Condamné à réussir
La course automobile, il y songe depuis l'été 1974. Son titre de champion de France sénior, lui a valut une bourse de la Fédération Française. Plutôt que de l'engloutir dans le karting, il a décidé de l'investir dans une école de pilotage.
Il prévoit tout avec une lucidité et une matûrité remarquables. Il devance ainsi l'appel pour se débarrasser de son service militaire mais se retrouve en Allemagne. En dépit de l'éloignement, il choisit pourtant de s'inscrire à l'école la plus éloignée de son domicile: celle du Paul Ricard. "Je voulais gagner. il fallait éliminer les paramètres annexes, notamment les caprices de la météo. La pluie est moins fréquente au Castellet qu'à Magny-Cours." Un colonel compréhensif et quelques "fausses perms" feront le reste... Alain Prost est un élève lamentable sur le plan technique, d'après ses instructeurs. Il freine très tard et même en courbe, ignore le double débrayage mais contrôle toujours la situation. Pourtant, il n'a rien d'un fanfaron. Au contraire, il est presque effacé et affiche une grande humilité. En fin stratège, il se fait oublier, assure le minimum pour se qualifier pour la finale. Une seule fois, il se trahira, lors de l'une des rares journées de pluie, en freinant aussi tard que sur le sec. Il ne conduit pas bien, mais il va vite. Le jour de la finale, Alain Prost est venu seul et se tient ostenciblement à l'écart de l'agitation. Tendu, mais incroyablement concentré et déterminé. Il n'a pas le choix. Il est condamné à réussir. Rien ne l'attend après l'armée, ni métier, ni diplome et encore moins de petites économies...
Il est le dernier des six finalistes à s'élancer. A peine sur la piste, il bat le record du circuit pendant ses tours de chauffe et continue sur le même rythme pendant les cinq tours chronos. Il gagne haut la main. Il montre enfin une certaine émotion lorsque Ken Tyrrell, le président du jury, lui remet une coupe, mais a-t-il réellement douté de son succès.
Trois semaines plus tard, libéré de l'armée, il entâme une nouvelle vie. Lauréat du Volant Elf, il dispose d'une monoplace de Formule Renault et d'un budget pour la saison suivante. Il rejoint alors Magny Cours, pour prendre livraison de sa Martini et suivant une tradition bien établie, s'installe dans le modeste hôtel de Saint-Parize. Il ne connait rien à l'automobile et encore moins la mise au point d'une monoplace. Alors, il passe méthodiquement en revue toute la palette des réglages, essaie toutes les solutions possibles pendant de longues séances d'essai hivernales.
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