Normes de sécurité : la Chine nous prend le volant
Concernant les nouvelles normes de sécurité automobile que la Chine a ou va adopter, il n’y a qu’une chose à dire : pourquoi ne les avons-nous pas édictées et adoptées les premiers ?

Les poignées de porte affleurantes pourraient bientôt être interdites en Chine. Cette très probable décision est une conséquence de l’accident dans lequel les trois passagers d’une Xiaomi SU7 n’auraient pu s’extraire de leur voiture en feu.
« N’auraient » car rien n’indique qu’ils étaient encore vivants après le choc à 100 km/h contre un plot de béton. Il est en revanche certain qu’il était impossible de les secourir, ces poignées étant commandées électriquement, comme celles d’une Tesla et de bien d’autres modèles qui devront revoir leur copie.
Ce drame pourrait aussi être à l’origine d’une autre interdiction, celle des appellations qui évoquent la conduite autonome telles que Autopilot, conduite intelligente, self driving… Il ressort en effet que l’accident a été causé par une utilisation abusive des assistances à la conduite, le conducteur n’avait pas les mains sur le volant et la voiture n’a détecté que tardivement la zone de travaux dûment signalée.
Autre probable durcissement de la réglementation chinoise concernant les mises à jour à distance (OTA : over the air) dont usent et abusent certains constructeurs, transformant leurs acheteurs en testeurs, voire en cobayes quand ils n’ont pas eu le temps de fignoler la mise au point.
Des batteries qui ne prennent plus feu
Enfin, et l’accident de la Xiaomi n’y est sans doute pas étranger, l’État chinois vient également imposer de nouvelles normes aux batteries de voitures électriques concernant les risques de feu ou d’explosion. Il ne s’agit pas seulement d’améliorer leur résistance aux collisions, mais aussi leur gestion via le BMS afin d’écarter tout risque d’emballement thermique en usage courant. Applicable en juillet prochain, la nouvelle norme imposera de nouveaux tests de collision, de court-circuit et de charge et décharge rapide à basse et très forte intensité.

Cette nouvelle norme devrait favoriser les batteries LFP (lithium fer phosphate), moins performantes mais à la chimie plus stable et endurante qui deviennent majoritaires en Chine, au détriment des accus NMC (nickel manganèse cobalt) choisi par la quasi-totalité des fabricants européens de batterie.
Qu’on ne voit pas pour autant dans ce panel de nouvelles normes une mesure protectionniste. Hormis Tesla – poignées affleurantes, mises à jour OTA, Autopilot – ces obligations concernent essentiellement les constructeurs chinois particulièrement prodigues en innovations et fantaisies de toutes sortes mais dont les délais de conception et d’industrialisation spectaculairement rapides conduisent à quelques malfaçons ou approximations
D’ailleurs, qu’a à craindre la Chine ? Un déferlement de Mégane E-Tech ?
Des voitures pas très communistes
Il y a une vingtaine d’années, dans le mensuel Auto-Moto, je signais un éditorial annonçant le basculement du centre de gravité du monde de l’automobile des États-Unis vers la Chine. Le marché chinois venait de rattraper le marché américain et je pronostiquais des changements majeurs : le modèle dominant qui depuis 1945 était la grosse américaine puis ses avatars, monospaces et SUV, allait enfin être contesté. Fini la course au poids, à la taille, à la puissance et au gadget qui, en ce milieu des années 2000, poussait nos berlines à l’obésité, nous allions entrer dans l’ère de la voiture frugale, pensée pour l’usage et non le paraître, des voitures enfin légères et compactes, raisonnablement performantes et surtout moins chères.
Sauf pour le dernier adjectif, je me suis magistralement gouré : la République populaire de Chine du XXI ème siècle ne produit pas des voitures très communistes. Même si elle a résisté un temps, et un peu encore aujourd’hui, à la folie du SUV, les autos qui sortent de ses usines, même en versions électriques, ne sont ni spécialement frugales, ni plus légères ou moins performantes que les nôtres. Quant au « paraître », elles se sont mises au gout du petit bourgeois occidental.
À nous de conjuguer le verbe « copier »
Je n’avais vu juste que sur un point, en prédisant que les standards de l’automobile viendraient désormais de Shanghai et Pékin et non plus de Detroit ou Stuttgart.
J’aurai dû écrire « normes » plutôt que standards car c’est bien ce qui est en train de se passer.
Pendant un siècle tout ce que réglementairement doit être une automobile était dicté par l’occident, Europe, États-Unis et, dans une moindre mesure, Japon. Il ne s’est pas seulement agi d’interdire mais d’abord d’imposer des voitures plus sûres et moins polluantes.
C’est désormais la Chine qui s’en charge. Les poignées de porte affleurantes, il était temps de s’en occuper. Non seulement, c’est une hérésie en termes d’ergonomie (pousser une extrémité pour pouvoir tirer l’autre) et de pratique (le moindre brouillard givrant les coince) mais cela n’apporte quasiment rien en termes d’aérodynamique et évidemment, quand elles sont commandées électriquement, c’est potentiellement dangereux si elles restent bloquées.
Et toutes ces futures ou nouvelles normes que je liste au premier paragraphe, des mises à jour à distance à la résistance au feu des batteries en passant par la conduite autonome, il était plus que temps de les imposer et on peut espérer que Washington et Bruxelles vont rapidement les suivre ou les copier.
" Copier " , il semble que ce soit désormais à nous, Européens, Américains, Japonais de conjuguer ce verbe.

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