Prise en mains – Mazda 3 2.0 SkyActiv-X : l'essence a encore un bel avenir
Petite cylindrée, turbo, hybride voire électrique, tous les constructeurs automobiles suivent une voie commune pour diminuer les émissions de leurs moteurs et ainsi satisfaire les normes environnementales toujours plus sévères. Tous ? Non. Il en existe un qui résiste encore et toujours à ces modes mécaniques, se targuant d'arriver aux mêmes résultats avec des solutions pas seulement différentes mais contraires à la tendance générale. Et il semblerait que ça marche. Voici la gamme SkyActiv-X, les moteurs de nouvelle génération de Mazda, dont nous avons pu avoir un avant-goût près de Porto, au Portugal.
Pour pouvoir respecter les normes Euro 6b imposées à tous les nouveaux véhicules du marché depuis septembre 2015 et particulièrement attentives aux émissions d'oxyde d'azote, le consensus général parmi les constructeurs était qu'il était indispensable, pour ses modèles diesels, de monter soit ce qu'on appelle un piège à NOx soit un catalyseur à réduction sélective afin d'obtenir le feu vert. Mais l'un comme l'autre entraîne quelques désagréments : le premier en augmentant significativement la consommation de carburant quand il est en phase de régénération, le second réclamant l'injection d'un liquide appelé Adblue nécessitant l'ajout d'un réservoir indépendant et la besoin de le remplir régulièrement. Des défauts qu'il faut donc accepter car c'est un passage obligé pour obtenir l'homologation. Obligé ? Pour tous à l'exception de Mazda.
Cela n'a rien de surprenant : le constructeur d'Hiroshima a l'habitude de faire preuve de créativité en matière de mécanique à tel point que c'est devenu avec les années sa marque de fabrique. Moteur rotatif, diesel à compresseur ou encore V6 à cycle Miller font partie des chemins de traverse que la marque japonaise a empruntés par le passé avec une originalité rafraîchissante dans cet univers automobile ayant plus l'habitude de verser dans la conformité généralisée. Les derniers cités ne sont cependant pas exempts de tout défaut, loin de là, et n'ont d'ailleurs pas rencontré un réel succès mais la solution trouvée pour s'attaquer à la problématique des oxydes d'azote des diesels est brillante autant par sa simplicité (apparente) que par son efficacité. Pour la trouver, les ingénieurs de la marque sont repartis d'une feuille blanche et le résultat final, dévoilé en 2012, s'appelle SkyActiv-D, répondant aux normes Euro 6b sans le moindre système de traitement des NOx. Le secret réside dans le taux de compression de 14,0:1 extrêmement bas pour un diesel, permettant d'obtenir une combustion mieux maîtrisée avec une réduction de la température et un taux d'expansion plus élevé, et d'augmenter le temps nécessaire pour obtenir un mélange air/carburant optimal. Et qui dit combustion mieux maîtrisée dit aussi combustion plus propre et donc moins de NOx, mais aussi moins de particules et de CO2.
Côté essence, le SkyActiv-G prend aussi le contre-pied de ce que font les autres constructeurs : pas de downsizing chez Mazda, on conserve des quatre cylindres atmosphériques d'une capacité de 1.5 à 2.5 avec des émissions et des consommations qui n'ont rien à envier à la multitude de 3 cylindres turbo du marché et un agrément bien supérieur, comme nous en avons eu encore l'exemple dernièrement avec le 2.0 de 120 ch du Mazda CX-3 qui a dominé largement le 1.0 TSI de 115 ch du Volkswagen T-Roc lors d'un comparatif entre les deux SUV. Là encore, le secret se cache dans le taux de compression de 14,0:1, ce qui est par contre extrêmement élevé pour un moteur essence. Et non sans risque : la plus forte pression et la température accrue dans les cylindres peuvent générer auto-allumage et perte de couple. Mais là encore, Mazda a trouvé des solutions qui semblent pourtant incroyablement simples : la forme allongée du collecteur d'échappement 4-2-1 favorisant l'écoulement des gaz résiduels et évitant ainsi leur retour dans la chambre de combustion, l'injection directe, le calage séquentiel de la distribution par le système SV-T, des pistons à cavité spéciale pour une combustion plus rapide et une réduction de l'alésage pour améliorer l'efficacité thermique.
Le prochain sévère tour de vis est à prévoir à partir de 2020 avec le début de la mise en place des normes Euro 6d. Pendant que la grande majorité des constructeurs se tournent vers l'hybride simple et l'hybride rechargeable, Mazda est retourné à sa feuille blanche et nous a donc conviés près de Porto, au Portugal, pour nous laisser entrevoir le résultat qui s'appelle SkyActiv-X et qui remplacera les moteurs SkyActiv-G à partir de l'année prochaine. Dire que la fiche technique de la première mécanique issue de ce programme est étonnante est un euphémisme. Il s'agit en résumé d'un 4 cylindres tout en aluminium, d'une cylindrée de 1 997 cm3, avec un taux de compression record de 16,0 :1, un compresseur de type Roots, une hybridation légère ainsi que - et c'est là la vraie révolution - un système d'allumage par compression, à la façon d'un diesel. Mais commençons par le commencement.
La première ligne du cahier des charges de Mazda était d'obtenir le mélange air/essence le plus pauvre possible. La quantité idéale d'air par rapport à l'essence, c’est-à-dire le mélange stœchiométrique, est de 14 pour 1. En dessous, le mélange est dit riche, et on gâche du carburant. Au dessus, le mélange est pauvre, on consomme donc moins de carburant mais la combustion n'est pas fiable : les molécules de carburant sont trop éloignées les unes des autres pour une propagation optimale de la flamme de la bougie dans tout le cylindre. Et c'est là qu'avoir un allumage par compression, enflammant instantanément toutes les molécules de carburant contenues dans le cylindre en même temps, devient un avantage. Encore faut-il parvenir à le maîtriser pour qu'il intervienne au bon moment, ce qui est encore plus délicat avec un moteur au tel taux de compression avec, dans le cas contraire, des conséquences radicalement destructrices pour le moteur. L'allumage par compression est aussi particulièrement efficient à bas et moyens régimes, pas du tout au démarrage ni à hauts régimes. Un vrai casse-tête auquel de nombreux constructeurs avec des moyens bien supérieurs se sont déjà frottés sans trouver une véritable solution commercialisable.
Comment Mazda y parvient ? En laissant une… bougie dans l'équation, selon un système baptisé SPCCI pour « SPark Controlled Compression Ignition », ce qui se traduit littéralement par « allumage par compression contrôlé par la bougie ». Le moteur est conçu pour fonctionner juste en dessous de la limite de déclenchement d'un autoallumage, avec un mélange très pauvre et un fort taux de compression. La bougie intervient alors pour lancer la combustion mais l'explosion entraînée par l'étincelle ajoute juste ce qu'il faut de chaleur et de pression supplémentaires pour provoquer un autoallumage du reste du mélange dans le cylindre. En dehors de la plage optimale de l'allumage par compression, il se fait alors de façon conventionnelle avec la bougie.
Autre étrangeté : le 2.0 SkyActiv-X n'est pas suralimenté malgré la présence sur sa fiche technique d'un compresseur. Ce dernier, de taille très réduite et débrayable quand il n'est pas nécessaire, n'a pas pour fonction de produire plus de puissance en faisant rentrer plus d'air à parallèlement plus d'essence, mais a simplement la tâche d'appauvrir le mélange. Il ne mérite donc plus vraiment le nom de compresseur et peut être plutôt considéré comme une « pompe à air ».
Heureusement, Mazda ne nous avait pas fait venir jusqu'au Portugal seulement pour assister à la projection de multiples Powerpoint plus complexes les uns que les autres mais aussi pour nous inviter à essayer quelques mulets, des compactes 3 d'apparence actuelle sous un menaçant covering noir mat mais techniquement, du moteur au châssis en passant par la transmission, extrêmement proches de la prochaine génération qui sortira en 2019. Cependant, le constructeur japonais, sachant décidément extrêmement bien faire les choses, commence par nous proposer une boucle avec une 3 2.0 SkyActiv-G 165 ch et 210 Nm à boîte mécanique, afin de poser les bases. Et quelles bases : c'est très simple, si vous êtes à la recherche d'une compacte, elle devrait toujours être dans votre short-list pour peu que vous ayez la chance rare d'avoir une concession près de chez vous. Bien filtrée, amortissement réalisant un excellent compromis entre confort et efficacité, direction précise, boîte au feeling extraordinaire, moteur coupleux mais ne rechignant pas à prendre des tours : toutes les bonnes cases sont cochées. Il est maintenant temps de prendre place dans un prototype en version boîte manuelle. Les spécificités du 2.0 SkyActiv-X ne sont pas encore définitives mais on parle, sur ce modèle d'essai, d'une puissance de 190 ch et de 230 Nm de couple, soit un progrès conséquent par rapport au SkyActiv-G 165. Toutefois, ce ne sont pas ces chiffres de valeur maximum qui sont le plus notables au premier tour de roues mais à quel point ce moteur se montre plus plein et réactif à bas régime, grâce à la combinaison du taux de compression supérieur et du coup de pouce apporté par la micro-hybridation. Viennent ensuite l'absence totale de vibration et le silence régnant à bord, la manipulation du levier de vitesses d'un bref mouvement de poignet et enfin l'agilité du châssis filtrant pourtant parfaitement les imperfections de la route. Bref, tout ce que le modèle précédent proposait amélioré de 20 %, aucune transition entre les phases d'allumage par compression et par bougie ne se faisant sentir. Un écran sur la console centrale permet de voir dans quelle phase nous sommes mais, l'ordinateur de bord étant verrouillé, il n'était cependant pas possible de vérifier les prétentions en matière de consommations de Mazda, qui annonce une efficience améliorée de 30 % pour ce moteur, ce qui le placerait au même niveau que les compactes hybrides du moment.
D'excellentes premières impressions qui seront ensuite légèrement ternies par un dernier essai, cette fois-ci d'une version à boîte automatique. Ses liaisons au sol, pourtant annoncées comme identiques, se montrent ici exagérément fermes et la boîte, à la gestion présentée dans sa version « américaine », castre totalement le brio de la mécanique par la lenteur de ses changements de rapport. Il faudra donc attendre l'arrivée du modèle définitif en 2019 pour trancher, mais faisons confiance à Mazda pour apporter de l'homogénéité à l'ensemble de la gamme.
Et ensuite ?
Question motorisations, Mazda va disposer dans les mois et années à venir d'une actualité particulièrement riche. Dès cet été, les moteurs SkyActiv-D céderont enfin à la mode des systèmes de traitement des NOx pour satisfaire les normes Euro 6c. En 2019 arriveront les moteurs SkyActiv-X et c'est la même année que seront lancés les premiers véhicules électriques avec ou sans prolongateur d'autonomie qui seront, c'est promis, des moteurs rotatifs, ainsi qu'une évolution du 2.0 SkyActiv-G de la Mazda MX-5 à la culasse revue pour lui donner plus d'appétit pour les hauts régimes. En 2020, ce sera au tour du SkyActiv-D Gen 2 d'arriver sur le marché : le constructeur japonais reste persuadé, malgré sa mauvaise presse, que le diesel dispose de qualités lui conférant une place légitime sur le marché et à même de respecter les prochaines normes – je cite - « sans tricher ». Et c'est 2021 que les premiers modèles hybrides rechargeables verront le jour. « Si la législation le réclame » précise-t-on cependant chez Mazda qui n'a par contre aucun projet de sortir un hybride simple, partant du principe que, étant donné que le SkyActiv-X en aura déjà l'efficience, c'est une étape qui n'est pas nécessaire.
Rappel sur les normes Euro
Normes |
Mise en service des véhicules |
Homologation des nouveaux types |
Euro 6b | 1er septembre 2015 | 1er septembre 2014 |
Euro 6c | 1er septembre 2018 | 1er septembre 2017 |
Euro 6d | 1er septembre 2019 | 1er septembre 2018 |
Photos (25)
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération