L’histoire étrange de la supercar secrète de Jaguar, la XJ13
Conçue pour lutter au plus haut niveau en Sport Proto, la XJ13 n’a pourtant jamais pu courir, car tout s’est ligué contre elle. Elle n’en demeure pas moins l’une des voitures les plus fabuleusement belles jamais dessinées par Jaguar !
Même si elle a apporté une énorme renommée à ses voitures, William Lyons délaisse la compétition à la fin des années 50. Cela ne plaît pas exagérément à ses ingénieurs, mais le patron est pingre et tient son entreprise d’une main ferme. Que faire alors ? C’est simple, ils vont concevoir une voiture de course dans son dos !
Il faut dire que Claude Baily, ingénieur en chef chez Jaguar, travaille alors avec William Haynes et Walter Hassan au développement d’un fabuleux V12, un moteur qui pourrait se révéler tout à fait compétitif en couse ! On va donc l’installer au centre d’une machine de circuit au châssis semi-monocoque, dont la carrosserie sera dessinée par le talentueux Malcolm Sayer, celui qui a notamment tracé la ligne sculpturale de la Type E.
Cela donne fin 1966 la XJ13, pour eXperimental Jaguar #13. Basse, racée, fuselée, musclée et équilibrée, l’auto est une superbe bête de race. Lyons est mis devant le fait accompli, mais il accepte la poursuite de la conception. Il faut dire que l’auto se révèle techniquement très avancée car son moteur joue un rôle structurel (la suspension prend appui sur lui), exactement comme dans une Lotus 49… et une Ferrari F50 près de trente ans plus tard. Elle a donc toutes ses chances.
Et ce bloc… Quel joyau ! D’une cylindrée de 5,0 l, il s’équipe de quatre arbres à cames en tête commandés par cascades de pignons et d’une injection Lucas : Ferrari n’a qu’à bien se tenir ! Malheureusement, le timing va s’avérer désastreux. Ford fait un ravage aux 24 Heures du Mans 1966, avec ses superbes GT40. La future Jaguar ne peut pas se permettre de ne pas être d’emblée compétitive, ce qui impose une longue mise au point. Hélas, celle-ci ne peut être terminée pour l’édition 1967 de la course sarthoise. Qu’à cela ne tienne, les ingénieurs auront plus de temps pour la fignoler en vue d’une victoire l’année suivante !
Patatras, alors que les travaux vont bon train, la FIA change le règlement : désormais, les moteurs ne pourront dépasser les 3,0 l de cylindrée. Impossible d’adapter le moteur de la XJ13 : Jaguar abandonne le développement, au grand soulagement de Lyons qui, vieillissant, ne se voyait pas partir en retraite sur un échec. La voiture, que personne n’a vu rouler officiellement, est remisée en secret. Décision aurait pu être prise de la transformer en supercar de route, rivale de la Lamborghini Miura, mais le constructeur n'en fera malheureusement rien.
Tout ne sera toutefois pas perdu : le V12 de course se retrouve, nettement simplifié, dans la Type E de série en 1971. Et pour le promouvoir, on décide de se servir de l’unique XJ13 jamais fabriquée. On doit la voir rouler dans un film promotionnel sur la piste du MIRA, et le jour du tournage, c’est Norman Dewis, pilote d’essai Jaguar, qui est aux commandes.
Tous se passe bien jusqu’en fin de journée. Dewis amorce un dernier tour rapide sur le banking, et là, horreur, le pneu arrière droit éclate. La voiture franchit les limites de la piste, littéralement projetée dans les airs, exécute plusieurs figures qui auraient pu passer pour artistiques si elles avaient été volontaires, et va s’écraser lamentablement dans la boue. Par miracle, Dewis n’a rien. Mais l’unique prototype est salement amoché ! Ainsi, la XJ13 ne pourra pas non plus servir à la promotion du V12 Jaguar, qui équipera toutefois une autre XJ, la 12…
Ses restes sont récupérés puis stockés dans l’usine où, divine surprise, on décide de la remettre à neuf. Et c’est une XJ13 dont chaque panneau de carrosserie a été soigneusement remis à neuf qui ressort en 1973. Elle acquiert sa petite notoriété, à force de tours d’exhibition, mais voilà, un des pilotes entraine le V12 dans un surrégime quasi-fatal. L’autre moteur fabriqué a un piston défectueux, mais on l’installe quand même dans le bolide qui, décidément, a la poisse.
Désormais, il n’est plus question de faire rugir la mécanique, mais la voiture roule encore de temps en temps. Ses malheurs appartiennent-ils au passé ? Que nenni. En 2004, alors qu’on la descend de sa remorque à Copenhague en vue d’une démonstration, la la XJ13 tombe durement, fracassant son carter et son bloc-moteur. Quand ça veut pas…
Mais on ne s’en laisse pas compter chez Jaguar, et, une nouvelle fois, on remet la XJ13 à neuf, pour la parade des 24 Heures du Mans 2006. Le jaguar a le chat noir car, on aurait presque pu le prédire, la voiture n’est pas terminée à temps. Mais cette fois, le ciel s’éclaircit car juste après la course moderne a lieu le Mans Classic, et là, elle aura tout loisir de faire rugir son V12, que le choc danois n’aura ainsi pas tué ! Depuis, la XJ13 sort régulièrement, notamment à Goodwood.
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