Route de nuit - Une poire qui a bon dos
On attribue souvent le relatif insuccès de la Renault 14 à la fameuse publicité qui la compare à une poire. Mais la réalité est ailleurs….
Elle a bien fait rire, cette publicité. Comparer une voiture à une poire, c’est ignorer totalement l’aspect anthropomorphique de l’automobile, donc sans le faire exprès, assimiler l’acheteur à ce fruit rondouillard qui, lorsqu’on s’en sert comme invective, signifie « benêt ».
On en déduit aisément que cette malheureuse campagne de 1977 a sapé la carrière de la Renault 14. C’est totalement surestimer l’importance de la publicité dans les choix opérés par les acheteurs, et donc, pour le coup, les assimiler à des… poires.
Car, quand on examine les chiffres commerciaux en France, on ne constate aucun effondrement. Certes, on est passé de 89 103 ventes en 1977 à 84 622 en 1978, mais voilà, de dangereuses rivales sont apparues cette année-là : la Simca Horizon (voiture de l’année), la Renault 18, dont les versions de base pouvaient cannibaliser celles de la 14, et, dans une moindre mesure, la Fiat Ritmo. D’ailleurs, la Renault a remonté la pente dès 1979 (93 396 unités), grâce à un restylage réussi, pour ne dévisser réellement qu’en 1981 (70 254) quand a déboulé la première partie du duo qui allait la remplacer : la Renault 9. Son dérivé Renault 11, révélé en 1983, signa l’arrêt de mort de la 14, intervenant en 1984. 999 193 exemplaires en ont été vendus, un score somme toute honorable pour la première compacte moderne de la Régie, mais pas tout à fait en phase avec les prévisions.
Près d'un million d'exemplaires vendus, tout de même
Pourtant, la première compacte Renault était une très bonne voiture, spacieuse, sûre, confortable et avant-gardiste par son dessin. Mais celui-ci, si avancé fût-il, avait été quelque peu corrompu par le passage à l’industrialisation qui a imposé des roues visuellement trop petites. Son dynamisme initial a été perdu, un peu à l’image de ce qui est arrivé à l’Austin Allegro.
Tout n’était, cela dit, pas perdu, les ventes très convenables le prouvent. Mais quelques tares ont vraiment gêné la Renault. Déjà, sa qualité de fabrication très moyenne, alliée à un démarrage souvent problématique. Ensuite, son équipement franchement indigent en entrée de gamme. Enfin, et surtout : sa mécanique Peugeot. Il s’agit de celle de la 104, donc sa qualité et sa modernité ne sont pas à remettre en cause. Surtout, elle permet à Renault de proposer sa première traction à moteur transversal garante d’un excellent rapport encombrement/habitabilité.
Mais voilà, la motorisation a totalement ulcéré le réseau Renault, qui a freiné des quatre fers pour vendre cette voiture dont le cœur provient du rival héréditaire, de celui qu’il pourfendait à longueur de journée ! En outre, le moteur X, radicalement différent de ceux que Renault produit, imposait de nouvelles méthodes de travail en après-vente. A l’époque, l’identité de marque revêtait une importance incomparablement supérieure à ce qu’on voit de nos jours. Pour des raisons similaires, des années plus tard, le réseau Fiat a détesté vendre le monospace Ulysse, clone du Peugeot 806/Citroën Evasion…
Maintenant, regardez à nouveau la R14. Sa ligne fluide aux ailes très marquées. Ses boucliers. Sa calandre inclinée dans le sens du vent. Sa face arrière arrondie. Ne contient-elle pas les germes de la Peugeot 205, avec 7 ans d’avance ?
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