Dossier : l’automobile en mode plein écran
Écrans géants, navigation 3D, projections holographiques : plongée dans les nouvelles interfaces visuelles.
Souvenez-vous, la « révolution » que devait apporter l’affichage digital des Renault 11 Electronic et autres Fiat Tipo ou MG Maestro des années 80 ? Manque de lisibilité, de fiabilité, ces tentatives ont fait leur petit effet, avant de décevoir. Depuis, l’idée a fait son chemin, les designers se sont lâchés, les technologies ont incroyablement progressé, et les écrans ont gagné la partie.
Dès les années 90, l’affichage tête haute apparaît, inspiré des avions de chasse. Il a trouvé depuis une place dans de nombreux modèles, projeté sur une lame transparente pour les versions les plus simples, ou directement projeté à la base du pare-brise avec un affichage TFT réfléchi dans un miroir.
Apparu sur l’Audi TT de troisième génération en 2014 (eh oui, déjà…), le Virtual Cockpit (instrumentation sur une dalle numérique) a fait des émules et est descendu en gamme, jusqu’à bord des petites citadines populaires.
En parallèle, un second écran est devenu incontournable, au centre de la planche de bord, pour assurer l’info-divertissement : navigation GPS avant toute chose, puis fonctions étendues, connectées, ludiques, musicales, réglages en tous genres, intégrant jusqu’aux fonctions de base de l’auto comme la climatisation.
Certains constructeurs en reviennent cependant, conservant des touches physiques pour assurer un accès direct aux fonctions de base et ne pas perdre leurs clients qui ne sont pas « digital native » (nés à l’ère digitale). Avec une moyenne d’acheteurs de voitures neuves autour des 50 ans, on en est loin, en effet.
À l’inverse, d’autres comme Tesla (mais un tel nouveau constructeur pouvait-il faire autrement ?) ont carrément tout migré dans l’écran central d’un tableau de bord résumé en une tablette XXL dans ses Model 3 et Y. Seul survivant physique et non virtuel, le bouton des feux de détresse, que la législation impose ainsi.
De son côté, la start-up chinoise Byton avait pensé un tableau de bord tout écran, avec une gigantesque dalle courant entre les deux piliers de pare-brise. La marque n’a pas passé le cap de la commercialisation. Mais tout cela n’est encore qu’un début et les ingénieurs, fournisseurs d’équipements high-tech et designers rivalisent d’imagination pour travailler au prochain « effet wahou » qu’ils pourront produire demain dans leurs futures nouveautés. Car les simples écrans classiques, c’est « so 2021 »…
Écran géant : pour tous les passagers
Alors qu’une diagonale de 12,3 pouces est devenu un standard dans de nombreux véhicules pour l’écran d’info-divertissement, même pour les plus compacts, Mercedes se devait de surenchérir pour sa nouvelle EQS. Comme Classe S d’un nouveau genre, c’est par elle que l’innovation arrive, et comme flagship électrique, impossible de ne pas avoir un habitacle high-tech. Deux bonnes raisons pour développer cet écran XXL, qui depuis a rejoint aussi la toute dernière création électrique de Mercedes, l’EQE.
Voilà donc le tableau de bord Hyperscreen, basé sur la seconde génération du système MBUX. Un de ses atouts est une architecture numérique dite « zero layer », sans sous-menus et avec accès direct à toutes les fonctionnalités. En effet, avec pas moins de trois écrans intégrés dans une immense dalle de plus de 141 cm de large, il fait son petit effet ! L'écran du conducteur mesure 12,3 pouces, l'écran central 17,7 pouces et l'écran face au passager, 12,3 pouces.
Les deux derniers utilisent une technologie OLED, comme certains téléviseurs et smartphones haut de gamme. Chaque pixel y est allumé de manière individuelle avec une excellente luminosité, et donc ceux qui ne sont pas utilisés sont complètement éteints, permettant des tons noir profond et de forts contrastes, quels que soient l'angle de vue et les conditions lumineuses. Une dalle de verre renforcé résistant aux rayures protège le tout.
De plus, Mercedes a intégré un système de réponse haptique, simulant le clic que ferait un bouton physique au moyen de micro-moteurs électriques (8 dans l'écran central, 4 dans l'écran du passager avant) qui actionnent une réponse artificielle lorsqu’on actionne certaines touches virtuelles de l’écran. Les écrans du centre et du passager intègrent aussi une sorte de mousse métallisée qui donne une propriété de capture de force, là aussi, comme sur certains smartphones : avec une pression plus insistante sur le verre, on arrive à un niveau de menu différent par exemple.
Mais que penser du risque de distraction du conducteur face à un écran passager dédié au divertissement ? La marque allemande a pensé à tout, et une caméra surveille son regard : s’il vient à regarder en direction de l'écran du passager, couic, la série visionnée se met automatiquement en pause… Et si le siège du passager avant n'est pas occupé, l'écran prend alors le rôle de décoration virtuelle, affichant une image numérique décorative. Des étoiles Mercedes, par exemple…
Effet 3D : d’abord pour impressionner
Il n’y a pas que les constructeurs premium allemands qui innovent. En France, on a aussi de belles idées et Peugeot a fait très fort en introduisant son tableau de bord 3D dans les 208 et 2008, puis la nouvelle 308. Ici, le bénéfice est surtout d’ordre esthétique plutôt que fonctionnel, mais l’effet est impressionnant. Visuellement, cela donne l’impression d’avoir deux écrans superposés dans le combiné d’instrumentation, alors qu’en réalité, il s’agit d’un écran classique devant lequel est placée une surface transparente sur laquelle est projetée l’image produite par un autre écran logé, lui, dans la casquette du tableau de bord, au-dessus de l’instrumentation.
Dans une démarche tournée vers une vision plus réaliste de l’affichage de la navigation, l’équipementier Continental envisage quant à lui une projection 3D particulièrement spectaculaire, présentant comme une maquette virtuelle ou un hologramme l’environnement autour du véhicule, directement dans la planche de bord. Pour cela, il emploie un support lumineux de 10 pouces, avec une projection en 2 560 x 1 600 pixels d’un panneau de LEDs spécifiques, relayée par un panneau LCD. Résultat, une visualisation à la fois ultra-réaliste, plus facile pour s’y repérer et bien sûr, particulièrement spectaculaire, comme nous avons pu le vérifier sur un prototype présenté par l’équipementier, qui ne précise pas à quel horizon cela pourrait se traduire en série.
Réalité augmentée : complément d’information
Fusionner la vision réelle que l’on a au travers du pare-brise ou la vue d’une caméra frontale affichée sur l’écran de bord avec des informations de navigation directement projetées sur cette vue, en temps réel : tel est le pari de la réalité augmentée, apparue pour la première fois il y a quelques années avec la dernière génération de la Mercedes Classe A. Ainsi, des flèches bleues (pour être plus visibles) sont-elles greffées dans le champ de vision, indiquant la direction à prendre exactement au bon endroit, comme si un guide courrait devant la voiture pour vous indiquer le chemin à prendre ! Depuis, le concept s’est sophistiqué avec une réalité augmentée directement projetée sur le pare-brise, apparue avec les Volkswagen ID.3 et ID.4, et la Mercedes Classe S.
Une version encore plus sophistiquée est l’objet des travaux de recherche de la start-up suisse WayRay, qui développe son système avec projection holographique à projection laser avec le soutien de Porsche, Hyundai ou JVC-Kenwood. Visuellement, les éléments semblent flotter ici à 3 m devant le véhicule lorsqu’il est dans la circulation urbaine, et à 15 m pour l’autoroute, voire sur piste pour aider à trouver la meilleure trajectoire. Mais attention, en plus des indications en temps réel concernant la conduite (informations pratiques, directions, dangers…), ce système diabolique pourrait aussi venir inscrire de la publicité dans le champ de vision du conducteur…
Bilan
Ces technologies sont de plus en plus impressionnantes, certes. Elles ouvrent de nouvelles possibilités, tant pour aider le conducteur dans son action, que pour potentiellement le divertir plus tard lors de phases de conduite autonomes. Mais à l’ère du tout écran, la grande difficulté pour les constructeurs est bien, au-delà des questions de fiabilité, voire de risques de hacking, de trouver la bonne mesure pour informer sans disperser l’attention, voire fatiguer. Les métiers autour des interfaces homme-machine ont de beaux jours devant eux.
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