3. Essai - BMW S1000 RR : mi-ange, mi-démon
L'essai piste de la BMW S1000 RR aura fait ressortir un comportement moteur épatant et une partie cycle semblant très adaptée à la route. Afin de le vérifier, nous avons parcouru près de 600 km de tous types de départementales, en privilégiant les petites. Une sportive de 207 chevaux est-elle aujourd'hui exploitable sur route ouverte ? Peut-on en profiter réellement ? La S1000 RR semble en tout cas bien armée et ce diable-là n'a pas fini de nous tenter.
Au quotidien, la BMW est surprenante de souplesse et de force. Son moteur se plie volontiers à un rythme calme et mesuré. Ainsi est-il possible de rouler à 50 km/h sur le dernier rapport et même de descendre en dessous, tout en bénéficiant de relances franches et fortes. Les pulsations du 4 cylindres sont sensibles et chaque cycle moteur semble remonter directement dans les mains et les oreilles au travers de pulsations agréables et feutrées. La S1000 RR en paraîtrait presque électrique lorsque l'on accélère d'une traite, sans même oser aller en butée de poignée. Un sentiment renforcé à la moindre accélération. La première pousse instantanément jusqu'à 158 km/h avant de rencontrer le rupteur, le tout en continuant sur sa lancée une fois les rapports suivant passés… Lorsque l'on soude, les sensations viennent de l'intervention des assistances, lesquelles jugulent sans peine les débordements caractéristiques de ce nouveau moteur.
Agréable, même la position de conduite typée, penchée en avant st rapidement adoptée en circulation. Malgré un pneu arrière de 200, normalement peu compatible avec des évolutions à basse vitesse, et surtout malgré la présence d'un amortisseur de direction dont on ne ressent heureusement la présence que lorsque l'on braque fort, la S1000 RR bénéficie d'une grande maniabilité. Par contre, son rayon de braquage est limité ce qui ne facilite ni les demi-tours, ni les évolutions dans une circulation dense. Au moins les rétroviseurs passent-ils aisément au-dessus de ceux de la majorité des automobiles. Des miroirs devenant peu utiles une fois sur route, où ils vibrent tant et tant qu'on en perd la lisibilité du reflet. Dommage qu'ils n’amortissent pas mieux les vibrations !
Un agrément rare sur une sportive. En ville et sur les routes à 80, le shifter, critiqué sur piste reprend du poil de la bête. Sur les régimes intermédiaires, on l'utilise avec plaisir, profitant alors d'une douceur jusque-là inconnue. Les rapports montent parfaitement, tandis qu'une fois les gaz coupés, on profite d'une descente d'enfer : l'échappement marque chaque rétrogradage de quelques déflagrations jouissives et discrètes, à la manière de ce que donnent les boîtes auto(mobiles) des séries M. Un régal. Quant à respecter les limitations de vitesse, nous n'avons eu aucun souci à le faire grâce au régulateur, lui aussi implémenté d'origine. Modèle d'ergonomie et d'efficacité, ce dernier s'enclenche et se paramètre au pouce gauche, permettant de ne plus avoir à surveiller le compteur ou tout simplement de se reposer un peu le poignet droit lors des phases de conduite en ligne droite. Véritable garde-fou, il est l'Ange Gardien de votre permis dans les portions "piège à points". Adopté ! Cela étant dit, la docilité moteur et l'absence de remontrances n'obligent aucunement à hausser la vitesse pour être à l'aise. Encore un bon point pour l'agrément.
Diabolique quand même. Mais lorsque le petit diable qui sommeille en vous et le grand bien présent en elle souhaitent reprendre les commandes, la S1000 RR le laisse faire avec une bienveillance rare. Déjà pour ce qu'elle offre de confort de suspensions. Jamais sur route nous ne sommes parvenus à les prendre à défaut, malgré une vitesse moyenne que d’aucuns jugerait outrancière. Bien que défoncés sur de longues portions, les bitumes ne sont pas parvenus à mettre à mal la liaison au sol. Redoutable. La précision du cap toujours de mise, on s'en remet une fois encore à la poignée droite sans même y penser. Certes, il y a là une certaine fermeté de l'amortissement, mais l'assise large – à la mousse pourtant sommaire — compense par des égards surprenants pour votre fessier, jamais endolori, tandis que la carcasse des pneumatiques apporte son lot de confort supplémentaire. De quoi affoler le tachymètre tout en ménageant le cardiogramme. Les sensations de vitesse sont alors très importantes et particulièrement agréables pour ce qu'elles ne semblent jamais mette en péril autre chose que votre permis. Une fois encore, la S1000 RR semble d'une facilité déconcertante. Et ce ne sont pas les tracés les plus complexes techniquement ou encore les déformations d'un bitume mal entretenu, gommés avec le sourire, qui feront le contraire, ni même le levier et la pédale de frein totalement oubliés pendant des dizaines et dizaines de kilomètres, du fait de la possibilité d'aborder n'importe quelle difficulté théorique comme une simple formalité.
Angélique. Même les assistances, que l'on attendait ici plus intrusives dans un environnement moins lisse et en théorie moins adapté à un déferlement de puissance, semblent s'adapter à ce nouvel environnement. La qualité du freinage et le toucher de disque sont au-dessus de tout reproche, tandis que l'ABS est calibré de manière optimale pour remplir sa fonction première : n'intervenir qu'en cas d'urgence. Une urgence que l'on ne provoque jamais tant la maîtrise est au rendez-vous. On se surprend du coup à attraper le levier droit à pleins doigts et à se régaler en faisant un appel de frein. Une manœuvre prompte à faire se lever l'arrière, tant le niveau de sécurité est élevé et le dispositif efficace. Sans cet appel, la précision et l'excellent calibrage de l'anti blocage apportent une force une fois encore assez douce en ressenti, mais terrible niveau efficacité. Toute sensation parasite est filtrée. Un coup de maître une fois encore. La S1000 RR veille véritablement sur votre conduite, pour la rendre irréprochable… d'un point de vue technique. Du coup, on enroule aisément, tout en apprenant la subtilité (ou non...) du dosage moteur. Les kilomètres s'enchaînent jusqu'à ce qu'après 180d'entre eux parcourus, un placard publicitaire vienne obstruer les informations du bloc compteur en invitant élégamment à trouver le plus rapidement possible une pompe à essence. Une fois les distributeurs de bonheur trouvé quelques 20 à 50 km plus tard, on remet une douzaine de litres dans le réservoir avant de reprendre la route, établissant la consommation moyenne à 6,1 l/100 km. C'est qu'elle serait même économique, cette S1000 R !!! Merci le moteur...
Subtile schizophrène. La poignée droite ressemble davantage à un variateur d'accélération qu'à un accélérateur à proprement parler : la position choisie commande la distribution instantanée de la puissance. Plus on tourne, plus ça explopoussarrache. Diabolique dans l'âme, cette S1000 RR est un peu comme le Lucifer de la série Netflix : hautement condamnable sur le principe et dans les mœurs, mais tellement généreuse et avec un tel cœur qu'elle n'en demeure pas moins un ange… Alors que le passage défile et que l'on peut accélérer de manière plus libre et moins excessive, le moteur apparaît moins linéaire. On observe un comportement renforçant sans cesse les poussées. Pour autant, c'est un peu comme rajouter de la chantilly sur un gâteau à la crème : il y a déjà tellement que ce que l'on rajoute n'est jamais que pour le plaisir et par gourmandise. Plus qu'un élastique pistard, voici que l'on découvre différents paliers de puissance, tandis que le couple répond toujours très présent. Avec la S1000 RR, c'est un peu comme si tous les 2 500 à 3 000 tr/min, la mécanique relâchait un barrage et laissait déferler quelque 50 chevaux supplémentaires… histoire de. En environnement et en conduite "apaisés", on remarque bien mieux les envolées, d'autant moins jugulées que l'accélération se montre précise. L'injection, et surtout le ride by wire, sont parfaitement maîtrisés par BMW, offrant une subtilité impressionnante dans les nuances de "great*".
*great : chouette, sympa, bieeeeeeennnnnn !
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