80 km/h: opération déminage
A quelques jours du passage aux 80 km/h, la Sécurité routière donne des détails supplémentaires sur les changements qui s’annoncent. Et assure qu'aucun nouveau radar n'accompagnera la mise en œuvre de la mesure.
On espère pour Emmanuel Barbe qu’il touchera une prime. Depuis l’annonce au mois de janvier du passage à 80 km/h, le Délégué interministériel à la sécurité routière n’aura pas ménagé sa peine, totalisant à ce jour 38 déplacements en province pour « vendre » la mesure annoncée par Edouard Philippe le 9 janvier, affrontant l’ire de nombreux élus qui s’élèvent contre une décision de Paris susceptible « d’enclaver encore davantage les départements », le tout s’accompagnant de sondages systématiquement négatifs et d’une presse globalement sceptique, voire hostile. Même son ministre de tutelle, Gérard Collomb, aura laissé entendre que les 80 km/h n’étaient pas sa tasse de thé. Parlez d’un soutien !
Mais l’homme n’a pas dévié d’un iota de sa mission, et c’est détendu (semble-t-il) qu’il accueillait ce mercredi après-midi les médias pour une ultime conférence de presse avant l’instauration des 80-km/h-sur-les-routes-à-double-sens-sans-séparateur-central.
1mn 32s décart sur 39 km
J-11, donc, pour une réglementation qui devrait, selon les projections, sauver entre 300 et 400 vies chaque année, et bien sûr sensiblement réduire le nombre de blessés. Pour convaincre, la Sécurité routière s’est donné la peine d’organiser des simulations sur circuit en collaboration avec l’Utac –Ceram.
Ces tests ont permis de démontrer qu’en cas de freinage d’urgence à 80 km/h, la distance d’arrêt était inférieure de 13 mètres - l’équivalent de trois Renault Clio - à celle d’un même véhicule évoluant à 90 km/h. Cette valeur de 13 mètres fera d’ailleurs l’objet d’un spot diffusé à la radio et au cinéma à partir de 24 juin. Autre chiffre : la vitesse à l’impact serait de 50 km/h pour un véhicule lancé à 90, alors que celui roulant à 80 km/h parviendrait à stopper à temps. Méfiance toutefois, l'expérience montre qu'en matière de chiffres, la sécurité routière a parfois tendance à se prendre les pieds dans le tapis.
Enfin, sur un parcours donné de 39 km sur circuit – à allure régulière, donc – la voiture roulant à 80 km/h n’arriverait que 1mn 32s après celle ayant roulé « avec le frisson des 90 km/h », plaisante Emmanuel Barbe. Il n’a pas tout à fait tort, cela dit : 90 km/h est déjà une allure soporifique, donc passer à 80 ne changera pas grand-chose (voir la vidéo ci-dessous). Mais en ce cas, on ne voit pas pourquoi l'Etat se priverait de descendre la vitesse à 70 km/h à la prochaine étape !
On n’en est pas encore là, et heureusement. Retenez donc que le 1er juillet, tous les panneaux 90 seront déposés ou bâchés, et que « s’il reste des panneaux, ce qui est possible, nous comptons sur les automobilistes pour les signaler aux préfectures », lance Emmanuel Barbe, qui ajoute que des PV qui seraient alors éventuellement dressés feraient l’objet d’une annulation. Rappelons que quelques 11 000 panneaux sont concernés, ce qui représente un coût variant de 6 à 12 millions d’euros. Une estimation qui varie du simple au double (!), mais que les collectivités locales se rassurent : « l’Etat leur remboursera les travaux entrepris ». Et d'ajouter qu'« on attend le 1er juillet pour voir si des départements ne jouent pas le jeu, même si on n'est pas trop inquiet. Seul un tiers ont manifesté leur désapprobation, et ça ne veut pas dire qu'ils ne feront pas ce qu'il y a à faire.»
La sécurité routière assure par ailleurs que les radars situés sur les routes concernés « seront paramétrés à la vitesse autorisée au 1er juillet » (on espère que des employés trop zélés ne procéderont pas aux réglages dès la veille) et, surtout, qu’« aucun nouveau radar n’accompagnera la mise en œuvre de cette mesure. » Interrogé par Caradisiac à ce sujet, Emmanuel Barbe affirme qu’une recrudescence des contrôles mobiles n’est pas à redouter sur le réseau secondaire ce premier week-end de juillet. On veut le croire.
Enfin, on nous affirme à nouveau que le surplus des amendes lié aux 80 km/h bénéficiera directement aux victimes de la route, ce qui permet de « positiver » un tant soit peu une mesure qui n’a pas fini de faire grincer des dents. Rendez-vous dans deux ans pour un premier bilan de son efficacité, même si on peut déjà vous affirmer que JAMAIS l'Etat ne reviendra sur les 80 km/h.
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