En 1934, la Mercedes 130 préfigurait la… Coccinelle !
Cachant un moteur arrière sous sa carrosserie aérodynamique, la petite 130 incarne la première descente en gamme notable de Mercedes, qui cherche en 1934 à s’adapter à une société en forte crise économique. La 130 se signale par une architecture évoquant assez précisément celle de la Volkswagen, apparue 4 ans plus tard…
La déflagration du krach boursier du 24 octobre 1929 se fera ressentir durant des années. Il jouera même un rôle-clé dans l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933 en Allemagne, pays très durement impacté économiquement par le jeudi noir. Spécialisé dans les voitures de luxe, Mercedes-Benz est contraint de s’adapter. Ce n'est pas un problème, car la firme à l’étoile, sous l’impulsion de Ferdinand Porsche alors son directeur technique, a déjà étudié un petit modèle à grande diffusion à la fin des années 20, sans le mettre sur le marché.
Porsche parti en 1929, Hans Nibel, subordonné avec qui il ne s’entendait pas très bien, lui succède. Nibel a une appétence certaine pour les châssis surbaissés, favorables à l’abaissement du centre de gravité et compatibles avec les carrosseries aérodynamiques. Il les a testées avec succès en compétition dès le début 1923 avec la Tropfenwagen. Alors que l’économie allemande s’est effondrée, Wilhelm Kissel, à la tête du directoire de Daimler-Benz AG demande à Nibel de concevoir une petite voiture, après s’y être refusé, jugeant la chose trop peu rentable.
Mais il faut s’adapter aux circonstances. Nibel, ne pouvant s’appuyer sur Porsche, conçoit tout de même la 170 W15, au petit 6-cylindres 1,5 l. Dotée de quatre roues indépendantes (une première pour le constructeur), elle remporte un certain succès dès 1931. Cela dit, Kissel demande à Nibel de produire plus petit encore. Ce dernier fréquente depuis longtemps d’autres ingénieurs, aux idées avancées, dont Max Wagner, ainsi que Hans Ledwinka, de chez Tatra. Wagner convainc Nibel de recourir à une solution en vogue au début du XXè siècle mais tombée depuis en désuétude : le moteur arrière.
Avantage, il permet de se passer d’arbre de transmission, ce qui optimise l’espace dévolu aux passagers et réduit les coûts. De surcroît, en plaçant la mécanique dans la poupe, on dégage de la place pour accroître les débattements de suspension, et on peut installer une carrosserie streamline. On étudie de petits moteurs à 4-cylindres, y compris un flat-four refroidi par air, dans le prototype W17 ! Tiens, tiens…
Tout ceci débouche en 1934 sur la plus petite Mercedes-Benz jamais produite : la 130, ou type W23. Son 4-cylindres 1,3 l de 26 ch prend place dans le porte-à-faux arrière, et sa boîte, à 4 vitesses s’il vous plaît (enfin, 3 rapports synchronisés plus un overdrive), en avant de l’essieu, une configuration originale.
Le châssis à poutre centrale repose sur deux trains à roues indépendantes à grands débattements (celui de l'arrière reste assez sommai puisqu’il reçoit des bras oscillants), alors que la suspension se compose de ressorts hélicoïdaux à l’arrière, et de lames à l’avant. Notons aussi la présence d’une direction à crémaillère et de quatre freins à commande hydraulique, des éléments très modernes alors. Mercedes-Benz, alliance de deux marques de pionniers, se doit d'adopter un haut degré de technicité !
Capable de 92 km/h, la Mercedes 130 présente des performances tout à fait dans la norme de sa catégorie, mais offre un confort inédit. Moins chère que la 170, presque aussi rapide et spacieuse, la 130 convainc, même si sa tenue de route étrange demande de l’accoutumance. Tout comme sa carrosserie assez fluide (Cx de 0.51, une valeur alors remarquable), aux proportions inusités et dépourvue de calandre ! La 130 se vend correctement, égalant les chiffres initiaux de la 170, puis évoluera dès 1936.
Elle devient alors la 170H, et son moteur à soupapes latérales sera utilisé en après-guerre dans la berline 180. Seulement, le ventes ne suivent pas du tout. Au total, 4 298 Mercedes 130 seront produites jusqu’en 1936 et 1 507 170H de 1936 à 1939. Cela peut paraître faible, mais pour un constructeur spécialisé dans le haut de gamme comme Mercedes, c’est presque estimable, face à une concurrence nommée DKW, Adler ou Opel.
La Mercedes 130 a-t-elle influencé Porsche ? C’est possible, sachant qu’Hitler avait pensé mettre en commun toutes les compétences du pays pour son projet de « Voiture du peuple ». De plus, on l'a dit, les ingénieurs se fréquentaient régulièrement : difficile de dire qui aurait influencé qui. Par exemple, Porsche, dans les années 30, a travaillé avec Hans Ledwinka, qui a conçu la Tatra V570.
Fabriqué en 1933, ce proto arborait un look aérodynamique, et un bicylindre à plat installé à l’arrière… Mais la Tatra, développée en même temps que la Mercedes 130, n’a jamais atteint la série, elle. Inspiration mutuelle ? Porsche reconnaît avoir regardé les travaux de Lewdinka, qui lui-même observait les siens, avant de concevoir la Kdf Wagen, qui deviendrait la Coccinelle. Tout se mélange !
Quant à Mercedes, la marque a évidemment été impliquée dans le projet de voiture du peuple, mais Kissel a renoncé, s’estimant incapable de produire de façon rentable une auto à moins de 2 000 RM. Or, Hitler voulait que le prix soit de 990 DM, et là, c’est Porsche qui a relevé le gant. Une autre histoire à raconter.
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