General Motors Firebird, le drôle d'oiseau à réaction
LES VOITURES LES PLUS RAPIDES DU MONDE - Profilées comme des avions de chasse et équipées d'un réacteur, les trois ovnis de GM des années cinquante avaient, grâce à certaines de leurs innovations, 60 ans d'avance.

Pourquoi exposer dans les grands salons internationaux et se retrouver face à ses concurrents ? Il fut un temps ou les constructeurs américains étaient si riches, un temps ou General Motors était la plus grosse entreprise au monde, qu’ils ont tout bonnement décidé d’organiser leur propre manifestation.
Nous sommes dans les années 50 et du côté de Detroit, on a un peu la grosse tête. Le grand salon international de la ville, qui se tient chaque année en janvier au Cobo Center, c’est bien, mais le GM Motorama qui se déroule presque au même moment, et à New-York, s’il vous plaît, c’est encore mieux pour exposer ses marques Chevrolet, Pontiac, Buick et Cadillac.
Des autos et des congélateurs
D’autant que cette manifestation maison se veut le salon de l’automobile et de l’électroménager. Certes, la gazinière et la machine à laver sont les grands fantasmes de l’après-guerre. C’est la tech du moment, l’IA de l’époque, mais ce n’est pas seulement pour cette raison que le constructeur a accueilli des congélateurs domestiques, une grande nouveauté. C’est tout bonnement parce que la marque Frigidaire est une filiale de GM, ce qu’elle restera d’ailleurs jusqu’en 1979, vendue et revendue avant d’atterrir dans les bras d’Electrolux en 1986.
Mais au-delà des frigos, le Motorama est l’écrin qui accueille les folies du patron, ou plutôt du vice-président star : Harley J Earl, qui est aussi le patron du design. Et ces temps-ci, il se pique d’aviation. Le copinage entre les engins volants et l’automobile est aussi ancien que l’un et l’autre, mais en ces années 50, elle est en pleine expansion. En 1947, le mur du son a été franchi et les réacteurs remplacent les hélices à toute allure.
Earl veut être de cette révolution. Alors il imagine un avion à réaction – voiture, mais avec une turbine à gaz. L’engin, qui reprend les codes stylistiques d’un avion de chasse, est en fibre de verre et en plastique, ne pèse que 1 140 kg. Pas mal, d’autant plus que la turbine à l’arrière envoie 370 ch. Évidemment, il vaut mieux ne pas se trouver à proximité de l’arrière de l’engin, qui dégage 765 degrés de jets d’échappement. Un poil radical.
Le film promotionnel du General Motors Motoroma de 1956. On distingue, vers la fin, la Firebird 2.
L’engin est testé sur le circuit d’Indianapolis. Mais il y a un hic : au-delà de 160 km / h, les pneus sont aux abonnés absents. Quoi qu'il en soit, les records de vitesse, Earl n'en a cure. Ce qui l’intéresse, c’est le show, l’exposition de celle qu’il a appelé Firebird ne se déroule pas à Detroit, mais au Motorama de New York en 1954. Le public se presse au Waldorf Astoria, dans le ballroom ou se déroule le show et il est en extase. Du coup, le vice président se sent pousser des ailes et remet ses équipes au boulot.
Deux ans plus tard, re-Motorama, et re-Firebird. Elle n’est pas beaucoup plus sage, mais sa turbine rabaisse ses prétentions et elle ressemble plus à une vraie voiture, à deux places et elle regorge d'innovations techniques, comme ces freins. Ils sont certes à tambour, mais les ingénieurs ont eu la bonne idée de les placer en dehors des roues, ce qui leur procure un bon refroidissement.
Le succès est encore au rendez-vous. De quoi la commercialiser ? Pas question. Earl veut faire encore mieux. En plus, le show suivant, celui de 1958, doit être son apothéose, et son pot de départ, puisqu’il va céder sa place après près de 30 ans à la tête du bureau de style de GM, qu’il a d’ailleurs fondé.

La troisième Firebird sera un feu d’artifice avec pas moins de sept ailerons pour que la turbine de 225 ch reste, à peu près, rivée au sol. Le passager, comme le conducteur, ont chacun droit à leur bulle de verre. Mais ce n’est pas tout. Earl ne s’est pas contenté de dessiner une fusée, il l’a truffée d’innovations.
Une voiture autonome en 1958
Elle dispose d’une boîte automatique, certes, d’une clim, pourquoi pas, de phares automatiques, évidemment et d’une ouverture des portes automatiques. Mais surtout, 60 ans avant les premières voitures autonomes, elle permet au conducteur de lâcher le volant, ou plutôt, le joystick par lequel le designer avait remplacé le cerceau. Le système électronique permet de suivre un câble hypothétique fixé sur une autoroute fictive qui actionne le volant et le tour est joué. Un régulateur de vitesse par-dessus le marché et en route, sans les mains.
Côté mécanique, la turbine propulse l’engin et un petit moteur classique supplémentaire est destiné à gaver le bataillon électromécanique des accessoires, puisque l’auto dispose également d’une correction d’assiette hydropneumatique.
Commercialiser cet engin ? Personne à la direction de GM n’y pense, ni Earl ni son successeur non plus. Il s’apercevra surtout que la turbine à réaction est une impasse pour l’automobile. Seul le nom Firebird subsistera pour se retrouver, dix ans plus tard, sur le capot d’une Pontiac.
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