On n'est pas bien là, avec Blier, en DS ?
Le réalisateur, qui vient de s'éteindre, a vu certains de ses films se faire bannir du petit écran. Trop cru, trop sexiste, trop provoc, Les valseuses qui mettent en scène Patrick Dewaere et Gérard Depardieu laissent néanmoins à une génération entière des souvenirs de DS et d'une drôle de réplique.
Rien, ou trois fois rien. La mort d’un grand réalisateur entraîne, outre les hommages de rigueur, la rediffusion de ses principaux films à la télé. Mais dans le cas de Bertrand Blier, seuls Arte et France 5 ont bousculé leur programmation pour l’occasion, avec Buffet froid pour la première et Tenue de soirée pour la seconde. Même le plus difficile David Lynch a eu plus d’honneurs que le fils de Bernard Blier. Préparez vos mouchoirs ? Les valseuses ? Absents de l'hommage. Et pour cause.
Le premier raconte les aventures d’un couple formé par Gérard Depardieu et l’impeccable (et trop oubliée) Carole Laure. Cette dernière déprime et son mari décide de « l’offrir » à un inconnu, en l’occurrence Patrick Dewaere. Rien n’y fait et l’épouse ne retrouve pas le sourire, jusqu’à ce qu’elle fasse la connaissance d’un jeune garçon de 13 ans dont elle tombe enceinte et dont elle finit par partager la vie.
47 ans après la sortie en salle de ce long-métrage (meilleur film étranger aux Oscars 1978), une telle histoire est pour le moins compliquée à diffuser en prime time sur une chaîne nationale, comme il est difficile de programmer Les valseuses, l’autre Blier de cette période. Le temps n’est plus à la gaudriole, ni à ce Easy Rider à la française qui embarquait déjà les compères Dewaere et Depardieu.
Pas d'absolution au XXIe siècle
Car l’histoire des deux petites frappes qui volent, et même agressent sexuellement Brigitte Fossey dans un train, est totalement hors de propos aujourd’hui. De fait, Blier ne dénonce pas les actes des deux compères, ce qui aurait pu lui valoir l’absolution du XXIe siècle. On peut même l’accuser de complaisance.
Mais les Valseuses n'a pas de message à diffuser, seulement une grenade à dégoupiller. En 1974, son année de sortie, la France passe de Pompidou à Giscard d’Estaing. C’est un pays un peu étriqué, à la politique ronronnante, qui passe des trente glorieuses au choc pétrolier et vient de perdre son président en exercice. C’est ce pays un peu paumé, cette République des Ds, que deux paumés, Dewaere et Depardieu, vont réveiller, avec des méthodes de voyous. En s’emparant au passage de ce symbole qu’est la DS justement.
Dans le film, l’auto est verte, d’une couleur qui n’existait pas au catalogue Citroën. Pas grave, Blier demande aux responsables de la marque de la repeindre. Car cette nouvelle teinte sied mieux à la carnation des acteurs ? Pour provoquer encore, selon la légende, et adresser un pied de nez à la tradition qui veut qu’il n’y ait jamais de vert sur un plateau de théâtre ou de cinéma.
"Paisibles, à la fraîche..."
Provoquer et bousculer un pays assoupi, c’est ce que Les valseuses ont fait cette année-là, à coups de larcins, de sexisme et de mauvais goût assumé et qu’aujourd’hui on n'assume plus.
Mais si Les valseuses deviennent invisibles car l’époque a changé, une génération entière ne les a pas oubliées. Embarquée dans une DS, ou dans n’importe quelle voiture, et même attablée avec une poignée de copains, cette génération ne peut s’empêcher de répéter la réplique de Depardieu conduisant l’auto verte : « on n’est pas bien là ? Paisibles, à la fraîche, décontractés du gland ? »
Dewaere nous a quitté il y a longtemps, Blier très récemment et Depardieu vit hors d’un temps qu’il n’a pas compris ou pas voulu comprendre. Mais l’un a filmé les deux autres et leur a écrit des dialogues crus et provoc que l’on se répète pour se souvenir d’un moment où l’on n’était pas sérieux, et où l’on ne prenait pas au tragique ce qui l’est aujourd’hui. Avait-on tort ou raison ?
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