Lotus Evora, une GT de connaisseurs, pas de frimeurs
Discrète, cette GT à moteur central n’attire pas tellement le regard mais, très rigoureusement conçue, elle séduit ceux qui placent le plaisir de conduire avant la frime. Et ça n’a pas de prix. Enfin, si : dès 30 000 €.

Les collectionnables sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Dans cette époque où le criard est à la mode, l'élégance discrète de la Lotus Evora a quelque chose d'anachronique et diablement séduisant. De plus, cette GT cherche à rivaliser avec la Porsche 911 mais avec ses propres armes. A savoir un moteur central allié à une configuration 2+2, une solution plutôt difficile à mettre en oeuvre, ainsi qu'à un châssis léger et ultra-rigide, réalisé en aluminium. De la belle technologie que rend rassurante un solide V6 Toyota : rien à jeter ! Extrêmement efficace, confortable et performante, l'Evora, peu connue, ne s'est pourtant pas bien vendue. Son prix restait pourtant tolérable, contrairement à celui de ses descendantes, monstrueusement chères ! Quoi qu'il en soit, les passionnés savent les qualités de la GT anglaise qui, très rare, tient fort bien la cote. L'Evora est une vraie voiture de connaisseurs, à mettre de côté pour ses compétence et son originalité cachée.
Renommé pour ses voitures de sport ultralégères, Lotus a, dès les années 70, cherché à monter en gamme en s’attaquant au marché des GT. Pourquoi ? Parce qu’il est bien plus lucratif, et un patron aussi près de ses sous que l’était Colin Chapman, créateur de Lotus, ne le savait que trop bien.
Cela a débouché sur plusieurs modèles, dont, en 1975, l’Esprit – dotée d’un moteur central –, passée à la postérité grâce à James Bond en 1977. Mais le constructeur l'a laissée en 2004 sans descendance. Du moins, pas immédiate. La marque d’Hethel s'appuyait alors sur ses exceptionnelles Elise et Exige, au joli succès commercial, mais à la rentabilité incertaine. Alors, on lance la conception d’un modèle haut de gamme, plus imposant, luxueux et puissant, à même de rivaliser avec la Porsche 911.

L’argument-massue de celle-ci, c’est sa praticité, notamment grâce à ses places arrière, certes minuscules. Qu’à cela ne tienne, la future grande Lotus en disposera également, malgré son moteur central. Elle profitera donc d'une architecture audacieuse, exploitée notamment par la Matra (530), la Lamborghini Urraco ainsi que les Ferrari 308 GT4 et Mondial.
Ce modèle, c’est l’Evora, qui est révélée dès 2008. Dessinée tout en finesse et subtilité par Russell Carr, elle ne laisse pas deviner qu’elle est une 2+2. Techniquement, c’est une grosse Elise, utilisant comme elle un châssis composé d’éléments en aluminium extrudés et collés. Etudiée pour largement excéder les normes de crash-test les plus sévères, notamment celles des USA, l’Evora n’est pas aussi légère que Lotus ne l’aurait voulu (1 383 kg), mais elle reste compétitive en la matière et dispose d’un moteur suffisamment puissant : un V6 3,5 l fourni par Toyota.

Atmosphérique, il produit 280 ch, et s’attèle à des boîtes 6 manuelle et automatique (dite IPS), elles aussi signées Toyota. Le tout propulse la Lotus à 262 km/h, et lui fait franchir les 100 km/h en 5,0 s. L’Evora est commercialisée en mai 2009 en France, à 61 189 € (en version biplace 2+0, la 2+2 étant plus chère), soit 78 600 € actuels selon l’Insee. C’est compétitif face aux 84 470 € d’une Porsche 997 Carrera, certes plus puissante.

De série, l’Evora ne croule pas sous les équipements : elle offre la clim manuelle, la sellerie cuir, ou encore la sono. Cela dit, les xénons, la régulation auto de la clim ou encore le régulateur de vitesse demeurent en supplément… Aussi l’anglaise débute-t-elle une carrière très discrète en France. En 2010, la Lotus passe à l’étape supérieure, en se dotant d’une version S. Celle-ci se signale par son compresseur Eaton qui en porte la puissance à quelque 350 ch. Même si le poids est en hausse (1 437 kg), la vitesse maxi frôle les 286 km/h et le 0 à 100 km/h chute à 4,6 s. Cela dit, ce sont les reprises qui progressent le plus fortement.

Toutefois, les ventes restent faibles en France, le réseau de distribution restant embryonnaire. Globalement, ça n’est guère mieux. Mais Lotus ne se laisse pas abattre, malgré les errements de Dany Bahar, parton de Lotus, qui voulait se débarrasser de l'Evora dès 2012... En 2016, la 400 remplace les Evora et Evora S, avec son moteur poussé à 406 ch et ses accessoires aérodynamiques générant un appui supplémentaire de 23 kg. Simultanément, l’habitacle est remanié.

En 2016, des séries spéciales sont proposées. La Sport 410, qui pousse la cavalerie légèrement (416 ch) mais s’allège de 70 kg, la vitesse maxi s’élevant à 306 km/h. Puis, en 2017, la GT430 qui s’autorise carrément 436 ch, un record pour une Lotus de route : 60 unités sont prévues. La 430 existe aussi en Sport, radicalisée et signalée par une aéro spécifique. Enfin, la GT410, apparue en 2019, se veut plus polyvalente. L’Evora est retirée en 2021, produite à 6 117 unités. Pas un grand succès…

Combien ça coûte ?
L’Evora 280 est rare, ce qui empêche sa cote de sombrer, dans toute l’Europe continentale. De plus, étonnamment, elle n’est pas tellement moins chère outre-Manche : impossible d’économiser quelques milliers d’euros en se contentant d’une conduite à droite, car suite au Brexit, il y a des taxes à l’import. Comptez 30 000 € pour un bel exemplaire totalisant 150 000 km. A 100 000 km, ce sera plutôt 35 000 €, et à 40 000 €, le kilométrage tombe aux alentours de 50 000. Il faudra débourser 10 000 € de plus pour une S, alors que les 400 sont à 75 000 € minimum.

Quelle version choisir ?
Si on en a les moyens, la S 350 ch représente un choix équilibré, entre performances consistantes et prix encore « humain ».

Les versions collector
Toutes, si elles sont en parfait état. Evidemment, les 400 séduiront davantage les collectionneurs, de par leur rareté et leurs performances.

Que surveiller ?
Les mécaniques Toyota ont une solide réputation de robustesse, et ce n’est pas le V6 de l’Evora qui l’infléchira. Ce bloc est d’une fiabilité à toute épreuve, tout comme les boîtes qui l’accompagnent. Sa distribution par chaîne facilite par ailleurs la maintenance. Cela dit, on a vu des durits d’huile flancher sur les premiers exemplaires de la S, défaut corrigé en après-vente. Par ailleurs, s’il ne pose pas de problème sur l’Evora S, le compresseur peut défaillir sur la 400.
Des cas d’embrayage bruyant ont été rapportés, soucis eux aussi corrigés. De très rares fois, le calculateur moteur a pu présenter des faiblesses, résolues également. Bien conçus, les trains roulants à double triangulation sont robustes, mais ils nécessitent des réglages très précis. La carrosserie vieillit très correctement, même si son assemblage manquait de rigueur durant les premiers millésimes. On cherchera surtout les traces de chocs.
A noter que la structure en aluminium se répare, même après un gros impact, contrairement à celle des Elise/Exige. Enfin, dans l’habitacle, on relève des cas de vitres électriques en panne, et de fermeture centralisée défectueuse, mais rien de bien grave. A surveiller également, les évacuations de la clim qui peuvent se boucher, et ainsi provoquer des remontées aqueuses dans le cockpit.

Sur la route
J’ai pu tester l’Evora en 280 ch et 350 ch. Dans les deux cas, elle propose un habitacle richement présenté, correctement fini et au confort avéré. Mais les places arrière sont anecdotiques, et la position de conduite imparfaite, par la faute d’un pédalier excentré vers la droite. Il n’y a pas non plus de repose-pied, mais on se fait vite à ces défauts. Pas tant grâce au moteur qui, en 280 ch, offre de belles performances mais un caractère plutôt lisse et une sonorité quelconque. De plus, la commande de boîte manque de précision.

Mais, dynamiquement, c’est l’extase. L’Evora est agile, très précise, et sa direction à assistance hydraulique offre un feeling remarquable. Par ailleurs, si elle n’offre pas le toucher de route d’une Europa S, l'Evora distille un confort bien supérieur. Souplement suspendue, elle ne communique pas assez sur ses limites : gare aux excès d’optimisme sur circuit si on a débranché l’ESP. La S (350 ch), est autrement convaincante.

Par ses performances – on s’en serait douté – , sa boîte bien plus agréable à manier, mais aussi son châssis. Plus ferme, il se révèle encore plus efficace, voire communicatif, au prix d’une négligeable perte de confort. Voici une GT extraordinairement agile et sûre, avec laquelle on fait corps. Mieux encore, on se voit très bien voyager à son bord, l’insonorisation et l’amortissement étant prévenants. Un compromis exceptionnel qui procure un immense plaisir, au prix d’une consommation étonnamment raisonnable en conduite légale : moins de 10 l/100 km.
L’alternative youngtimer
Lotus Esprit V8 (1995 – 2004)

Présentée en 1975, l’Esprit est la première grande GT de Lotus. Glamour grâce à sa ligne signée Giugiaro, elle connaîtra une très longue carrière. Restylée profondément en 1987, elle reçoit en 1996 un exceptionnel moteur V8 3,5 l biturbo développant 350 ch. Allié à une boîte 5 d’Alpine A610, il catapulte l’Esprit à 280 km/h. Le tout dans un chic cocon tendu de cuir. Modifiée en 1998 (embrayage, jantes, aileron et ABS sont revus), l’Esprit V8 se décline en versions GT et SE, cette dernière étant la plus chic. Plus nettement restylée en 2002, où elle reçoit des feux arrière d’Elise, l’Esprit disparaît en 2004, après avoir été produite à un peu moins de 1 500 unités. A partir de 60 000 €.
Lotus Evora (2010), la fiche technique
- Moteur : 6 cylindres en V, 3 456 cm3
- Alimentation : injection
- Suspension : doubles triangles, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs, barre antiroulis (AV et AR)
- Transmission : boîte 6 manuelle ou automatique, propulsion, différentiel à glissement limité
- Puissance : 280 ch à 6 400 tr/min
- Couple : 350 Nm à 4 700 tr/min
- Poids : 1 383 kg
- Vitesse maxi : 262 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 5,0 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver une Lotus Evora d'occasion, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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