Interview d' Alice Geneste : Des nouvelles de notre championne d'enduro, gravement blessée fin mai 2009
Il y avait longtemps que je voulais vous donner des nouvelles d'Alice Geneste, notre championne d'enduro. Alice a gagné les ISDE en Grèce en 2008, avec Audrey Rossat et Ludivine Puy. Cette même année, elle est vice-championne d'Europe et championne de France.
Fin mai, en championnat d'Europe en Hongrie, Alice chute en liaison. Une chute comme les enduristes en prennent des quantités, se relèvent et repartent. Mais ce jour là, Alice tombe mal, fatiguée, sa jambe, on ne sait comment, reste coincée. Son genoux gauche est complètement retourné.
Alice va rester 4 heures au fond des chemins avant d'être secourue dans une terrible souffrance, seul, un médecin est arrivé deux heures après sa chute. C'est absolument scandaleux, comment les autorités de la moto peuvent laisser des clubs organiser un championnat d'Europe, s'ils sont incapables de faire passer un « marchal » à moto toute les 20 à 30 mn sur toute la liaison pour vérifier que tout va bien. C'est inadmissible.
Si cela avait été le cas, Alice n'aurait pas passé plus d'une heure seule.
Alice s'était donné les moyens l'an dernier de tenter de gagner, Alice voulait battre Ludivine, elle était passée de la 125 TM à la 250 KTM, son début de saison était très bien parti, mais le challenge était de taille. Alice voulait aussi gagner le nouveau championnat du monde d'enduro féminin.
J'ai compris dès le début que la blessure d'Alice était très grave. Tous les ligaments de son genoux avaient lâché et le nerf sciatique était salement touché. Sachant que notre belle championne ne remonterait sûrement pas sur une moto, en compétition en tout cas, je n'étais pas très à l'aise de l'appeler.
Je n'ai pas la chance d' avoir vu Alice rouler, ni de la connaître, je lui ai donc téléphoné.
Et là, j'ai entendu une voix pleine d'entrain, pleine de vie, j'ai découvert une fille pleine d'humour, de colère, de hargne aussi, une fille extraordinaire.
Alice a donc bien voulu revenir sur les circonstances de l'accident et de ses conséquences. Alice est géniale, quand je lui ai demandé ce qu'elle voudrait faire avec son genoux abîmé, elle m'a parlé aussitôt de sports extrêmes, ben voyons, le ski de bosses n'est peut être pas le mieux pour elle, et je n'ose imaginer la tête du chirurgien si elle lui en parle. Alice va sourire en lisant cela.
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Alice, que s'est-il passé pour que tu te fasses aussi mal lors de ta chute ?
Mauvaise chute, j'ai percuté un retardataire dans le bas d'une descente, les conditions météo étaient extrêmes, exécrables, c'était le deuxième jour, toute la course du matin, j'étais vraiment à bout, je voulais m'arrêter, alors que d'habitude, çà ne m'arrive jamais.
Comme j'étais la dernière fille en course, j'ai pas lâché le morceau, et puis la fatigue, quand on chute çà fait mal.
Je me suis couchée pour essayer d'éviter le pilote, et quand je me suis retrouvée à terre, j'ai tourné ma tête sur la gauche et là, j'ai vu ma botte au niveau de ma tête. Là, je me suis dit, "comment çà se fait que j'ai perdu ma botte dans ma chute ?" et puis là je me suis rendue compte que le pied était dans la botte, j'ai hurlé.
Le gars qui était là a relevé la moto, c'était pas un français, je vois encore sa tête quand il a vu ma jambe à 180 degrés, il a redémarré sa moto et il s'est barré.
Il m'a crié, help, help et il est parti, je peux supposer qu'il allait prévenir les secours au prochain CP, on était en pleine campagne. Je me suis poussée comme j'ai pu en espérant qu'un autre n'arrive pas.
J'étais là au milieu de nul part, au bout de deux heures, un médecin est arrivé en moto, un Italien, comme je parle italien, çà allait, il est resté avec moi pour me rassurer en attendant les secours qui sont arrivés au bout de 4 heures.
Quatre heures sans secours, c'est monstrueux, dans quelle position physique pouvais-tu être pour tenir avec une telle blessure et aussi longtemps ?
Vu où j'étais et que le gars était reparti, seule, je me suis dit que j'en avais pour longtemps et les secours n'allaient pas arriver tout de suite.
J'ai réduit ma luxation toute seule, je savais qu'au bout de 4 heures, il faut une opération et en Hongrie, non merci, çà s'est vite passé, franchement, je sais pas si c'est l'état de choc mais j'ai même pas souffert. Quand enfin je suis arrivée aux « urgences » là-bas, ils ont dit on fait pas. L'ennui, c'est que Europe assistance me laissait 4 jours en Hongrie avant de me rapatrier. C'est l'importateur TM qui m'a ramené dans son camion à Lyon pour que je vois le docteur Dejour.
Quel a été le bilan traumatique ?
Alors au début quand je suis rentrée en France,
les médecins voulaient me couper la jambe, ils pensaient que j'avais eu des artères sectionnées et qu'ils ne pourraient pas sauver la jambe.
Ensuite, on m'a dit que je porterai une attelle toute la vie, que je ne pourrai plus faire de sport, plus rien. Et puis après examens approfondis, ils ont constaté que les ligaments tibia péroné, ceux au dessus du genoux, les internes, les croisés, tout a pété. C'est quelque chose de très rare, une pentade.
J'étais dans un tel état de surfatigue que les ligaments ne tiennent plus. J'ai été opérée.
En quoi a consisté l'intervention chirurgicale ?
On m'a remit tous les ligaments qui tiennent le genoux, sauf les croisés antérieurs.
Après l'opération, j'avais un plâtre de toute la jambe jusqu'au bassin. Je suis rentrée dans un centre de rééducation et au fil du temps, des semaines et des mois, j'ai compensé ma laxité.
Comment prends-tu moralement cette carrière gâchée, les objectifs envolés, et le fait que tu ne pourras pas refaire de moto, depuis quand es-tu résignée ?
Je m'étais donné encore 2 ans pour tout gagner, parce que je ne gagnais pas ma vie avec la moto. Par contre, je le faisais à fond, mon objectif, c'était de battre Ludivine.
Je suis une battante, je me suis dit, il faut que je fasses autre chose, mais çà n'as pas été du tout, j'étais pleine de colère. Il faut que j'apprenne à me calmer, je ne pourrais plus faire ce que je faisais avant. Je ne fais que de réaliser que maintenant. Les derniers examens ne sont pas bons.
Comment es-tu physiquement aujourd'hui ?
Je marche avec une attelle articulée, mais en dessous du genoux, tout ce qui est devant le pied, tout ce qui relève la cheville ne fonctionne pas. C'est le nerf sciatique qui a été trop distendu, il n'a pas repoussé correctement. Jusqu'à maintenant, j'avais espoir que çà revienne et puis çà revient pas.
Progresses-tu encore au fil des semaines ?
Jusqu'à janvier, çà a été très vite, mais là, je peux plus faire mieux. Je suis arrivée au maximum de mes possibilités, mais même si les médecins me disent « Tu es impressionnante » vu les progrès, maintenant ça stagne. J'espérais arrêter la moto disons un an et remonter dessus et retrouver mon niveau, mais si c'était pour me rendre compte que j'ai perdu mon niveau, je veux pas refaire de moto, ce serait pire que tout.
Que fait Alice de ses journées aujourd'hui ?
Du sport, du sport. Je vais en salle de sport, je fais beaucoup de vélo d'appartement, du rameur, beaucoup de natation. Je suis dans un centre de rééducation à Lyon, j'arrive le matin pour 9 heures jusqu'à 17 heures, tous les jours, et sûrement encore pour un moment parce que je me suis rendue compte que j'en avais pour plus d'un an, deux, trois, quatre ou plus.
J'ai su qu'une éventuelle nouvelle opération serait peut-être envisagée, quand est-il ?
Moi, je les ai poussé pour qu'ils aillent vite, mais plus on retarde, mieux c'est. Une greffe a été envisagée mais il y a eu trop de dommage, la greffe ne prendrait pas, mon nerf sciatique a été trop endommagé.
Alors après, il y a une nouvelle technique, le transfert tendineux, c'est de prélever un morceau de mollet pour le mettre devant et après c'est à moi d'essayer de contrôler ce bout de mollet pour qu'il relève mon pied, çà c'est super compliqué psychologiquement, cela demanderait beaucoup de rééducation. Ce que je voudrais avant, c'est que l'on arrive à me stabiliser le genoux davantage, pour pouvoir vivre sans attelle.
De quoi peux-tu vivre aujourd'hui, financièrement ?
Alors là, c'est vraiment la galère. C'est vraiment la m….J'ai passé mon brevet d'état moto, pour pouvoir enseigner la moto. Le problème, c'est que la pédagogie, je l'ai, mais c'est plus tard quand je devrais essayer de nouveaux trucs, je pourrais pas le faire parce que je pourrais pas faire de moto.
C'est là que je me dis qu'il va falloir que je me reconvertisse dans un autre sport, sans sport, je peux pas, je suis attirée par tous les sports extrêmes, mais bon. Il y avait aussi le triathlon, mais avec la course à pied, çà pose problème au chirurgien ! Je lui ai fais voir que je pouvais courir avec l'attèle, mais çà fait un peu canard boiteux !!!
Il faut que je me calme, que je trouve un boulot, peut-être une opération mai-juin, après je vais passer mon brevet de maître nageur. Ensuite, j'espère aller au centre que 2, 3 jours par semaine, on verra.
Alice, merci, je te souhaite bon courage. A bientôt.
Quelques photos d'Alice
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