« Tout le monde ne peut pas suivre ». Dans son nouveau spot publicitaire Renault prétend que la Mégane dCi 110 ch Energy peut parcourir jusqu’à 1 700 km avec un plein. En théorie, la française est capable de rallier Lisbonne au départ de Paris sans remettre une goutte de carburant. Nous avons tenté l’expérience.
Télé, affichage 4X3, radio, cette publicité n’a pas pu vous échapper. Renault matraque en ce moment à grands frais pour louer l’autonomie de sa dernière Mégane, celle équipée du moteur dCi 110 ch. Et que dit précisément cette pub ? Qu’avec cette voiture, vous pouvez aller de Paris à Lisbonne ou de Paris à Naples avec un seul plein, soit 1 700 kilomètres avec un réservoir de 60 litres ! (regardez la vidéo ci-dessous). De tout temps, les constructeurs ont communiqué sur la supposée faible consommation de leurs modèles. Et on sait pourquoi : les automobilistes, donc vous et nous, voulons acheter des autos qui consomment le moins possible pour alléger leur budget carburant. Mais cette fois, en revendiquant une consommation de 3,5 litres aux cents kilomètres, Renault bat tous les records. Une performance tellement alléchante que nous avons voulu en avoir le cœur net. Et si nous prenions cette Mégane pour voir ce qu’elle a vraiment dans le ventre… Aussitôt pensé, aussitôt proposé au rédac’ chef. Sa réponse : « ok, mais vous tournez sur le périphérique pendant 1700 kilomètres s’il le faut, mais pas question d’aller se balader au Portugal ». Sauf que, à Caradisiac, on n’a pas l’habitude de faire semblant de tester. Soit on le fait, soit on ne le fait pas. Donc, si on prend la peine de tester une publicité Renault, on doit emprunter exactement le même parcours que celui de la publicité. Finalement, tout le monde s’accorde sur cette approche. Que la Mégane atteigne les 1700 kilomètres ou pas, il ne faut pas duper les automobilistes. Nous allons donc tenter, sans a priori, de reproduire l’expérience. À côté de nos valises, un jerrycan d’essence car vous l’avez bien compris : nous avons décidé de tomber en panne d’essence pour assécher complètement le réservoir et calculer au plus juste la consommation. Rouler pour tomber en panne, une première.
Paris – Lisbonne en éco-conduite
Toute l’équipe se retrouve à l’aube mardi 28 janvier à 4h30 du matin, porte d’Orléans. Le réservoir est rempli jusqu’à la dernière goutte. 60 litres, 83 euros, pour espérer aller à Lisbonne, c’est quand même dingue ! Moins cher que l’avion… Pour jouer le jeu à fond et tenter d’aller aussi loin que possible, nous avons optimisé tous les paramètres d’économie : gonflage des pneumatiques à 2,4 bars, activation du Stop & Start, pas de climatisation et surtout un seul conducteur à bord pesant 95 kg. Petit rappel des principes d’éco-conduite que nous avons convenu d’appliquer pour mettre toutes les chances de notre côté : lever de pied dès que possible, accélération lente et surtout le maintien d’une vitesse maximum limitée sur l’ensemble du parcours à 110 km/, vitesse à laquelle le compte-tours affiche 1 850 tr/min en sixième. Nous utiliserons pour cela le régulateur, de manière à coller au plus près à l’expérience. Rappelons au passage que le record de Renault, 3,5 l/100 km a été obtenu en consommation mixte homologuée. Le parcours est donc censé avoir été effectué à la fois en ville, sur route et sur autoroute. Notre parcours pour l’essentiel empruntera de l’autoroute, moins consommatrice de carburant.
Du plein...
Premier tour de roues. Tous les compteurs sont à zéro sauf celui du kilométrage. Notre Mégane affiche 4500 kilomètres. Direction le périphérique parisien, puis l’autoroute A 10 en direction de Bordeaux. Notre objectif est de reproduire scrupuleusement le parcours de la publicité. Si tout va bien, nous irons jusqu’à Lisbonne en passant par Bilbao et Valladolid. Le temps de sortir de Paris et une heure après notre départ, nous voici sur l’autoroute A10. Première impression ressentie de la voiture suiveuse : « on se traîne ». Pardonnez l’expression : on sait bien que nous ne sommes pas là pour un record de vitesse, mais à 110 sur autoroute, on a le temps de voir le paysage. Pourtant, à la pause sur une aire d’autoroute deux heures plus tard, l’engouement de notre conducteur n’est toujours pas altéré. 500 kilomètres plus tard, c’est différent, il commencera un peu à fatiguer. Au fil des kilomètres nous rencontrons successivement des hectolitres de pluie en Gironde, des bourrasques de vent dans le pays basque ainsi qu’un contrôle de la douane à la frontière espagnole, au niveau d’Irun. Déjà 800 km avalés. La jauge indique encore 350 km d’autonomie alors que la navigation, elle, situe Lisbonne à 900 km de notre position. La nuit tombe lorsque nous arrivons à hauteur de Bilbao. La température chute aussi et de la neige fondue rend les conditions de circulations dangereuses. La jauge, elle, s’éclaircit de plus en plus. Une fois passé Valladolid, nous choisissons, pour des raisons de sécurité de sortir de l’autoroute A610, réputée accidentogène, afin de consommer nos derniers litres de carburant. La jauge est vide, mais la Mégane continue d’avaler les kilomètres. Après 12 heures de conduite et quelques ennuis techniques, nous parcourons encore plus de 130 km de nationales et de départementales espagnoles, sur la réserve. La lassitude, à son summum, laisse place à l’énervement ! Quand va-t-elle tomber en panne ? Enfin, la Mégane donne des signes de faiblesse. Au niveau de Villarramiel, à 60 km au nord de Valladollid, un message s’affiche au tableau de bord : « capacité maximale du réservoir atteinte ».
… à la panne
C’est donc exactement au kilomètre 1156 que nous sommes tombés en panne. Notre consommation aura été précisément de 5,19 l/100 pour une vitesse moyenne de 93 km/h. Et nous avons parcouru 544 kilomètres de moins qu’annoncé dans la publicité Renault. Que faut-il en conclure ? Le constructeur a-t-il décemment menti ? On ne l’imagine pas. L’explication est ailleurs. Lorsque Renault communique massivement sur l’autonomie record de sa Megane dCi, en théorie, le constructeur dit vrai. Ce chiffre découle d’un simple calcul entre la consommation mixte homologuée (3,5 l /100 km) et la contenance du réservoir (60 litres) : 60/3,5 x 100 = 1 714,28 km. Mais il faut savoir que les consommations annoncées par les constructeurs sont exagérément optimistes et totalement déconnectées de la réalité. On ne peut leur jeter la pierre puisque l’homologation des cycles de consommations dépend d’un organisme indépendant. Il s’agit du cycle NEDC (pour New European Driving Cycle). Pourquoi déconnecté ? Car ce cycle réalisé sur un banc d’essai avec des conditions climatiques artificielles (vent, température, relief) ne comporte que de faibles accélérations pas du tout compatibles avec une conduite réelle. En outre, ni la climatisation ni les phares ne sont utilisés. La vitesse maximale est de 120 km/h et la vitesse moyenne est de 33 km/h. Si l’on se fie à l’organisme, il faudrait 51 heures pour rejoindre Lisbonne ! On ne peut donc en aucun cas prendre ces résultats constatés en laboratoire et en faire une application pratique, sur la route et dans les conditions réelles, en annonçant Paris/Lisbonne en un seul plein, l’afficher en très grand et réserver sa porte de sortie en bas de page où il est écrit en touts petits caractères « les distances et parcours proposés sont des indications théoriques et indicatives pour illustrer les performances du véhicule », que personne ne lit.
Des consommations homologuées irréalisables en pratique
Notre test permet aux automobilistes de connaître désormais la véritable autonomie de cette voiture, qui au demeurant nous paraît tout à fait remarquable. Mais au-delà de cet exemple, il faut savoir que tous les constructeurs sont susceptibles de communiquer sur les consommations irréalistes et flatteuses de leurs modèles communiquées par le laboratoire européen. De manière générale, on estime que l’écart entre la consommation annoncée par le constructeur et la réalité varie en moyenne de + 20% à + 60% selon le véhicule et le type de conducteur. Les cycles NEDC qui font foi à l’heure actuelle pour l’homologation des cycles de consommation et d’émission de CO2 vont être remplacés dès cette année par une norme bien plus réaliste. Il s’agit de la norme WLTC (Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures). Elle présente des accélérations plus fortes et une vitesse moyenne plus élevée (environ 46 km/h) que l'actuel NEDC et prend en compte les versions les plus lourdes de chaque modèle (équipée d’options, etc.). Harmonisée au niveau mondial cette nouvelle norme prend en compte doit entrer en vigueur à la fin de l’année dans le cadre de la norme Euro 6, avec une période de transition jusqu'en 2017.
Vous savez maintenant que le meilleur moyen de vous approcher au plus près de la consommation réelle de votre prochaine voiture, c’est soit de consulter les essais de Caradisiac, soit de s’informer via les avis des lecteurs.
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