L'Abt XGT était vraiment la voiture la plus folle de cette année 2024
Dans l’histoire moderne de l’automobile, c’est du jamais vu. Ni Ferrari, ni Porsche, ni même McLaren n’avaient jamais osé aller aussi loin que cette Audi R8 de course homologuée pour la route par Abt. De quoi utiliser enfin avec exactitude une expression si souvent galvaudée qu’emploient les journalistes automobiles pour décrire une auto un peu radicale. Et nous faire beaucoup transpirer.
Nous, les journalistes automobiles, abusons régulièrement de formules un peu lourdingues et téléphonées dans la rédaction de nos essais. Outre l’incontournable « Docteur Jekyll et Mister Hyde » employé à tire-larigot dès qu’il faut décrire une voiture capable de modifier un tant soit peu ses paramètres châssis et moteur via des boutons au tableau de bord (comme la quasi-totalité des voitures neuves actuelles), l’abus du fameux « voiture de course homologuée pour la route » fait aussi partie de ces formules faciles que vous pouvez souvent lire dans les essais de super-sportives routières à la définition plus ou moins radicale (Alpine A110 R, Porsche 911 GT3 RS, McLaren 765 LT…).
Des expressions, dans l’immense majorité des cas, totalement galvaudées puisqu’on parle bien de sportives développées spécialement pour la route quel que soit leur degré d’extrémisme mécanique avec des suspensions, un groupe motopropulseur, une direction et un système de freinage conçus pour une utilisation dans la vie réelle (même si certaines d’entre elles peuvent faire preuve d’une belle efficacité sur circuit et même parfois d’une remarquable endurance sur ce terrain).
Dans l’histoire de l’automobile, il existe cependant quelques exceptions à ce principe universel. Jusque dans les années 1960, déjà, la frontière entre les voitures de course et les modèles routiers restait nettement plus ténue. Tout le monde se souvient par exemple de la Ferrari 250 GTO de 1962, l’une des automobiles les plus recherchées sur le marché de la collection qui avait parfaitement le droit de circuler sur la route tout en ayant été conçue pour gagner les 24 Heures du Mans.
Depuis, les normes routières et en compétition ont évolué de façon à interdire totalement aux deux univers de fusionner. Avec quelques cas spéciaux tout de même, comme lorsque Dauer est parvenu à faire homologuer sa 962 Le Mans en 1993 (quelques mois après Schuppan et sa 962 CR) sur la base de la Porsche 962, un pur sport-proto de compétition de catégorie Groupe C plusieurs fois victorieux aux 24 Heures du Mans, profitant aussi d’une faille réglementaire en endurance pour remporter l’épreuve en 1994 dans une catégorie réservée aux voitures de route modifiées (l'ironie).
Depuis ce temps, la filiation entre modèles de course et variantes routières demeure parfois perceptible, y compris pour des raisons réglementaires. Lors de la grande époque des GT1 aux 24 Heures du Mans après le milieu des années 90, les Porsche 911 GT1, Mercedes CLK GTR, Nissan R390 et autres Panos Esperante GTLM possédaient toutes leurs variantes routières construites en quelques exemplaires. Des machines faisant office de véritables licornes, sagement rangées dans des garages de milliardaires (ou les musées des constructeurs concernés) et réputées inconduisibles sur la route.
Dans une définition bien plus polyvalente, la Maserati MC12 de 2004 ou la Ford GT de 2017 reprenaient elles aussi ce lien étroit entre la version de course et celle de route, mais avec deux déclinaisons quand même très différentes l’une de l’autre techniquement (cartographie et préparation moteur, freins, direction, suspension...). Aujourd’hui les deux univers ne se superposent plus, même lorsqu’on parle de machines routières aussi excellentes et radicales que la Porsche 911 GT3 RS de type 992, son coffre avant remplacé par un énorme échangeur air/eau, son gigantesque aileron arrière et son kit carrosserie plus extrême que celui d’une 911 GT3 Cup de compétition.
Voilà pourquoi l’arrivée de l’Abt XGT détonne vraiment dans l’univers des voitures modernes. Sa carrosserie seyante et bardée de flaps aérodynamiques de tous les côtés fait penser aux appendices débiles qu’on trouve habituellement sur les créations des tuners les plus caricaturaux mais elle n’a justement rien à voir avec ce monde-là. Pour trouver son origine, il faut plutôt regarder dans le catalogue de compétition d’Audi. Dans sa seconde génération qui vient de s’éteindre, la R8 disposait de trois vraies versions de course :
-La LMS GT3 engagée dans la catégorie du même nom (réglementation FIA GT3), formant le plus haut niveau des compétitions GT actuelles avec un châssis préparé au maximum, un V10 poussé mais bridé réglementairement, un châssis bourré d’appui aérodynamique, une boîte séquentielle pneumatique et des chronos sur circuit à la pointe.
-La LMS GT2 ensuite (réglementation FIA GT2), disposant d’un châssis moins profondément préparé (restons relatifs car elle possède déjà de vraies suspensions de course différentes de la R8 routière), d’un niveau significatif d’appui aérodynamique mais d’un groupe motopropulseur très proche du modèle routier (V10 de 640 chevaux et 550 Nm connecté à une boîte à double embrayage).
-La LMS GT4 enfin (réglementation FIA GT4), la plus proche des trois de la R8 routière avec un châssis et des suspensions simplement renforcées, un appui aérodynamique encore plus faible ainsi qu’un V10 bridé à 495 chevaux.
Vous l’aurez peut-être découvert en étudiant les images de ces trois R8 de course, l’Abt XGT possède exactement la caisse de la R8 LMS GT2. Pour fêter la fin de carrière de la super-sportive allemande, son fidèle préparateur et partenaire historique en sport automobile Abt s’est amusé à homologuer pour la route une série de 99 R8 LMS GT2 en leur apportant de toutes petites modifications comme le détaillait Alan Froli dans son essai pour Caradisiac l’été dernier : l’ajout d’un commodo de clignotants et de quelques équipements obligatoires pour les voiture de route à l’intérieur, de silencieux assortis de filtres à particules sur la ligne d’échappement, le remplacement des ressorts des combinés filetés de la suspension avec aussi des différences de réglage des suspensions, un pavillon de toit revu, un réservoir de carburant changé et une cartographie moteur- boîte légèrement ajustée.
J’insiste, la carrosserie ridiculement agressive de l’Abt XGT ne doit rien à une quelconque volonté d’en rajouter pour « faire joli » ou impressionner. La XGT n’est qu’une vraie voiture de course aux réglages à peine retouchés pour la rendre légale sur la route en Allemagne, où Abt l’a homologuée en bonne et due forme. Avec, la réglementation européenne aidant, une homologation routière étendue à toute l’union européenne grâce à cette stratégie astucieuse ! Notons que la KTM X-Bow GT-XR homologuée pour la route se veut elle aussi très proche de sa variante de compétition GT2 (la X-Bow GT2), mais elle possède de plus grosses différences mécaniques que l’Abt XGT entre la voiture de course et le modèle routier.
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