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L'incroyable arnaque au covoiturage  - Droit de réponse

Dans Pratique / Autres actu pratique

Lionel Bret , mis à jour

C’est une bien belle histoire de détournement que nous révèle le Journal d’Elbeuf. Dans son édition du 5 mars dernier le site de l’hebdomadaire dévoile comment au cœur de la Métropole Rouen Normandie des petits malins dévoient l’utilisation l’application de covoiturage Klaxit à des fins lucratives... sans covoiturer qui que ce soit. A la suite de la publication de cet article, Klaxit nous a adressé le droit de réponse ci-dessous.

L'incroyable arnaque au covoiturage  - Droit de réponse

Le covoiturage, une affaire qui roule. Sur l’ensemble du territoire national, en février 2023, on compte 646 079 véhicules partagés, 815 461 passagers transportés et près de 850 000 trajets réalisés grâce à plus de 20 opérateurs, dont BlaBlaCar Daily, Karos, Mobicoop, Ynstant, La roue verte ou encore Klaxit qui revendique le statut de leader du covoiturage courte distance.
Klaxit est une application de covoiturage spécialisée dans les cours trajets domicile – travail. Son but : mettre en relation covoitureurs et covoiturés afin de limiter les déplacements automobiles en solo.

La Normandie en pole position

Présente dans plus de quarante collectivités territoriales de Montpellier à Paris en passant par Metz ou encore la Touraine, c’est sur la Métropole de Rouen que l’appli est la plus utilisée. 
En dehors de Paris, la préfecture de la Seine-Maritime est la ville française qui covoiture le plus avec près 110 000 trajets en auto partagée relevés en janvier 2023.

Pour créer et développer des réseaux de covoiturage locaux, Klaxit s'appuie à la fois sur les entreprises qui proposent le service à leurs collaborateurs, mais également sur les collectivités territoriales, qui dans l’optique d’encourager le développement de cette pratique de déplacement, subventionnent les trajets effectués en covoiturage.  
Dans le cadre de ces partenariats, le trajet est gratuit pour le passager (sa quote part est directement versée à Klaxit par la collectivité sous contrat) tandis que le conducteur se voit versé une rémunération (toujours par la collectivité territoriale) de deux euros à quatre euros par passager. Le prix d’un service permettant de fluidifier la circulation urbaine et d’en limiter la pollution atmosphérique. Tout irait bien dans le meilleur des mondes si un grain de malice n’était venu gripper ce vertueux engrenage. 

Covoiturage "boîte à gants"

Le Journal d’Elbeuf révèle le cas de Manon* , étudiante à Rouen. Lors de ses trajets en voiture dans la métropole, elle lance Klaxit sur son téléphone, une application subventionnée depuis un an et demi par la Métropole pour inciter au covoiturage. La conductrice touche pour chaque trajet de moins de 30 km 2 euros. Une manière de participer aux frais de carburant et d’entretien de la voiture.

L'incroyable arnaque au covoiturage  - Droit de réponse

Sauf qu’ici, personne n’est installé sur le siège passager aux côtés de Manon. La jeune femme fait ce que les adeptes de la pratique appellent du « covoiturage de boîte à gants », c’est-à-dire qu’elle utilise deux téléphones. Le sien et un second censé être celui du covoituré qu’elle laisse dans la boîte à gants de sa voiture ou dans son sac à main. Une méthode qui lui permet d’arrondir ses fins de mois. D’après l’hebdomadaire seinomarin, elle n’est pas seule à avoir flairé la bonne affaire.

Dans la Métropole, l’astuce frauduleuse circule par le bouche-à-oreille. « C’est une copine qui m’a parlé de l’application », raconte Manon, « Et au moment où j’ai dû changer de portable, l’idée m’est venue. » La jeune femme indique avoir « pris un forfait à 2 € chez Free pour [son] ancien portable», qu’elle utilise désormais pour se faire passer pour un covoitureur. Sans parler de la prime de 100 € à laquelle peut prétendre tout néo-covoitureur pour l’encourager au covoiturage.

Une centaine d'euros par mois facilement gagnés

Thomas Rideau, le journaliste en charge de l’enquête décide en février dernier de vérifier les affirmations de Manon et de tenter l’expérience d’utiliser en lieu et place d’un véritable passager, un second téléphone portable.
« En faisant huit trajets, nous avons pu cumuler une vingtaine d’euros » rapporte le journaliste. « En un mois, à raison de deux trajets par jour on peut donc amasser une centaine d’euros (sans compter les bonus alloués par l’application). » calcule-t- il. 
Et si on multiplie le nombre de téléphone dans le véhicule, la rémunération en devient d’autant plus conséquente.

Le covoiturage…en bus !

Plus besoin de voiture, ni d’être titulaire d’un permis de conduire. Pour covoiturer, certains se contentent de monter dans un bus et d’activer Klaxit qui apparemment ne fait pas la différence entre bus et voiture.

C’est le cas de Maxime*, un autre étudiant qui relie Rouen à Saint-Étienne-du-Rouvray. « On sait qu’on peut utiliser Klaxit pour faire de l’argent », explique-t-il au quotidien. Il a allumé l’application dans le bus avec des amis. Ils ne sont pas les seuls à le faire.

Un autre témoin, habitué des trajets entre Grand-Quevilly et l'agglo d'Elbeuf a indiqué au Journal d’Elbeuf, s’être fait payer deux euros par Klaxit pour avoir covoituré avec son voisin. Mais il était tout seul. Et dans le bus.

En réponse, la Métropole Rouen Normandie interdit depuis le mois de mars, d’utiliser Klaxit dans un rayon de 400 mètres autour du métro et des lignes de bus !

Fraude en famille

Un troisième cas de figure est revenu à plusieurs reprises : celui des courses familiales. Une mère de famille a en effet confié utiliser Klaxit avec les portables de ses enfants pour aller au supermarché. De quoi détourner largement l’utilisation première de l’application. 
Quid de ce qui se passe chez les autres opérateurs ? On peut légitimement s’interroger sur  un dévoiement à plus grande échelle notamment auprès de la dizaine d’autres sociétés offrant des services de covoiturage.

Au moment où s’opère sur le secteur un début de concentration, avec le rachat de Klaxit par BlaBlaCar, ne serait-il pas temps pour les opérateurs, mais également les services publics qui financent largement ces plateformes de s’assurer du bon fonctionnement du système.

Gaspillage d’argent public 

D’après notre confrère, la Métropole Rouen Normandie aurait dépensé 4,2 millions d’euros avec Klaxit.

Sur 25 communes d'Indre-et-Loire, les 22 villes de Tours-Métropole et celles de Vernou-sur-Brenne, Vouvray et la Ville-aux-Dames qui ont choisi un partenariat avec Klaxit, c'est le Syndicat des mobilités de Touraine qui paie le trajet aux conducteurs grâce à la subvention de la collectivité d'un montant de 77.000 euros pour 2022, année d'expérimentation. 
Montpellier Méditerranée Métropole finance depuis le 1er mars 2021 un service de covoiturage domicile-travail sur l'ensemble de ses 31 communes et est ambassadeur d'un programme national subventionné par les Certificats d'Economies d'Energie à destination des entreprises du territoire.

Tous les trajets en covoiturage réalisés sur l’application Klaxit et ayant pour origine ou destination l’une des 31 communes de la Métropole seront subventionnées par la collectivité. Et les aides vont aller crescendo. L’Etat a débloqué une enveloppe de 150 millions d’euros pour soutenir le covoiturage aux côtés des collectivités. A chaque fois qu’une métropole déboursera 1 euro, l’Etat en versera autant. L’objectif : avoir sur le territoire 3 millions de covoitureurs d’ici 2028.

*Les prénoms ont été modifiés


A la suite de la publication de cet article, Klaxit nous a adressé le droit de réponse suivant:


                        Droit de réponse - Utilisation détournée du covoiturage à Rouen

Bonjour,

Nous avons pris connaissance de votre article sur les utilisations détournées du covoiturage à Rouen. Contrairement à ce que vous indiquez dans cet article, ces usages ne sont absolument pas massifs et font l’objet d’une supervision stricte du Ministère des Transports.


1/ Une situation très marginale

Les usages détournés sont très marginaux (moins de 2% des utilisateurs) et font l’objet d’une exclusion de la plateforme.

2/ Des règles définies par le Ministère des Transports

Le Ministère des Transports a créé le Registre de Preuve de Covoiturage (RPC), un tiers de confiance qui permet de certifier les trajets de covoiturage des opérateurs partenaires, dont Klaxit, Karos et Ecov. Les règles du RPC sont les mêmes pour tous les opérateurs de covoiturage.

A ce titre, Klaxit est conforme à l’ensemble des règles du RPC avec les plus hauts niveaux de sécurité définis par ce dernier (classe C, vignette identité, identification renforcée avec selfie). Cette conformité a été confirmée par un audit commandé par le Ministère et mené par le cabinet BearingPoint en décembre 2022.

Nous vous invitons fortement à consulter les règles définis par le RPC pour constater par vous-même qu’une supervision stricte est en place : https://covoiturage.beta.gouv.fr/tiers-de-confiance/

Concernant les failles relevées dans l’article original du Journal d’Elbeuf, vous constaterez que celles-ci sont liées à des seuils réglementaires du RPC et notamment de la « vignette identité ».

3/ Une équipe dédiée

Le sujet des usages détournés est pris très au sérieux. Au-delà des technologies mises en œuvre, nos équipes spécialisées procèdent à des vérifications renforcées via des analyses manuelles des comportements suspects.

A ce titre, nous sommes avec d’autres opérateurs force de proposition pour continuer à faire évoluer et renforcer les règles communes du RPC.

                                                   Commentaire Caradisiac:

Sans remettre en cause l'existence de la fraude, Klaxit en marginalise la portée en affirmant que celle-ci serait de moins 2%. Sur quel base est tiré ce pourcentage ?

S'il se base sur le nombre de fraudeurs qui se sont faits attraper, nous sommes en droit de nous interroger sur le nombre d'autres fraudeurs sévissant encore.

L'opérateur affirme par ailleurs respecter la loi et être en conformité avec les règles du Registre de Preuve de Covoiturage (RPC) ce que Caradisiac ne remet à aucun moment en cause.

Précisons enfin que nous avions sollicité Klaxit à plusieurs reprises avant la publication de cet article, et qu'il n'avait alors répondu à aucune de nos demandes.

 

 

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