" La fiscalité devient presque confiscatoire pour certains de nos véhicules " déplore Olivier Loghrieb, gestionnaire de flotte du Groupe La Centrale.
Suppression du bonus, accentuation du malus, modification des avantages en nature, taxe incitative, la politique yoyo de l’exécutif en faveur du verdissement des flottes donne le tournis à ses gestionnaires. Entretien avec Olivier Loghrieb, gestionnaire de flotte du groupe La Centrale.

Le Groupe La Centrale dispose de 71 véhicules en flottes. Depuis 5 ans, l’entreprise a pris le virage de l’électrification, avec des voitures électriques, une majorité de modèles hybrides et un dernier modèle essence. Engagée dans une démarche de verdissement à moyen et long terme de son parc, la société doit faire face à un incessant yoyo fiscal.
L’exonération de la taxe annuelle sur les émissions de CO2 dont bénéficiaient les véhicules hybrides est supprimée depuis le 1er janvier 2025 et la révision des avantages en nature sur ces mêmes véhicules a été modifiée au 1er février. Ces changements " pénalisent l’entreprise et les salariés. " Entretien avec Olivier Loghrieb, gestionnaire de flotte du groupe La Centrale.

Le projet de loi de finance 2024 avait programmé le barème de la taxe annuelle sur les émissions de CO2 pour 2025, 2026 et 2027. Cela permet aux entreprises d’adapter leur parc en fonction des nouvelles règles ?
" Le barème d’émissions prévoit un abaissement de 5 g sur 3ans : 113 g en 2025, 108 g en 2026 et 103 g en 2027. Parallèlement le malus écologique augmente. De ce point de vue il y a un peu de visibilité, mais l’évolution du barème est très brutale. L’entreprise ayant des contrats de location pluriannuels, il est impossible de renouveler chaque année l’ensemble de notre parc.
Par ailleurs le gouvernement présente une loi de finance qui modifie la donne pour les gestionnaires de flotte. L’ex-TVS, la taxe sur les véhicules de société, remplacée par les taxes sur l'affectation des véhicules de tourisme (la taxe annuelle sur les émissions de CO2 et la taxe annuelle sur les émissions de polluants atmosphériques NDLR) devient presque confiscatoire pour certains de nos véhicules entrés en flotte avant la réforme et dont on doit encore se servir dans les années à venir. Résultat, le montant de nos taxes augment de façon vertigineuse. "
Concrètement, en quoi ces changements influent sur la gestion de flotte de l’entreprise ?
" Je vais illustrer cela avec un cas précis. Celui d’un Citroën Berlingo essence avec une émission de CO2 de 153 CO2/km, immatriculé en novembre 2022 et livré en février 2023. Il s’agit d’un véhicule Crit’air 1, donc sur le papier à l’origine plutôt vertueux. En 2023 le montant de la taxe sur les véhicules de société était de 700 €. En 2024, l’entreprise a déboursé pour ce même véhicule 1 430 € et cette année, il va nous coûter 7 650 € rien qu’en taxes sur l'affectation des véhicules de tourisme (ex-TVS). Un montant multiplié par 10 en 3 ans. C’est dément. "
" Nous restons ouverts à intégrer des véhicules électriques en parc, mais la réalité du terrain en montre rapidement les limites."
Pourquoi ne pas remplacer votre Berlingo par un modèle électrique ?
" Le véhicule, est loué par la société pour 3 ans. Nous sommes donc pieds et mains liées avec ce véhicule jusqu’au terme du contrat en 2026. In fine nous avons quand même décidé de nous en séparer au profit d’une voiture hybride. Parce que si nous le gardons, chaque mois il nous coûte minimum 700 € de taxes, soit l’équivalent d’un loyer mensuel pour une Tesla Y. Mais nous devons payer au loueur des pénalités de restitution anticipée, à savoir 1/3 des loyers restant. C’est une contrainte non prévue dans la gestion de notre parc, mais que nous sommes obligés d’effectuer. "
Pourquoi ne pas passer toute la flotte en électrique ?
" Il serait tentant pour certaines entreprises de penser qu'il suffit de passer 100 % de leur flotte en véhicules électriques. Ce n'est clairement pas notre cas, et pour de bonnes raisons.
Les 3/4 de nos collaborateurs ne peuvent pas basculer vers l’électrique. Beaucoup vivent en province, en copropriété, loin d'une borne publique. Ils n'ont pas la possibilité de recharger leur véhicule à domicile ou pendant la nuit. De plus, nos commerciaux parcourent en moyenne 50 000 à 60 000 km par an, soit plus de 300 km par jour. Dans ces conditions, passer 1h à 1h30 pour recharger en itinérance n'est tout simplement pas envisageable. Nous restons ouverts à intégrer davantage de véhicules électriques dans notre parc, mais la réalité du terrain en montre rapidement les limites. "
De quelles solutions disposez-vous ?
" Si demain une entreprise décidait de forcer ce virage, cela pourrait entraîner une discrimination à l'embauche : on chercherait alors des profils électro compatibles capables de rouler en électrique, au détriment des autres candidats. À moins d’accepter des surcoûts (augmenter les charges ou verser un salaire plus élevé pour compenser l'avantage en nature), cela deviendrait un poids financier pour l’entreprise… et pour le salarié aussi. Concrètement, un commercial roule aujourd'hui en hybride rechargeable d'une valeur de 42 000 €. Pour une livraison avant le 1 er février 2025, son Avantage en Nature (AEN) était d’environ 420 € par mois. Pour le même véhicule livré après le 1er février 2025, l’AEN grimpe à 700 € par mois, soit 3 360 € de plus par an. Son net imposable augmenterait mécaniquement, sans pour autant qu'il n'y ait de gain réel pour lui. Comment lui expliquer qu’il travaillera autant, pour au final gagner moins ? C’est une impasse. "
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