achetons des modèles complets, identiques à ceux qu’on peut trouver en concession. Et nous les démontons ». Vous voyez les premières minutes des émissions Pimp my Ride ? Quand ils désossent totalement les voitures candidates à la transformation ? Ici c’est pareil, sauf qu’au lieu de vieilles Honda Civic rouillées, ce sont des Maybach flambant neuves… Les pièces détachées sont ensuite revendues ou tout simplement jetées à la poubelle.

Au milieu des berlines grises ou noires, un modèle détonne. Large, bas et jaune. Une Bugatti EB110 Super Sport, dont Brabus assure l’entretien mais aussi la préparation éventuelle depuis 1995. A côté, deux classe G55 AMG bordeaux attendent leur dose de stéroïdes supplémentaire. « Ils appartiennent aussi à des clients russes, là bas les G se vendent comme des petits pains, plus c’est gros, plus il y a de chevaux et d’accessoires, plus c’est ostentatoire mieux c’est » commente Dalibor « La Russie est notre plus gros marché après le Moyen Orient ».


Brabus : visite des ateliers de Bottrop

Les moteurs sont assemblés dans un atelier juste à côté. Chaque mécanicien à la responsabilité du moteur dont il s’occupe depuis les premiers instants jusqu’à ce qu’il soit monté dans la voiture, tout est fait à la main dans une propreté clinique et le résultat des modifications est tout de suite mis à l’épreuve sur un banc moteur puis un banc châssis 4 roues motrices pouvant mesurer jusqu’à 1080ch. Culasse de V12, pistons forgés, turbos, compresseurs, arbres à came, sur les étagères sont soigneusement rangées des pièces détachées dont le prix unitaire donne déjà le tournis pendant que s’affairent une équipe de mécanos dont quelques millions de personnes aimeraient piquer le boulot.


Brabus : visite des ateliers de Bottrop

Dans la salle suivante, c’est l’atelier sellerie où sont rhabillés sièges, intérieurs de portière, tableau de bord ou ciel de toit, en cuir ou en alcantara. Vous comprenez, le cuir Mercedes, pourtant déjà d’excellente qualité, n’est pas encore ce qu’on fait de mieux. Etiré puis les stries reconstituées de façon artificielle, il fait même pâle figure à côté de celui offert par Brabus, tout comme l’éventail de couleurs proposées. Vous voulez du rouge ? Oui, mais quel rouge exactement ? Il existe 2500 couleurs au catalogue, mais si vous ne trouvez quand même pas votre bonheur, que vous voulez du cuir d’autruche parme ou de la croûte d’alligator retournée, il suffit de demander. Et d’allonger l’argent correspondant. « On a parfois des combinaisons de couleur exigées qui donnent la nausée » nous confie Dalibor « mais vous savez ce que c’est, le client est roi ».

Dans l’atelier suivant, illuminé par le soleil à travers une verrière, c’est avec surprise que nous nous retrouvons face à… un Toyota Rav4. « Brabus collabore depuis 1984, via la division CRD (Car Research and Development), avec de nombreux constructeurs généralistes autres que Mercedes pour développer des séries spéciales » nous indique Dalibor. A côté du petit 4x4 japonais au kit carrosserie plutôt réussi, est garé une Chrysler 300C dont le V8 roule au gaz naturel. Une Morgan Aero 8, à la carrosserie encore vierge de peinture attire notre attention. « C’est un de nos clients : en visite à l’usine de l'artisan britannique pour voir sa voiture commandée en cours de construction, il a été totalement catastrophé par la qualité de l’ensemble. Il l’a donc fait directement livrée chez nous, et à nous de la refaire avec des standards qui lui conviennent mieux ».

Après le hangar où on trouve plus de 100 000 pièces détachées, le reste du bâtiment présente ensuite moins d’intérêt, comme le service marketing, ou nous sont interdits d’accès, comme le centre de design ou de développement des moteurs. Il est donc temps de se rendre dans la division Brabus Smart, située dans un autre bâtiment à 100m de là. Sur le chemin, nous longeons un second parking où on trouve aussi une piste pour tester les suspensions et le bruit.


Brabus : visite des ateliers de Bottrop

Quelques pas chez Smart nous indiquent tout de suite que ce n’est pas le parent pauvre de Brabus, le même niveau de qualité semble être présent. Pas moins de 4 bancs sont là pour mesurer la puissance des petits moteurs de la citadine, tandis qu’une pièce est réservée aux showcars de la marque : Forfour SBR, un unique Roadster à boîte mécanique, Crossblade et Roadster V6 biturbo dont 10 exemplaires existent dans le monde. « 9 en fait » corrige Dalibor « l’un d’entre eux n’a pas résisté à un essai un peu trop musclé d’un journaliste ». Oups.

De quoi nous mettre en condition pour l’essai de la Brabus S 6.1 que nous ferons ensuite et dont vous pouvez trouver l’essai et la vidéo ici.