La filière automobile va-t-elle participer à l'effort de guerre ?
L'INFO DU JOUR - Alors que l'Europe se met en ordre de marche pour se remilitariser rapidement, les industriels de l'automobile pourraient bien être sollicités. Des équipementiers aux constructeurs, en passant par les modèles compatibles, passage en revue des troupes.

Il était impossible d’imaginer que l’on puisse, un jour, reparler d’effort de guerre en France. Et pourtant, depuis l’élection de Donald Trump en novembre et depuis l’altercation du président des États-Unis avec Volodymyr Zelinsky le 28 février dernier au sujet de l'Ukraine, le terme a ressurgi. Et il a été employé par Emmanuel Macron au cours de son allocution du 5 mars au soir.
Cet effort de guerre est d’ores et déjà évalué à travers l’Europe, puisqu’à Bruxelles, on évoque la somme de 800 milliards d’euros. Un montant, énormissime, qui serait évidemment réparti entre les 27 pays adhérents et les principaux d'entre eux ont d’ailleurs déjà commencé à faire leurs comptes. La somme s’élèverait entre 200 et 400 milliards pour l’Allemagne, et plus de 20 milliards par an pour la France. Une différence qui s’explique, évidemment, par le retard pris par nos cousins d’outre-Rhin en la matière.
L’industrie militaire, mais pas que
Dans ces investissements, la belle part reviendrait bien entendu à l’industrie militaire, et comme le rappelle le ministre de la Défense Sébastien Lecornu, il faudrait mettre en chantier deux ou trois frégates, mais aussi une vingtaine de Rafales et des moyens liés à l’aérospatiale. Mais au-delà des entreprises spécifiques comme Safran, Dassault, Thales ou Naval Group, le nouveau nom de la direction des constructions navales, la filière automobile pourrait elle aussi être impliquée. Et elle l’est d’ailleurs déjà.
Valeo équipe déjà des véhicules militaires avec ses systèmes de vision 360 degrés et sa technologie autonome, notamment ses Lidar. Arquus, ex-Renault Trucks, fournit des VAB (véhicules d’avant blindé) comme le Sherpa Light, le Kerax et le VT4. Mais l’avenir, et les lourds investissements à venir, pourrait bien faire passer la surmultipliée à ce marché. Même si les transports terrestres de troupes sont moins conséquents dans la guerre dite "moderne".
Reste que les besoins existent, et le vice-président de la Commission européenne ne s’en est pas caché. Venu le 5 mars devant les micros pour commenter les décisions de l’UE pour aider la filière auto aux côtés de Luca de Meo, dg de Renault, il n’a pas exclu d’ouvrir les appels d’offres à venir dans le domaine de la défense aux équipementiers et même aux constructeurs, pas toujours agrées et munis du tampon « militaire ».
Car dans les garages militaires actuels, on trouve plusieurs types d'autos. Quelques Land Rover Defender anciens traînent encore dans les casernes, mais on y trouve aussi le déjà nommé Arquus VT4. Or, ce dernier n’est qu’une version rebadgée, et militarisée, du Ford Everest, un gros et lourd 4x4 idéal pour la chose militaire. Or, l’Everest est une auto américaine, et il n’est pas sûr que par les temps qui courent, s’afficher dans un engin US soit du meilleur aloi.

Alors en quoi nos soldats pourront-ils courir la campagne ? Les 4x4 100% français sont inexistants sur notre marché, hormis l’Ineos Grenadier qui équipe d’ailleurs le RAID. Certes, c’est une maison anglaise, mais ses autos sont fabriquées en France. En plus, nos relations s’étant bien améliorés depuis quelques jours avec la perfide Albion, l’affaire serait jouable, sauf que la capacité de production de l’usine de Hambach n’est pas extensible.
Les constructeurs français traditionnels ont arrêté les baroudeurs, faute de marché civil, et pas sûr qu’un Dacia Duster fasse vraiment l’affaire, même en tenue de camouflage. Il y aurait bien le Peugeot Landtrek. Sauf que ce pick-up est réservé aux pays lointains, qu’il est fabriqué sur une base chinoise (Dongfeng) et n’est absolument pas adapté aux normes occidentales. Reste le recours Mercedes. Son Classe G était rebadgé, en d’autres temps, en Peugeot P4 et pourrait être enrôlé à nouveau dans sa nouvelle formule, même s’il coûte très cher.
L’Allemagne recrute parmi les salariés de l’automobile
Si l’industrie allemande n’a pas encore été sollicitée par Stellantis ou le gouvernement français, le pays en revanche, n’a pas attendu pour se mettre en mode "économie de guerre". Les dirigeants de l’industrie militaire locale, beaucoup moins importante que chez nous s’est mise en marche, et n’hésite pas à solliciter l’aide de la filière auto, mais pas en lui passant des commandes pour le moment.
L’idée des deux grands groupes de matériel militaire allemand, Hensoldt et le fabricant de munitions Rheinmetal consiste à récupérer le personnel licencié chez les équipementiers comme les constructeurs. Et ils ont de quoi satisfaire leurs besoins avec près de 50 000 suppressions d’emplois envisagés. 200 employés de Bosch et Continental pourraient rejoindre très vite des usines d’armes alors que ZF est également en discussion pour transférer ses salariés mis à la porte. Si Volkswagen n’a pas encore pris de décision dans ce sens, nul doute qu’il ne devrait pas tarder à le faire.
Une filière en vogue qui bénéficie d’une économie défaillante ? Le patron de Hensoldt ne s’en cache même pas lorsqu’il explique à l’agence Reuters qu’il « profite des difficultés du secteur automobile ». L’économie de guerre au secours de l’économie tout court, une vieille histoire.
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