La Toyota Prius est-elle finie?
Pionnière de la technologie hybride, la Toyota Prius symbolise l’une des plus formidables réussites industrielles des vingt dernières années. Mais une réussite qui voit ses ventes s'éroder dangereusement, au point que l'on peut sérieusement s'interroger sur ses perspectives d'avenir. Décryptage.
Paradoxe : alors qu’elle a créé à elle seule la catégorie des voitures à motorisations hybrides, au point que son nom est presque devenu un terme générique pour désigner les voitures dites « propres », la Toyota Prius est en perte de vitesse constante depuis plusieurs années.
Entre 2018 et 2019, les ventes en Europe de la berline Prius 4 (on parle ici de la version hybride simple) ont ainsi baissé de 47%, passant 10 083 à 5 334 unités écoulées. Aux Etats-Unis, la baisse s'établit à 20% sur la même période, de 87 000 unités à 69 000.
Un phénomène d’autant plus inquiétant que les hybrides ont partout le vent en poupe. En Europe, les ventes de ce type de motorisation ont progressé de près de 50% l’an dernier, pour atteindre une moyenne de 75 000 unités mensuelles.
Partout on loue les vertus de l’hybride, à commencer par les pouvoirs publics qui, en taxant les émissions de CO2 à coup de sévères malus, favorisent directement les motorisations électrifiées. Des motorisations électrifiées qui vont se répandre à toute vitesse dans les années à venir, et ce dans toutes les gammes et toutes les catégories de voitures chez des constructeurs qui, pour la plupart, regardaient de haut cette étrange petite berline apparue en 1997, sans imaginer que celle-ci posait les bases d’une véritable révolution automobile.
-47% en Europe !
Par ailleurs, la Prius est une voiture extrêmement fiable et peu exigeante en termes d’entretien. On ne compte plus les modèles ayant dépassé les 300 000 km sans interventions majeures, et les tarifs de l’auto s’en ressentent sur le marché de l’occasion. Les taxis ne s’y trompent d’ailleurs pas, qui plébiscitent la version monospace Prius+ pour son faible appétit et sa robustesse. Contrairement à la berline, cette dernière voit d’ailleurs ses ventes augmenter sensiblement.
A cela s’ajoute une excellente image de marque, flatteuse pour un propriétaire qui gagne instantanément l’étiquette d’ami de la planète. Roulant 50% du temps en mode électrique, et ce sans avoir besoin de se brancher à une borne pour faire le plein d’électrons, la Prius est un modèle particulièrement facile à vivre.
Une Prius pour 22 Corolla
Où est le problème, alors ? Celui-ci revêt des formes multiples. La première se situe dans les show-rooms des concessions Toyota, avec la concurrence interne que livrent à la Prius les Prius+, Corolla et autres C-HR, qui partagent avec elle sa motorisation 122 ch tout en affichant des tarifs sensiblement inférieurs.
Quand une Prius se présente à partir de 30 300 € en finition Dynamic, la Corolla équivalente démarre à 27 950 € et le C-HR à 29 300 €. Et les consommateurs y sont sensibles, ainsi qu’en attestent des ventes au beau fixe : en 2019, les Corolla hybrides ont représenté plus de 118 000 ventes en Europe et les C-HR hybrides plus de 119 000, soit 22 fois plus que de Prius !
D’autre part, la concurrence n’est pas restée les bras croisés. A commencer par les constructeurs coréens Hyundai et Kia, qui proposent de nombreux modèles hybrides dans leurs gammes, et ce à des tarifs inférieurs et sous des formes variées. Ainsi, si la Hyundai Ioniq a la bonne idée de s’inspirer des lignes de la Prius 3 (nettement plus consensuelle que le modèle de génération suivante), on peut aussi rouler « vert » avec un crossover (Hyundai Kona, Kia Niro…).
Et l’offre va continuer à s’élargir, jusqu’aux constructeurs français qui vont enfin développer la technologie hybride dans leurs gammes. En 2020, on verra notamment apparaître des blocs hybrides (rechargeables) sur les Renault Captur et Mégane, auxquels s’ajoutera un moteur hybride simple sur la Clio.
Le groupe PSA s’électrifie aussi, avec l’arrivée de modèles 100% électriques et hybrides rechargeables dans sa gamme. Même s’il ne s’agira pas de modèles concurrençant directement la Prius, ils participent de l’électrification générale qui rend de fait la japonaise moins exclusive.
Comment rebondir?
Pour toutes ces raisons, l’avenir de la Prius semble aujourd’hui particulièrement sombre. Etrange destin pour un modèle écoulé à plus de 4,5 millions d’exemplaires depuis sa création, hier chouchou des stars de Hollywood - qui lui préfèrent maintenant les productions Tesla - et longtemps considéré comme totalement en avance sur son temps.
Certes, ce n’est finalement pas un réel problème pour Toyota, qui s’enorgueillit à juste titre du succès de sa gamme de modèles hybrides, qui assure la moitié de ses ventes en Europe et même 70% sur le marché français. Selon une récente étude du Boston Consulting Group, les motorisations hybrides représenteront un tiers du marché mondial à l’horizon 2030. Et ça, c’est bien à la Prius - et à ses clients - qu’on le doit.
Seulement voilà, tout laisse à penser que l’intéressée ne sera plus là pour en profiter. Sauf à se réinventer, en introduisant par exemple de toutes nouvelles technologies de dépollution ou en passant au 100% électrique avec des technologies inédites à ce jour. Nul doute que Toyota est encore en mesure de nous surprendre.
Nous avons bien sûr invité Toyota à s’exprimer sur le sujet, mais la marque est hélas restée muette malgré plusieurs relances. On peut y voir le signe que la question est sensible, mais aussi que la page est bel et bien sur le point d’être tournée. C'est aussi le signe que la Prius a maintenant accompli sa mission.
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